Afrika Bambaataa / Under Pressure : «Lève-toi et fais-le»
Musique

Afrika Bambaataa / Under Pressure : «Lève-toi et fais-le»

Malgré la dérive déjà bien entamée du hip-hop vers «l’argent et les bénéfices», le DJ et producteur new-yorkais Afrika Bambaataa continue d’en propager une vision constructive, basée sur l’unité et le respect, près de 40 ans après ses débuts. 

Kevin Donovan (alias Afrika Bambaataa) a un parcours de rédemption légendaire, mythique. Membre d’un gang de rue du Bronx à l’adolescence, il a tout mis en œuvre pour changer son destin en créant la Zulu Nation, une organisation internationale visant à contrer la délinquance par la «prise de conscience hip-hop», au milieu des années 1970. «Le but essentiel de tout ça, c’est l’amour et la paix», résume ce maître du breakbeat, considéré comme le parrain du hip-hop.

«Actuellement, le danger c’est de penser que toute la communauté hip-hop cherche à promouvoir un message négatif. Oui, c’est vrai, il y a beaucoup de rappeurs qui sont là juste pour l’argent, mais on doit également prendre en compte tous ceux qui s’efforcent à mettre de l’avant le vrai sens de notre musique», met-il en relief, citant au passage la révélation féminine Sa-Roc et le rappeur engagé Immortal Technique.

Grand défenseur de la diversité, tant sur le plan ethnique que musical  comme en témoignent ses collaborations avec des artistes aussi variés que Johnny Rotten, James Brown et Gary Numan , Afrika déplore un criant manque de variété du côté de la sélection musicale, souvent unidirectionnelle, des radios américaines. «On peut y entendre 10 à 15 fois la même chanson en une seule journée!» regrette-t-il. «Je suis très content d’y entendre de plus en plus de hip-hop, mais, des fois, j’aimerais également qu’on y joue du funk, du trip-hop, du jungle… En fait, c’est toujours un problème de traiter avec l’industrie musicale en général, puisqu’elle est uniquement centrée sur ses propres intérêts financiers.»

De la rue au musée

Pour contrebalancer cette tendance commerciale, Bambaataa répand son message par l’entremise de spectacles chaleureux et énergiques – comme il le faisait déjà dans les block parties du South Bronx à l’époque. «Ça reste et restera toujours un voyage musical», indique-t-il. «Dans la foule, il y a toujours un degré de liberté assez élevé. Si tu veux bouger ta jambe, chanter, rapper, danser comme s’il n’y avait pas de lendemain, lève-toi et fais-le! Tant et aussi longtemps que ça se passe dans le respect, tu peux faire ce que tu veux.»

Par-dessus tout, le pionnier se dit particulièrement honoré de pouvoir se promener à travers le monde, à la fois comme DJ mais également comme conférencier. Avec son approche rassembleuse et son immense savoir de la culture hip-hop, il projette désormais d’ériger un musée dans sa ville de naissance  en lien avec son nouveau poste de chercheur invité à l’Université de Cornell, qui possède une remarquable collection hip-hop. «Nous voulons réunir des objets, des savoirs, des artefacts de toutes les grandes villes hip-hop de la planète», explique-t-il, enthousiaste. «Le but est d’enseigner aux gens la vraie nature de notre culture.»

À 57 ans, Afrika Bambaataa se tient donc très loin de la retraite et refuse qu’on analyse sa carrière avec un regard passéiste, comme pour en dresser un quelconque bilan. «Je suis encore très actif dans le mouvement, partout dans le monde», insiste-t-il, en citant son dernier simple Hands Up, en collaboration avec le producteur français DJ LBR et le chanteur dancehall haïtien Nappy Paco. «Je ne crois donc pas qu’on puisse parler de mon apport et de mon héritage. Il est encore trop tôt.»

Spectacle gratuit le 10 août à 21h aux Foufounes électriques, dans le cadre du festival Under Pressure. underpressure.ca