S.P. (Sans Pression) : La fin du politically correct
Musique

S.P. (Sans Pression) : La fin du politically correct

Prêt à tout pour se donner plus de liberté artistique, S.P. tire un trait sur l’époque Sans Pression avec Micro Drive-By, un album plus «raw» et spontané, qui marque un retour plus précipité que prévu.

La retraite aura été de (très) courte durée pour S.P., c’est le moins qu’on puisse dire.

Deux ans à peine après avoir fait paraître ce qu’il appelait lui-même son dernier album en carrière, Vagabond ma religion, le rappeur montréalais revient sous les feux de la rampe.

«Le monde a mal interprété quand j’ai dit que c’était le dernier Sans Pression. Ils ont tout de suite pensé que j’allais arrêter de rapper!» explique le vétéran, qui privilégie dorénavant la dénomination S.P. «Ça voulait juste dire que j’allais prendre une autre direction avec ma musique… Sans Pression, ça représentait trop quelque chose. Fallait tout le temps que j’me censure et que je défende des causes sociales dans mes textes. Là, j’avais plus le goût de m’amuser et de revenir aux sources.»

Le premier extrait, Vétéran (part 1), a donné le ton il y a un peu plus d’un mois. À mille lieues d’une réflexion sur la vieillesse comme On vieillit ou d’une chanson engagée dénonçant la corruption comme Bugz Bonné, la chanson nous dévoile un S.P. assez incisif, affirmant qu’il est «back dans la game» et que «le rap est devenu gay».

«Y a pas mal de punch lines qui peuvent irriter l’oreille, mais faut pas tout prendre au premier degré», dit-il, insistant sur le côté battle rap de son approche artistique. «Quand j’dis que le rap est devenu gay, j’parle pas du tout des homosexuels… C’est juste pour dire que la game a changé et que, dans le temps, y a des choses qui passaient pas, comme Young Thug qui porte des robes sur scène, par exemple.»

Dans l’esprit de 514-50

Évidemment, les non-initiés sourcilleront en entendant des rimes assassines comme «Ici, c’est time for some action, moi j’attends pas / C’est comme Allahou Akbar, c’t’un attentat» sur la chanson-titre.

Pour S.P., tout ceci est un risque calculé. «J’m’attends à ce que ce soit mal reçu par plusieurs personnes», admet-il. «Avant, j’tais politically correct, mais là, j’ai laissé ça aller. Si t’es down avec des groupes old school comme Wu-Tang, tu vas comprendre c’que j’essaie de faire.»

Sur ce disque appuyé par une trame musicale «très 2015», élaborée par des producteurs établis de tous horizons, de Manspino à Farfadet en passant par Le Chum, le pionnier du hip-hop québécois a, par-dessus tout, voulu renouer avec l’esprit spontané qui l’habitait à ses débuts et qui a mené à la création de son classique et premier album 514-50 dans mon réseau en 1999.

«Ça donne pas le même résultat, mais c’est le même esprit sur le plan du processus», indique le rappeur, qui a choisi l’étiquette Silence d’or plutôt que la sienne, Thirteen Deep, pour l’appuyer dans cette aventure. «À l’époque, on arrivait au studio avec rien de préparé. On écrivait nos trucs juste avant d’enregistrer, les culottes à terre, avec une bière dans les mains. En quelques minutes, on avait sorti une chanson politique sur les francs-maçons. Le gars derrière la vitrine au studio comprenait rien!»

Céline Dion, le rêve

Plus motivé que jamais, le rappeur s’est depuis muni d’un studio maison et veut dorénavant enregistrer un album chaque année. Éventuellement, il voudrait également collaborer avec des artistes à l’extérieur du circuit hip-hop québécois.

«J’aimerais ça travailler avec un Jean Leloup ou une Ariane Moffatt, par exemple. Je veux que le hip-hop d’ici continue d’évoluer, tout en restant intègre. Peu importe l’artiste avec qui je vais collaborer, je vais mettre la toune sur mon album si elle est nice. Sinon, je la sors pas…», dit-il, avant de nuancer ses propos, le sourire aux lèvres.

«Par contre, si c’est une toune avec Céline Dion, là, fuck that, je la sors pareil… même si elle est poche et que c’est la toune la plus wack que j’ai jamais enregistrée.»

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S.P. – Micro Drive-By (Silence d’or)Disponible le 4 décembreSpectacle de lancement le vendredi 4 décembre au Newspeak