Il y a 15 ans : 83 – Hip-Hop 101
Publiée sur une base régulière, cette chronique vise à souligner l’anniversaire d’un album marquant de la scène locale.
Porté par une très forte rotation sur les ondes de MusiquePlus, le premier album du collectif 83 a fait de Québec l’épicentre provisoire du rap local. Quinze ans après sa sortie, on revient sur la genèse et l’impact de Hip-Hop 101, en compagnie de 2Faces et T-Mo.
Il n’y a que trois ans qui séparent Hip-Hop 101 et Dualité, premier album de La Constellation, défunt groupe de 2Faces et Onze né des cendres de leur projet anglophone Eleventh Reflektah. Trois ans qui paraissent toutefois une éternité considérant les nombreux changements ayant enraciné, au tournant du millénaire, le hip-hop québécois dans un format joual plus incisif avec les Sans Pression, Yvon Krevé et cie.
«Ça m’a fait un choc quand j’ai entendu S.P. pour la première fois», se souvient Francis Belleau (alias 2Faces), qui venait tout juste d’avoir 19 ans à l’époque. «Avant ça, c’était plutôt instinctif pour nous de rapper avec un accent français, vu qu’on avait été initiés au rap francophone par le film La Haine. On voulait faire des belles phrases et explorer un français plus littéral.»
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Mis sur les tablettes avec hâte par Tacca, qui cherchait à rebondir sur le succès de Dubmatique (au même titre que Radisson avec Rainmen, BMG avec Muzion et Guy Cloutier Communications avec LMDS), Dualité a été vendu à plus de 15 000 exemplaires, poussant La Constellation au sommet de la scène rap de Québec.
«Le succès a été instantané. Ça a pas été long qu’on a fait des shows avec La Chicane, Kevin Parent et Marie-Chantal Toupin», raconte 2Faces, sourire en coin. «C’est drôle parce qu’à la base, on est rentrés de façon vraiment ghetto en studio. Pour faire une histoire courte, j’organisais des shows rap à Québec en 1997, et c’est grâce à ça que j’ai rencontré DJ Scam, qui produisait des beats pour les compilations Rap Essentials à Toronto. On est donc allés là-bas pour enregistrer l’album en mono sur un 8 tracks. En revenant ici, Tacca voulait nous signer, alors on leur a vendu notre album en licence. On trouvait ça cool, mais en même temps, on voyait plus ça comme un genre de démo.»
Accumulant les spectacles en province, notamment en première partie des Backstreet Boys en août 1998 et au Festival d’été de Québec un an plus tard, là où il reçoit un accueil plutôt tiède constitué de huées et de tomates, le duo prend une pause indéterminée en 1999.
Décidé à poursuivre son chemin en solo, 2Faces lance alors son premier album Appelle ça comme tu veux. «Là, Tacca m’avait donné un gros budget», poursuit-il. «Avec cet argent-là, je me suis construit un studio avec du gear à 3000-4000 $ le morceau. Peu à peu, je mettais la patte dans la composition et la réalisation. J’en suis sorti avec une bonne trentaine de beats. C’est à ce moment-là que mon ami Patrick Marier et moi, on a décidé de créer notre propre label.»
Ainsi nait Explicit Productions inc. le 22 septembre 1999. «On est allés au palais de justice pour s’incorporer, mais on avait pas vraiment de nom en tête. En joke, j’ai regardé Pat et j’ai dit Explicit Productions», raconte le rappeur. «Le but, c’était vraiment de faire nos affaires de façon underground. On avait pu le goût de dealer avec des labels.»
Première parution de l’étiquette, la compilation Berceau de l’Amérique vol. 1 fait habilement le pont entre les scènes rap de Québec et de Montréal. Réunissant des artistes emblématiques de l’âge d’or du rap local, notamment Muzion, King, Structure, DJ Nerve et, évidemment, 2Faces et Onze, l’album obtient un succès honorable, notamment grâce à MusiquePlus.
«On a compris qu’on pouvait faire de l’argent avec la musique… Pis t’sais, on se mentira pas, l’argent qu’on avait, on pouvait pas non plus l’investir n’importe où», admet 2Faces, sans entrer davantage dans les détails. «Ça fait qu’on s’est mis à produire beaucoup d’albums.»
