Fred Pellerin : L’urgence de prendre son temps
Obsédé par le temps, le conteur et musicien Fred Pellerin propose Plus tard qu’on pense, un troisième album qu’il a paradoxalement créé à la bonne franquette, sans trop se presser.
Fruit de nombreuses séances sympathiques dans le studio de son fidèle comparse Jeannot Bournival, qui habite «à six maisons» de chez lui à Saint-Élie-de-Caxton, Plus tard qu’on pense a été enregistré en un an et demi. «On s’est pas donné de rush, on l’a fait par p’tits boutes», explique Fred Pellerin. «La musique, pour moi, c’est un plaisir à côté, c’est juste du fun. Si on n’en a pas, de fun, on saute une semaine, c’est tout. Y’a rien de marqué dans le temps, c’est pas quelque chose d’obligé.»
À défaut de s’être imposé un quelconque échéancier, le Caxtonien a toutefois décidé d’axer le concept de son album autour du temps, autant celui qui passe, qui urge ou qui nous manque que celui qu’on redoute collectivement ou individuellement. «À 38 ans, j’ai l’impression que j’suis encore jeune, mais le temps s’écoule», confie-t-il. «L’espérance de vie de ma famille est plutôt jeune chez les hommes… Si j’suis chanceux, j’peux me rendre jusqu’à 70. Ça m’obsède pas jusqu’à me rendre malade, mais la hantise du temps, elle est là depuis très longtemps, même dans mes contes, qui passent par la tradition orale et la mémoire collective.»
La hantise de l’écriture
Moins à l’aise avec l’écriture de chansons que celle de contes, le chanteur propose tout de même deux musiques et trois textes sur l’album – les autres étant l’œuvre originale de ses «frères de mots» David Portelance, René Richard Cyr et Manu Trudel. «J’ai pas le réflexe d’écrire des chansons. C’est pas naturel pour moi. La plupart du temps, j’en écris huit pis j’en garde une», admet-il. «Silence, la première toune que j’ai écrite, y’a fallu qu’Elisapie Isaac l’enregistre et qu’on me dise qu’elle était bonne pour que j’me décide à la chanter. J’ai d’la misère à approuver mon stock. J’reste très douteux.»
Pourtant, s’il y a bien une chose qui ne fait pas de doute au Québec, c’est bien le succès de Fred Pellerin. En plus d’accumuler les dates de spectacle avec ses contes depuis plus d’une décennie, l’artiste a vendu plus de 260 000 exemplaires, au total, de ses deux premiers albums. Un succès spectaculaire à une époque où le disque voit se dessiner sa fin éventuelle. «J’me mets pas de pression avec ça», dit-il, par rapport aux attentes commerciales de ce troisième disque. «Si ça se met à moins marcher, ça me dérange pas parce qu’y a pas d’enjeux commerciaux là-dedans. En fait, c’est pas un produit qu’on sort, c’est une patente à gosses.»
Trop occupé avec ses contes, Fred Pellerin ne croit pas avoir le temps de concocter un spectacle pour accompagner son troisième album. Le calendrier de la prochaine année est même déjà planifié à la semaine près: un sprint de dates en France, une tournée panquébécoise de près de 10 mois et un spectacle de Noël avec l’Orchestre symphonique de Montréal en décembre… 2015.
Des vacances pour prendre le temps de se reposer entre tout ça?
«Chu même pas fatigué», répond-il, du tac au tac. «J’ai jamais connu autre chose ni eu un autre travail. J’ai jamais même fait de curriculum vitae! Ça fait 15 ans que j’fais ça, vivre dans une valise.»
Une façon comme une autre de combattre la hantise du temps, sans doute.
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Plus tard qu’on pense (Disques Tempête) ***
En concert les 12 et 13 décembre au Grand Théâtre de QuébecToutes les dates de tournée au fredpellerin.com.