Louis-Jean Cormier: Le drame a sa raison d'être
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Louis-Jean Cormier: Le drame a sa raison d’être

Loin d’être épuisé par les tumultueux derniers mois qu’il vient de passer, Louis-Jean Cormier ne perd pas de temps et propose Les grandes artères, un second album aux résonances plus sombres qui comprend davantage «de drame que de bonheur».

Difficile à croire, mais entre son travail de coach à La Voix, sa grosse tournée des festivals l’été dernier et ses collaborations avec d’autres artistes (notamment la réalisation du dernier David Marin), Louis-Jean Cormier a trouvé le moyen d’écrire, de composer, d’enregistrer et d’arranger un album complet, sans même avoir eu à s’octroyer une longue période de recueillement ou de gestation pour s’inspirer.

En fait, comme son nom l’évoque, Les grandes artères a été majoritairement écrit sur la route, pendant la tournée du Treizième étage. «Ça a été un vrai feu roulant», explique le chanteur, enthousiaste. «La route, c’est magique. C’est là où la musique prend vie pour moi.»

Pour arriver fin prêt en studio, l’auteur-compositeur-interprète septilien a pourtant dû s’en remettre à la sédentarité, en s’enfermant dans un chalet pendant une semaine pour écrire. Une première expérience concluante pour l’artiste: «En tant que jeune papa, juste le fait de me retrouver seul à m’occuper de moi, à me faire des bouffes, à me reposer, à écrire, à bouquiner quand je suis écœuré, ça a été bénéfique. En plein milieu de la semaine, j’ai demandé à mon ami Daniel Beaumont de venir me retrouver pour qu’on réfléchisse à tout ça. Je lui ai montré ce que j’avais, et ça a relancé mon inspiration. J’ai de la misère à créer tout seul, j’aime le dialogue.»

«Un disque de cœur»

En découle un album relativement brumeux, aux textes qui évoquent sans détour des ruptures amoureuses déchirantes. Sans être totalement sombre, Les grandes artères est tapissé d’une morosité ambiante. «J’étais dans une zone un peu étrange de ma vie durant laquelle je constatais l’abondance de ruptures amoureuses autour de moi», confie-t-il. «Pour vrai, à un certain moment, j’avais réellement l’impression que tout le monde se séparait dans mon cercle d’amis! Ça s’est donc imposé comme un disque de cœur, à propos des tribulations amoureuses… C’est un disque de contrastes, dans lequel il y a somme toute plus de drame que de bonheur.»

Bref, on est loin des envolées rassembleuses et pleines d’espoir du précédent effort, que sont, par exemple, L’ascenseur et Tout le monde en même temps. Cormier reste toutefois certain que son deuxième album saura rejoindre son public. «Si on est capables de voir un film comme Incendies et capoter notre vie, c’est parce que le drame a sa raison d’être», explique-t-il. «Le drame, ça fait pas fuir, ça brasse l’intérieur, ça attire les gens. Le plus important pour moi, c’est le côté thérapeutique de tout ça.»

Se permettre la «surabondance»

Pour soutenir la teneur «dramatique» des textes, le chanteur a privilégié une instrumentation folk orchestrale particulièrement étoffée, qui vient ajouter de la profondeur aux compositions relativement simples. «C’est drôle, parce qu’au départ, je m’enlignais pas pour ça», raconte-t-il. «En plein milieu de la production, j’ai vu la direction artistique s’amener d’elle-même, et on a décidé de la suivre, d’aller au bout de notre idée. Faut dire aussi que j’avais les moyens de le faire. Ça a l’air de rien, mais la facture monte vite quand t’invites plein de musiciens.»

«Y a même la chorale de l’école Joseph-François Perrault qui est venue « pimper » les chœurs. Ils étaient 80! C’est vraiment le disque de la surabondance», admet-il, en riant, soulignant au passage l’apport de l’arrangeur et tromboniste Jean-Nicolas Trottier.

Cette occasion de pouvoir, justement, se permettre la «surabondance», il la doit, en partie, à son expérience à l’émission La Voix, qui l’a élevé à titre de véritable vedette de la chanson québécoise. «C’est quelque chose d’extrêmement éphémère tout ça», admet-il. «Je sais que les gens vont passer à autre chose à un moment donné, et ça me dérange pas. De toute façon, ce qu’on avait réalisé avant l’émission, c’était bien. On avait déjà un disque d’or, et les salles étaient pleines.»

Soixante-cinq mille albums vendus plus tard, Louis-Jean Cormier reste réaliste et sait que toute l’aventure Treizième étage relève d’un exploit qui lui sera difficile de répéter.

Pas question, toutefois, de se mettre trop de pression. Bien au contraire, le chanteur profitera de l’été qui s’en vient pour se reposer un peu avant la tournée automnale. «En ce moment, j’ai juste le goût de suivre des cours de voile pis de m’acheter un voilier!» confie-t-il, emballé. «J’suis dans un drôle de mood, plutôt relax…»

Le calme des flots plutôt que le tumulte des artères, donc.

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Karkwa: «C’est pas fini, j’pense pas…»

Interrogé quant au futur de son groupe Karkwa, dont le dernier album Les chemins de verre date de 2010, Louis-Jean Cormier ne passe pas par quatre chemins: «On est encore sur le qui-vive, tout le monde est occupé ailleurs. Y a des gens à l’intérieur du band qui ont plus de misère à cohabiter aussi. C’est ça que ça fait, les longues tournées et la fatigue qui s’accumule. Moi, je fais pas partie de ceux-là, pis en même temps, je trouve ça très correct, l’attente. Tout le monde semble zen avec ça. En ce moment, ça me permet de regarder vers l’arrière et de constater tout ce qu’on a accompli, les cinq ensemble. En gros, non, c’est pas fini, j’pense pas en tout cas…»

Les grandes artères (Simone Records), disponible le 23 mars // Lancement montréalais le 24 mars à 17h30 au Club Soda // Rentrée montréalaise le 14 mai au Métropolis

Tous les concerts: louisjeancormier.com