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Le deuxième à voir le jour est Mon mic, mon forty, mon blunt de Taktika au printemps 2001. Se côtoyant sur les scènes de la Rive-Sud de la capitale depuis cinq ans, 2Faces et Taktika avaient déjà été en studio ensemble au moment de l’enregistrement de Berceau de l’Amérique. «À l’époque, on n’était pas prêts. On n’était pas assez matures artistiquement», admet Fred Auger (alias T-Mo), qui complétait alors le trio avec B-Ice et Ben. «2Faces nous avait accompagnés au studio Victor à Montréal et il nous avait dit que c’était à chier, notre affaire. Il trouvait qu’on rappait trop à la française.»
«Quand tu commences dans la vie, c’est l’fun d’avoir quelqu’un pour te conseiller. Malheureusement, avec La Constellation, on n’avait pas eu cette chance-là», rétorque 2Faces. «Après que je leur ai dit ça, les gars sont arrivés beaucoup plus prêts. Ils m’ont demandé un coup de main pour la réalisation de leur premier album, et j’ai accepté.»
Naissance du collectif et succès rapide
Au même moment, une connaissance de 2Faces fait appel à ses services pour enregistrer une chanson. Natif de Saint-Rédempteur, Pagail propose un hymne fédérateur qui aurait comme but d’unir les quartiers de la Rive-Sud de Québec. Représentant les deux premiers chiffres des numéros de téléphone de la région, qui comprend notamment Charny, Saint-Nicolas, Saint-Romuald et Saint-Jean-Chrysostome (des villes qui fusionneront l’année suivante sous le nom de Lévis), le «83» s’impose comme le titre de la chanson.
«Pagail est arrivé avec cette idée-là, et on a tous embarqué», se souvient 2Faces, qui était initialement accompagné sur la chanson par T-Mo, B-Ice et Canox, une connaissance de longue date qui rappe exclusivement en anglais. «C’est rapidement devenu un anthem pour les gens qui écoutent du rap dans le coin. En fait, le track a tellement pogné que, tout de suite après l’album de Taktika, on travaillait déjà sur l’album du 83. C’est à ce moment-là qu’on a ajouté Ben et Onze dans le groupe.»
À la fin du printemps 2001, 2Faces convie les membres de son nouveau collectif à une réunion chez ses parents. «J’me rappelle que c’était dans une chambre au premier étage», précise T-Mo. «Il nous a présenté les beats, et tout le monde a commencé à shooter ses idées pour les tounes. Pour vrai, c’était très freestyle. On a pris quelques notes et, quinze minutes après, tout le monde avait décrissé.»
2Faces continue alors de créer une quantité astronomique de beats. À côté de chez lui, une boutique de vinyles usagés l’aide tout particulièrement dans sa recherche d’échantillons. «Je suis allé voir le proprio pis je lui ai proposé un deal», explique le producteur. «Pour 100$ + mon permis de conduire en signe de bonne volonté, je lui empruntais 10 vinyles par jour, que je lui ramenais le lendemain. En fin de compte, j’ai dû avoir écouté son magasin au complet. Les samples pouvaient être partout, autant dans une chanson de Claude Nougaro que dans un album de jazz fusion ou de soul.»
Si le musicien ouvre à ce moment ses horizons à différents genres de musique, ses complices restent généralement assez puristes dans leurs goûts. «J’avais écouté du punk, du Guns N’Roses pis du Rage Against The Machine pendant mon adolescence, mais dès 1996, je me suis mis à écouter juste du rap», se remémore T-Mo. «À l’époque, c’tait assez bizarre, mais tout ça marchait par clique. Tu pouvais pas écouter à la fois du rap et du punk. Même qu’il y avait souvent des batailles entre les deux camps.»
Chacun de leur côté, les rappeurs écrivent les textes de Hip-Hop 101. Le nom de l’album donne d’ailleurs le ton au concept : un cours d’introduction au hip-hop, où l’on donne des leçons assez virulentes. Inspiré par Wu-Tang Clan, les membres misent sur des paroles hargneuses visant à faire taire leurs détracteurs. «On prenait pas des personnages. Oui, il y avait des trucs exagérés, mais rien n’était faux», nuance 2Faces. «Moi, dans la vie, j’ai pas pété la yeule à 200 personnes, mais j’ai pas non plus laissé le nez droit aux gens qui sont venus me dire que ma musique était mauvaise… Bref, c’était pas une bonne idée de venir nous chercher. Avec la famille élargie du groupe, on devait être environ 60-70 personnes. Tous des gars avec des tatous, des bijoux pis des airs pas gentils. Les seules fois où y’a des gens qui sont venus nous chercher, ça a pas duré longtemps.»
