IAM : Renaître de sa retraite
Quasiment forcée à la retraite en raison d’un contrat de disques arrivé à échéance, la bande hip-hop marseillaise IAM se remet sur pattes avec toute la fougue et la conviction qui font sa renommée depuis plus d’un quart de siècle.
La nouvelle est tombée comme un couperet en octobre 2013. Aux prises avec un contrat de disques échu de Def Jam Recordings France, IAM annonçait brusquement que son septième album …IAM, dont la parution était prévue un mois plus tard, serait son dernier. «Il y a des choses qui sont dans l’ordre de la vie… Il y avait ni regrets ni amertume là-dedans», indique Akhenaton au téléphone, en chemin vers l’aéroport pour chercher sa fille. «Nous, on s’y était fait, à cette nouvelle. À 46 ans, on se voyait mal faire des albums indépendants. On ne voulait pas se prendre la tête.»
Le désespoir des fans aura toutefois été de courte durée. Satisfaite des ventes du dernier album – faut croire qu’un «marketing» de la sorte a ses bénéfices… –, Def Jam revient sur sa décision quelques mois plus tard et prolonge de deux albums supplémentaires le contrat du groupe le plus emblématique de l’histoire du rap français.
«La musique n’est pas mathématique»
Pour Akhenaton, ce changement de cap illustre la fidélité des fans, contrairement à celle des radios commerciales qui, depuis plusieurs années, désertent son groupe. «Nous avons énormément de gens en concert, mais paradoxalement, nous n’avons pratiquement plus d’airplays», fait remarquer le rappeur, sans toutefois s’en plaindre. «C’est dire qu’il y a une fracture entre ce que les radios jouent et ce que le public veut. En ce moment, y’a des artistes qui sont bombardés dans toutes les radios et qui vendent 10 fois moins d’albums que nous. Tout ça prouve que la musique n’est pas mathématique. Il n’y a pas de recette miracle.»
Ainsi, IAM multiplie les dates de tournée, en France et au Québec évidemment, mais aussi aux États-Unis et en Chine. Plus que jamais, le groupe aime se mettre en danger et partir «à la conquête» d’un public pas nécessairement gagné d’avance. «C’est super intimidant de devoir jouer devant un public qui ne parle pas français en Chine, mais en même temps, ça nous permet de retrouver des sensations. La plupart du temps, c’est dément!»
En ce sens, la similiretraite aura été bénéfique. «Maintenant, chaque fois qu’on fait un concert, on le vit comme si c’était le dernier», explique Akhenaton. «Chaque instant, chaque minute, chaque seconde, on s’en délecte. Avant, on ne prenait pas nécessairement le temps.»
Chanter le changement
Près de 30 ans après sa réunion avec DJ Kheops, qui a mené à l’éclosion d’IAM en 1989, Akhenaton se sent toujours investi d’une mission quand il empoigne le micro. «On a évolué en développant des messages en adéquation avec nos âges. Raconter les trucs qu’on faisait à 20 ans quand on restait dehors jusqu’à cinq heures du matin, ça ne nous intéresse plus. Maintenant, on veut davantage porter des messages sur l’état général du monde.»
Et qu’en est-il, d’ailleurs, de «l’état général du monde» actuel? Bref, qu’est-ce qui inspire les rappeurs dans l’élaboration de leur huitième album?
«Beaucoup de choses», répond Akhenaton, vague, avant de prendre une petite pause pour ensuite s’expliquer davantage.
«Y’a un monde qui change actuellement… Je ne suis pas alarmiste et je ne crois pas que le monde soit plus violent qu’avant. Ceux qui disent ça, je les remettrais 100 ans en arrière: ils verraient que c’était pire, que les gens s’étripaient et que les maladies décimaient des populations entières… En ce moment, y’a des regains de violence et des changements au niveau politique, culturel et technologique. Ce sont ces changements qu’on veut continuer à chanter jusqu’à la toute fin.»
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En spectacle au Festival d’été de Québec le 16 juillet (infofestival.com) et à l’Olympia de Montréal le 17 juillet (olympiamontreal.com)