Seoul: L’ombre du passé
Inspiré par «l’espace fertile» que représente Montréal et sa scène musicale, le trio dream pop Seoul présente finalement I Become a Shade, un premier album fort attendu dont les sessions d’enregistrement datent d’il y a maintenant trois ans.
La question se doit d’être posée d’entrée de jeu. Pourquoi un gars du Connecticut et deux amis d’enfance natifs de Kingston en Ontario ont-ils choisi de s’établir à Montréal pour enregistrer leur premier album? «Pour nous, c’était le meilleur endroit pour venir faire de la musique», envoie, dans un français cassé, le guitariste et chanteur ontarien Nigel Ward. «En fait, c’est Julian qui m’a convaincu de venir ici, en 2010. À ce moment, j’étais dans un programme de musique à Berklee, à Boston, et j’avais vraiment besoin d’un changement d’air.»
«C’était une époque intéressante pour faire de la musique à Montréal», renchérit son ami de longue date Julian Flavin, claviériste et chanteur, dans un français presque parfait. «J’avais accès à un espace de pratique coin Beaubien et Durocher, où je côtoyais des artistes comme Grimes, Silly Kissers et Mac DeMarco. C’était un espace fertile et inspirant, et je voulais qu’on enregistre l’album là.»
Une saga de trois ans
Avec l’aide du bassiste et chanteur américain Dexter Garcia, que Nigel a rencontré lors de ses études à Boston, le trio prend forme officiellement et commence l’enregistrement d’I Become a Shade. Rapidement, la chimie s’installe: les trois musiciens ne veulent pas de leader et décident donc de coécrire tous les textes et les compositions, en plus de s’échanger tour à tour le micro.
Après multiples collages et essais, le groupe précise sa direction musicale et développe une dream pop aérée qui mélange parcimonieusement instants électro, guitares rock et moments instrumentaux plus exploratoires. «Le but, c’était de créer une atmosphère spéciale et d’entourer nos chansons les plus pop de transitions ambiantes», explique Julian. «On voulait permettre à l’auditeur de respirer entre les chansons et, même, de méditer sur ce qu’il vient d’écouter.»
Début 2012, l’enregistrement est terminé, et Nigel et Dexter retournent à Boston pour terminer leurs études. De son côté, Julian profite du moment pour terminer son programme de sciences cognitives à l’Université McGill. L’album est prêt, mais les trois musiciens ne veulent pas simplement le faire paraître sur Bandcamp, préférant lui donner un rayonnement à la hauteur des efforts qu’ils y ont mis.
Après avoir dévoilé le premier extrait Stay with Us de façon indépendante en 2013, ce qui lui a permis de tourner aux États-Unis et en Europe, le groupe attire l’attention du manitou de Last Gang Records, James Trauzzi. Quelques rencontres plus tard, Seoul gagne son pari et signe avec la prestigieuse étiquette canadienne, qui s’engage à faire paraître l’album.
Regarder vers l’avant
Trois ans après, les musiciens, maintenant tous dans la mi-vingtaine, sont toujours aussi heureux du résultat final. «Cet album-là, c’est une grosse partie de nos vies. C’est un ramassis de souvenirs», indique Dexter, qui se faisait plus discret jusqu’à maintenant puisqu’il ne parle pas vraiment français. «Au début de ma vingtaine, j’avais lâché l’école et je me posais beaucoup de questions. I Become a Shade archive toute cette période mouvementée.»
Toujours sans gérant, le trio montréalais désire maintenant enregistrer de nouvelles chansons et, ainsi, passer à l’étape suivante. «On n’a pas encore pris de décision concernant la ligne directrice musicale», admet Nigel. «On va jouer ensemble et suivre ce qui est naturel.»
«On a quelques vieilles chansons qu’on pourrait remanier, mais je crois que nous avons tous envie de profiter de l’été qui s’en vient pour repartir complètement à neuf», ajoute Dexter. «Je crois que nous sommes prêts pour arrêter de vivre dans le passé.»
I Become a Shade (Last Gang) Sortie le 9 juin