«L’esprit d’équipe était très fort au sein du crew», poursuit T-Mo. «Tout le monde protégeait tout le monde, et c’est certain que, dans un cercle de 70 personnes, y’en a toujours une couple qui sont prêts à dropper les gants n’importe quand.»
Blunts, rap et NBA Jam
L’ambiance est toutefois cordiale en studio à l’été 2001. 2Faces emménage alors tout son matériel dans le garage de ses parents pour l’enregistrement de l’album. «Les gars venaient enregistrer un verse pis ils repartaient. Des fois, ils restaient pour fumer des blunts et jouer à NBA Jam», se souvient 2Faces, alors âgé de 22 ans. «Pendant que je gossais des beats, les gars pouvaient relaxer pis boire.»
«On allait bummer là. Même quand on avait rien à enregistrer, on débarquait avec des grosses forty pis on s’écrasait sur le couch pour jouer au 64», indique son acolyte. «On dérangeait personne. Tout ce qu’on faisait, c’était créer pis chiller.»
En l’espace d’un mois, l’ensemble de l’opus est terminé. Tête forte du groupe, 2Faces engage Daniel Sainte-Marie pour le mixage final : «J’aimais pas beaucoup déléguer, mais quand je voyais que la personne était meilleure que moi pour accomplir une tâche précise, ça me dérangeait pas. Dan avait mixé des albums de Rainmen et de Dubmatique, donc je lui faisais confiance.»
Quelques semaines plus tard, le groupe entame le tournage du clip de la chanson éponyme dans une polyvalente de Québec. Peu après, le montage se voit chamboulé par un évènement historique. «J’avais loué un studio de montage à 650$ la journée, le 11 septembre», se rappelle 2Faces. «Quand les tours se sont effondrées, j’étais très perturbé. Je faisais sans cesse les cent pas entre les nouvelles et la salle de montage.» Envoyé à MusiquePlus, le clip obtient rapidement une diffusion massive, ce qui assure une promo considérable au groupe partout au Québec.
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Le 25 septembre 2001, Hip-Hop 101 parait dans les bacs, et les membres du collectif se mettent aussitôt à l’ouvrage. «On s’est divisé les villes. Moi, je faisais Victo et Drummond, quelqu’un d’autre allait au Saguenay, un autre à Montréal… L’idée, c’était d’aller coller des centaines de stickers partout», se remémore 2Faces. «Évidemment, c’était du vandalisme, donc la ville avait pas le choix de les enlever éventuellement. Reste que, pendant une semaine, partout où tu allais, t’avais le 83 dans face. Le pire, c’était évidemment à Québec. La directrice des Compagnons de Cartier devait capoter… On avait tellement beurré son école!»
«Il y a une fois où c’est vraiment allé trop loin», ajoute T-Mo, en riant. «Mon frère devait avoir collé 200 stickers dans une seule cabine d’autobus. Il était saoul raide! Le lendemain, mon oncle qui travaillait à la ville m’a appelé pour me dire que ça avait pu de bon sens. Je me demandais en esti c’était qui l’imbécile qui avait fait ça!»
En plus des autocollants, le 83 mise sur une ligne de vêtements qui gagne graduellement en popularité. Les t-shirts XXL et les chandails de football à l’effigie du groupe envahissent alors la capitale. «Ça a tellement fonctionné qu’à un moment donné, t’avais même pu le droit d’entrer dans un bar de la Grande Allée avec un de nos shirts. Pour eux, c’était une gang de rue, le 83», se souvient 2Faces. «C’est sûr qu’à force de voir plein de gens bizarres se faire mettre dehors des bars avec notre chandail, quelques-uns ont fini par faire des amalgames. Par contre, dans ma vie, j’ai vu beaucoup de gars avec des chandails Metallica se pogner avec des bouncers sans jamais qu’on accuse directement Metallica…»
«Ouais, mais t’sais, faut dire aussi qu’on avait une couple de gars louches dans l’entourage», nuance, avec le sourire, T-Mo, recueillant l’approbation de son complice.
