Tommy Kruise : Autopsie d’un web-phénomène
De retour du festival South by Southwest au Texas, le producteur hip-hop originaire de la Côte-de-Beaupré Tommy Kruise garde les deux pieds sur terre et prépare tranquillement la sortie de son prochain projet.
Visiblement excité par les rencontres qu’il a faites en sol texan, le Montréalais d’adoption de 24 ans est encore sur l’adrénaline après avoir donné sept spectacles en six jours. «L’expérience du festival est folle, résume-t-il. Juste le fait d’avoir pu performer la même journée avec quelques-uns de mes artistes préférés, comme A$AP Mob et Fredo Santana, je trouve ça incroyable. C’est facile de se sentir bien là-bas, parce que la fameuse Southern Hospitality existe pour vrai. Les gens t’invitent à des partys bizarres très tard la nuit et vont te reconduire chez vous après.»
Aux côtés de Kaytranada, Lunice, Alaclair Ensemble, Random Recipe et bien d’autres, Tommy Kruise a participé à un showcase de M pour Montréal à SXSW. Les fondateurs de la vitrine montréalaise automnale avaient, pour l’occasion, organisé un Poutine Party ponctué de performances uniquement québécoises. «C’est vraiment ce jour-là que j’ai eu le plus de fun, assure-t-il. C’est sûrement dû au fait que j’avais droit à pas mal de drinks gratuits durant mon set… Je me sentais vraiment comme à la maison.»
Pourtant, le beatmaker a fait de Montréal sa «maison» depuis à peine quatre ans – décision cruciale qui lui aura permis de développer sa passion pour la musique, alors pratiquement inexistante. «Avant, j’étais pas mal juste intéressé par le skate pis les choses qui m’amèneraient jamais rien de bon dans la vie, confie-t-il. À l’époque, j’avais une machine pour faire des beats chez nous, mais je la sortais maximum 2-3 fois par année. Quand je suis arrivé à Montréal, j’ai rencontré pas mal de monde, dont Lunice, un ami de ma blonde. Ils m’ont dit d’arrêter d’être stupide et de sortir mes beats. Au début, je m’en foutais complètement, mais à un moment donné, je me suis botté le cul.»
Résonance internationale
Quelques mois plus tard, il fait paraître son premier EP Memphis Confidential, une série de compositions carburant au son hip-hop de Memphis, à grands coups de mélodies sombres et de basses lourdes. La résonance internationale et actuelle du projet lui permet de capter l’attention de certains médias web comme Vice et Live For The Funk, ainsi que de rappeurs américains comme Aaron Cohen et Main Attrakionz – pour qui il signera prochainement des beats. Au même moment, il joint également les fondateurs du blog hip-hop montréalais 10kilos.us pour la création de Rap Queb Lent, une compilation chopped and screwed qui reprend les grands classiques du hip-hop québécois (de Yvon Krevé, La Constellation et Sans Pression, entre autres).
Depuis, il cumule les spectacles et prépare (enfin) son premier vrai album, qui devrait paraître cet été et comporter plusieurs collaborations avec des rappeurs américains de la relève, comme Levii Ru$$ell et Maxo Kream. «J’étais censé sortir autre chose depuis longtemps, mais j’aime mieux me concentrer sur un gros projet, explique-t-il. Je veux montrer que je suis capable de produire un son vraiment différent, tout en gardant mes influences de Memphis. Le problème, c’est que je suis vraiment perfectionniste dans ma sélection de rappeurs.»
La passion avant tout
Paru il y a trois semaines, le vidéoclip du premier extrait instrumental, Hers, met en scène Bogdan, un homme de 26 ans atteint du syndrome d’Asperger qui, pour oublier son quotidien fade à l’institut de santé mentale, s’évade à travers la musique. Avec près de 30 000 vues, le vidéoclip réalisé par Martin C. Pariseau a vraisemblablement touché les gens. «Il y a même des fondations pour l’autisme qui m’ont contacté pour mettre le vidéo sur leur site», indique-t-il, plus qu’heureux du résultat final. «Bogdan est là pour nous rappeler que la musique, c’est avant tout une expérience, une façon d’éviter le day struggle qui te démange. Que t’en écoutes ou que t’en fasses, tu dois le faire par passion.»
C’est justement cette exaltation perpétuelle envers la création musicale qui pousse Tommy Kruise à repousser les frontières territoriales et à se faire valoir à l’étranger. L’intérêt international pour la scène électro hip-hop québécoise lui permet d’avoir un rayonnement substantiel. «Il y a vraiment quelque chose de gros qui se passe ici. Montréal « starte » de plus en plus de trends et de mouvements qui ont des répercussions ailleurs. C’est vrai qu’on est corrompus et que les rues sont sales, mais Montréal, c’est incroyable.»
Tommy Kruise
(Premières parties: DJ Smokey, Steve Beezy, Traekay, Wolfer, Blames Junt)
Vendredi 21 mars à 22h au Cercle de Québec