Yves Lambert : Un besoin d'exubérance
Musique

Yves Lambert : Un besoin d’exubérance

À quelques jours de son rendez-vous du temps des Fêtes, le maître de la musique trad québécoise Yves Lambert, qui célèbre son 40e anniversaire de vie professionnelle, revient sur Lambert dans ses bottines, sa récente collaboration avec le rappeur et réalisateur Socalled.

Même s’il reprend essentiellement ses plus grandes gigues, Lambert dans ses bottines, paru à la mi-novembre, est bien plus qu’un typique et ennuyant «best of». Au lieu de s’en tenir à ses anciennes versions déjà bien connues, Yves Lambert a plutôt décidé de se faire plaisir, en appelant en renfort son ami Socalled, avec qui il avait déjà collaboré sur la comédie musicale The Season, notamment.

«J’avais besoin d’exubérance», dit-il, par rapport à cet album qui mélange trad, klezmer, funk, électro, hip-hop, et on en passe. «Socalled et moi, on a des caractères compatibles. C’est un passionné, comme moi.»

Plus conscient que jamais du manque d’espace accordé à la musique traditionnelle au Québec, Lambert a donc tout mis en place pour créer un engouement. «Ça me prenait une stratégie pour mon 40e», explique-t-il. «En ce moment, le milieu trad est extrêmement en bonne santé. Y a des groupes comme Le Vent du Nord et De Temps Antan qui obtiennent une belle reconnaissance à l’international. Moi aussi, mes affaires roulent aux États-Unis. Par contre, ici, c’est autre chose… On dirait que c’est juste La Voix qui marche! Alors moi, je me suis dit que j’allais brasser ça un peu, en créant un buzz.»

Éternel recommencement

Fort de ses 40 ans de carrière sous le chapeau, le musicien de Sainte-Mélanie a toujours modifié son offre musicale afin de survivre dans le métier, que ce soit avec La Bottine souriante dès les années 1970 ou avec le trio qu’il mène actuellement.

Prêt à tout pour tirer son épingle du jeu, il a participé à la vitrine Mundial Montréal cet automne afin de se faire remarquer par des diffuseurs internationaux. «Y avait des gens qui en revenaient pas que je fasse encore des vitrines comme ça, même si j’étais ben connu», dit-il. «Mais moi, j’ai pas le choix de mettre la main à la pâte! C’est toujours à recommencer…»

Du plus loin qu’il se souvienne, Yves Lambert a toujours dû s’adapter au climat culturel et social du Québec. L’histoire de son groupe emblématique, La Bottine souriante, y est d’ailleurs intimement liée. «J’ai rencontré Mario Forest, l’un des membres fondateurs, à la Saint-Jean sur le mont Royal en 1975. J’avais 19 ans et j’étais sur une crisse de go», se souvient-il, nostalgique. «Pendant le show de Raôul Duguay, le dernier des cinq soirs, j’ai commencé à jouer de la musique à bouche et je capotais ben raide. On s’est réunis l’année d’après, en 1976, pour lancer officiellement La Bottine.»

Après un premier album paru en 1978, le groupe a dû faire face au mouvement culturel post-référendum. «À ce moment, la musique en français a pogné une méchante drop», poursuit-il. «Même des gars comme Richard Séguin avaient de la misère. On a dû s’exporter aux États. La première fois qu’on est descendus à L.A., vers 1983, on dormait dans le salon de notre agente. On a fait huit semaines de tournée dans des conditions douteuses de même. On est revenus au Québec avec 300-400 piasses chacun dans nos poches. C’était pas grand-chose, mais on avait eu du fun en tabarnak.»

Le paradoxe du trad moderne

Profitant d’un regain de popularité pour la musique francophone, Lambert et sa Bottine ont atteint des sommets de popularité au Québec dans les années 1990. «C’était vraiment notre peak», se souvient-il. «On avait pris pas mal d’expérience aux États, donc on était devenus pas mal bons. On avait rempli le Spectrum une bonne quinzaine de fois la même année.»

Après avoir quitté sa Bottine en 2003, Yves Lambert a poursuivi sa carrière avec le Bébert Orchestra pendant plusieurs années, avant de prioriser une formule trio au début de la présente décennie.

À travers tous ses projets, l’accordéoniste a gardé le même objectif: faire évoluer la musique traditionnelle.

«Faut toujours entretenir le rapport entre la modernité et la mémoire», explique-t-il. «La marge est minime entre la protection du patrimoine et la fermeture. Rapidement, tu peux devenir réactionnaire. En ce moment, je sais que mon album avec Socalled fait réagir les puristes dans le cercle traditionnel. Mais l’important, c’est que ça fasse réagir et qu’on en parle, en bien ou en mal. Je sais que c’est un vieux principe, mais c’est vrai.»

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Foule Trad avec Yves Lambert, Les Charbonniers de l’Enfer, Bodh’aktan et Mélisande.

Le 28 décembre à l’Olympia de Montréal; Le 29 décembre à la salle Louis-Fréchette de Québec