Tournée et «afters violents»
Dès l’automne 2001, le noyau dur du 83 (2Faces, Onze, T-Mo, B-Ice et Canox) sillonne le Québec à raison de trois ou quatre spectacles par mois. Au fait des rouages de l’industrie musicale, 2Faces mise sur ses nombreux contacts : «Moi, avant, j’étais booké par Donald K. Donald. Grâce à lui, j’ai fait deux fois le tour du Québec, en solo et avec La Constellation. Tous les contacts que j’ai développés pendant ce temps-là, je les ai gardés. En plus de ça, y’avait de plus en plus de promoteurs indépendants qui voulaient organiser des shows dans leur ville. Plus la ville était petite, plus c’était un happening.»
À Montréal, toutefois, le groupe est loin de faire l’unanimité. «Disons que ça a jamais été notre château fort», admet 2Faces. «En région, ça marchait pas mal plus. On va s’le dire : on était cinq blancs becs de la Rive-Sud qui débarquaient dans ton village. C’est certain que tu t’identifiais plus à ça qu’à un rappeur de Montréal.»
«Avant nous, y’avait pas beaucoup de rappeurs qui osaient aller en région», ajoute T-Mo. «Nous, on a juste foncé. Ça prenait de la drive, c’est sûr, surtout qu’on n’avait pas de modèles. Y’avait pas encore de gars comme Anodajay qui avait développé ces petits marchés-là.»
L’alcool fait évidemment partie intégrante de la tournée. Si Canox et T-Mo sont généralement «sages», les trois autres vont souvent dans les extrêmes. «Pour vrai, cette tournée-là, c’est une des raisons pourquoi B-Ice est sobre maintenant», confie 2Faces. «Pour vrai, lui, moi pis Onze, on était fuckin wild. On avait un peu de cash, de succès et de notoriété, alors on y allait rock’n’roll. Ça nous prenait deux jours pour nous remettre d’un show.»
«C’était pas mal le party. On avait toujours une gang de 25-30 chums qui nous suivaient», ajoute son compère. «À chaque show, on montait à 5-6 chars. Les afters étaient particulièrement violents.»
Interrompre l’ADISQ
En octobre 2002, lors du gala hors d’ondes de l’ADISQ, le 83 est en nomination dans la catégorie de l’album hip-hop de l’année, aux côtés de Latitude Nord, Les Architekts, Shaka et Dubmatique. Partant avec une longueur d’avance, en raison des impressionnantes ventes de son album (plus de 15 000), le collectif repart quand même bredouille.
«On a été battus par Dubmatique pour leur album de merde», fustige 2Faces, en parlant d’Influences, le douteux troisième album du groupe. «Leur album, pour vrai, c’est celui qui a mené à l’instauration d’une clause pour le retour des disques au HMV… Ils en avaient vendu à peine 3000! Les gens de l’industrie ont voté pour eux seulement parce qu’ils connaissaient le nom ‘’Dubmatique’’. Ils avaient même pas écouté les albums nommés!»
Offusqué par l’issue du scrutin, 2Faces bouillonne lorsqu’il repart du gala. «Il était vraiment en criss», se souvient T-Mo. «Je crois qu’il voulait revirer un truck CKOI et l’ensevelir de collants du 83.»
«Non, c’est pas vrai», rectifie son collègue en riant. «Je voulais pas revirer le truck… Je voulais le brûler!»
Au lieu de s’en remettre à ses premiers réflexes, le rappeur choisit plutôt de fignoler une stratégie un peu plus intelligente : «Je me suis rappelé de ce que mon gérant de La Constellation me disait à l’époque. En gros, il voulait que je challenge l’ADISQ et que je crée une controverse. Il avait un bon creative mind, mais en même temps, c’était un gros pervers (rires). Pour te dire, c’est lui qui avait eu l’idée du stunt à Marie-Chantal Toupin avec le panneau sur le pont Jacques-Cartier.»
Durant la route Montréal-Québec, toujours après le gala hors d’ondes, la stratégie prend forme : dimanche soir prochain, lors du «vrai» gala animé par Guy A. Lepage, 2Faces montera sur la scène du Saint-Denis pour interrompre la soirée et réclamer au micro que la nomination hip-hop soit diffusée en ondes et qu’un jury spécialisé soit formé pour cette même catégorie (comme c’était déjà le cas pour le jazz, entre autres).
Pour arriver à ses fins, le collectif devra toutefois sortir l’artillerie lourde et faire appel à sa famille élargie. «Dès qu’on est arrivés à Québec, on a appelé tous nos chummies pour préparer le stunt», indique T-Mo.
