Leonard Cohen: Jacques Julien / Seul l'amour : L'art d'aimer
Rentrée culturelle 2014

Leonard Cohen: Jacques Julien / Seul l’amour : L’art d’aimer

Jacques Julien a mis trois années pour décortiquer l’œuvre chansonnière de Leonard Cohen et en coucher les grands thèmes dans l’essai Seul l’amour.

«La dimension amoureuse, dans les chansons de Cohen, on n’y échappe pas. Dans ses chansons, et dans sa vie personnelle», admet l’essayiste Jacques Julien, auteur de Seul l’amour (Triptyque, 2014). «Mais les autres dimensions, sage et prophète, m’intéressaient parce que la chanson qui me frappait le plus, au départ, c’était Everybody Knows, qui a une dimension plus sociale ou plus sociologique et qui rejoint un petit peu le discours des sages dans la culture juive.»

En plus d’explorer le répertoire de Leonard Cohen, grand bonze de la chanson et de la poésie qui marque les générations l’une après l’autre, Jacques Julien s’est penché sur les diverses thématiques qui animent l’œuvre de Cohen. «Au départ, un des paramètres était de chercher le message dans l’œuvre de Cohen sur la société contemporaine, ce qu’il raconte sur elle, et en quoi le texte de ses chansons peut être utile ou intéressant pour les plus jeunes. Il y avait une dimension sociale et politique, aussi, mais finalement, c’est une vision relativement conservatrice des choses.»

Ainsi, celui qui plaît autant aux baby-boomers qu’à la génération Y présenterait le monde de manière conservatrice, voire traditionnelle? «C’est ce qui est un peu – pas décevant –, mais une des raisons pour lesquelles il est populaire: il y a un effet de miroir par rapport à ce que les gens font et leur situation. Et il n’y a pas un effet de dépaysement total: on se reconnaît dans ce qu’il fait. On constate avec lui qu’il y a des impasses et qu’on ne pourra pas s’en sortir. Il y a une dimension chez Cohen qui est un peu apocalyptique. Ça plaît aussi. C’est dans le ton des discours qu’on entend. La chanson The Future avait été très frappante là-dessus.» En effet, reprise dans des films tels que Natural Born Killers ou Wonder Boys, la pièce se glisse comme la trame sonore d’un monde pris avec lui-même, dont la fin s’annonce proche, mais où il demeure qu’une mince lumière peut se glisser (Anthem).

Toujours proches de l’autodérision, de la culture juive et de l’amour, les chansons de Cohen en ont inspiré plusieurs, au cours des dernières décennies. «Je pense qu’il établit une relation particulière avec son auditoire. Les gens ont l’impression qu’il s’adresse à eux. Il ne cible pas nécessairement quelqu’un, mais c’est un discours très personnel, comme une lettre adressée, une conversation.»

Cela dit, Leonard Cohen ne se dévoile que peu dans ses textes. L’universalité des sujets qu’il traite, le conservatisme de sa vision des choses est finalement beaucoup plus objectif qu’il n’y paraît, et Cohen tend à ne pas se prendre au sérieux: «Même s’il y a des images très fortes, Cohen garde quand même toujours une sorte de distance, de réserve, par rapport à lui-même. Ça se traduit par l’humour, par l’autodérision, mais même quand il écrit dans ses derniers textes, par exemple, sur son dernier album, Old Ideas, qu’il y a une voix qui lui dit « Vas-y, Cohen, chante tes affaires, t’es le sage », il se moque de ce rôle-là.» Un rôle qu’il jouera encore longtemps, dans l’imaginaire musical de tous.

Seul l’amour

Triptyque

2014

240 pages

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