Le 27 octobre 2002, 2Faces et sa bande passent à l’action. «Quand je suis parti de la maison, ma mère capotait. Elle était certaine que ça allait mal paraître», raconte le chef. «J’ai fait des affaires fucked up dans ma vie, mais pour vrai, j’ai jamais été nerveux comme ça.»
Tous bien assis dans une limousine Hummer, à quelques mètres du théâtre Saint-Denis, les vingt complices discutent du plan. À l’intérieur, une télévision retransmet tant bien que mal le gala, amorcé depuis déjà quelques minutes sur les ondes de Radio-Canada. «On voulait s’assurer de pas arriver pendant une pause publicitaire. On voulait les enculer bien comme il faut», résume 2Faces.
Au moment opportun, l’escouade débarque. «On s’est fait ouvrir la porte de la limousine. Le personnel pensait vraiment qu’on était invités au gala. Évidemment, quand on est entrés en dedans, les bouncers voulaient nous arrêter, mais on avait prévu le coup», explique le rappeur. «On avançait comme une équipe de football : les gars en avant bloquent les agents de sécurité et, moi, je suis le running back au milieu. On est plus que 20 en tout, donc si on perd 3-4 gars en chemin, c’est pas grave, on continue. L’important, c’est que moi je me rende sur le stage.»
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Immortalisée par MusiquePlus, seul média que le collectif avait tenu au courant de ses plans, la bravade se solde par une réussite. «On savait pas si ça allait être une catastrophe, mais finalement, notre dossier de presse a triplé le lendemain. Pas longtemps après, l’ADISQ est allé de l’avant avec le jury», poursuit 2Faces. «J’ai recroisé Guy A. par la suite. Il m’a raconté qu’il y avait un climat de peur dans la salle quand on est entrés parce que, quelques jours avant, il y avait eu un attentat dans un opéra de Moscou. Lui, personnellement, il a pris ça relax. Il a joué la game avec nous.»
Cette initiative marque instantanément le milieu du hip-hop québécois, qui applaudit à l’unisson le courage et la démarche du groupe. Venant tout juste de faire paraître son deuxième album, La suite logique, le 83 profite d’une belle couverture médiatique.
Album marquant
2Faces et T-Mo gardent évidemment des bons souvenirs de cette époque. Encore aujourd’hui, ils sont plutôt fiers du résultat final de Hip-Hop 101. «C’est un album parfait parce qu’il est imparfait. C’était vraiment spontané : il n’y a rien qui se réécrivait ou qui se réenregistrait. On misait sur l’énergie du moment», résume 2Faces.
Si le son du groupe a manifestement influencé l’ensemble de la scène hip-hop de Québec pendant plusieurs années, jusqu’à l’éclosion de la mouvance rap plus organique d’Accrophone, Boogat et cie, c’est surtout sa mise en marché indépendante qui aura marqué les esprits. En autoproduisant avec succès son groupe, 2Faces a sans doute inspiré d’autres rappeurs-entrepreneurs comme L’Assemblée et Anodajay à créer leur étiquette, respectivement Iro Productions et 7e Ciel Records.
En développant le marché des régions, le 83 a également pavé la voie aux Sir Pathétik et Ale Dee de ce monde qui, eux aussi, ont mené une certaine carrière florissante sans avoir Montréal dans leur ligne de mire.
Premier groupe rap québécois à mettre autant d’énergie à produire des vêtements à son effigie, le 83 peut aussi être perçu comme un pionnier en matière de stratégies promotionnelles – les mêmes qu’ont adoptées en partie des formations comme Dead Obies et Loud Lary Ajust.
Plus ou moins intéressé par l’état actuel du hip-hop local, 2Faces se consacre désormais à son métier de monteur vidéo. «Je fais pu de rap. Je sais que c’est une musique qui est appelée à se renouveler, mais personnellement, j’ai pas le goût de faire autre chose que le rap agressif que je faisais dans l’temps», explique le Montréalais de 37 ans. «Bref, j’ai pas encore trouvé la recette magique pour faire un album de rap d’adulte, donc je préfère rien faire. En tant que professionnel dans le milieu de la télévision, j’ai aussi une image à entretenir.»
«De toute façon, s’il prend le mic, il va péter une note», ajoute T-Mo. «C’est pas une bonne idée.»
Hip-Hop 101 – en vente sur le site d’Explicit Productions
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