Il y a 40 ans : Harmonium – L’Heptade
Publiée sur une base régulière, cette chronique vise à souligner l’anniversaire d’un album marquant de la scène locale.
Élaboré en collaboration avec le renommé chef d’orchestre Neil Chotem, L’Heptade est une œuvre complexe et magistrale. Vendu à près de 300 000 exemplaires, ce troisième et dernier album studio d’Harmonium a marqué à jamais l’histoire de la musique québécoise. À quelques jours de la sortie de L’Heptade XL, une ambitieuse réédition visant à souligner son 40e anniversaire, on revient sur sa genèse et son impact, en compagnie de Serge Fiori et Louis Valois.
Désirant reprendre la pratique d’opticien de son père, Louis Valois étudie en sciences pures au cégep du Vieux-Montréal au moment où un ami lui téléphone pour l’accompagner dans un spectacle à l’Université de Montréal, au début des années 1970.
À 23 ans, celui qui avait hélas rangé sa basse décide tout de même de se prêter au jeu. Une semaine plus tard, en répétition, il rencontre le guitariste accompagnateur Serge Fiori et, rapidement, «le courant passe» entre les deux futurs acolytes.
Conscient de cette chimie embryonnaire, Fiori invite Valois dans «son appartement aux grands murs blancs d’Outremont» afin de lui faire entendre quelques-unes de ses chansons. «C’est là qu’il m’a dit : ‘’Mon père vient de me trouver une gig, t’embarques-tu?’’», se souvient Louis Valois. «À ce moment-là, j’ai compris que les sciences pures, c’était terminé.»
Lors du Salon de la Femme 1973, les deux musiciens se réunissent sur scène pour une première fois avec le guitariste Michel Normandeau, colocataire de Fiori. Une tournée des boîtes à chanson s’ensuit, et le nom Harmonium retentit peu à peu sur la scène musicale underground montréalaise.
En 1974, le gérant du trio Yves Ladouceur convainc l’étiquette torontoise Quality Records de lancer le premier album homonyme du groupe, enregistré en janvier au studio Tempo à Montréal. «Dès que l’album est sorti, les salles étaient pleines partout au Québec», se rappelle le bassiste. «Avant ça, j’me souviens d’un show à Sherbrooke où il y avait 10 personnes, principalement des étudiants. Deux semaines après, on faisait salle comble.»
Vendu à plus de 100 000 exemplaires en quelques semaines, Harmonium met sous les feux de la rampe le mouvement folk progressif qui dominera le Québec au milieu des années 1970.
Inspiré, le groupe retourne en studio un an plus tard pour enregistrer le tout aussi classique Si on avait besoin d’une cinquième saison. Le pianiste Serge Locat et le flûtiste Pierre Daigneault se joignent alors au trio.
«À ce moment-là, on n’avait aucune vie. On était 24 heures par jour dans la musique», se remémore Serge Fiori.
Très en demande, le quintet est en tournée tout au long de l’année. Entre deux spectacles, Serge Fiori trouve le temps de retourner chez lui, à Saint-Césaire, pour entreprendre l’écriture d’un album, le troisième en trois ans : «Pour être franc, je sais pas comment j’ai fait pour écrire autant… Je crois que j’étais dans un état de grâce. Ça sortait comme le criss!»
Le chiffre 7
À l’automne 1975, Fiori se promène entre Montréal, Saint-Césaire et Marieville, là où Michel Normandeau réside. Avec ce dernier, il réfléchit au concept du troisième album, en tentant de décrypter l’essence des religions qui ont façonné le monde moderne. À force de lire, de réfléchir et d’échanger, les deux musiciens en viennent à trouver un filon qui finira par les obséder pendant de longues semaines.
«On s’est rendu compte que, dans toutes les religions principales, autant dans la bible que dans le bouddhisme ou l’hindouisme, le chiffre 7 avait toujours une importance primordiale», explique l’auteur-compositeur-interprète. «Avec tout ça, on a élaboré un espèce de gros tableau dans le but de voir les similarités qu’impliquaient les sept chakras, les sept niveaux de conscience… On a compris qu’il y avait plein d’éléments qui se recoupaient et que c’était souvent toute la même estie d’affaire. C’était bien beau tout ça, mais à un moment donné, j’avais l’impression qu’on était en train de faire un magazine spirituel!»
Durant le temps des Fêtes, Fiori prend du temps pour lui et tente de donner un second souffle à sa nouvelle théorie : «C’est là que j’ai imaginé un voyage initiatique à travers la colonne vertébrale de quelqu’un. Un voyage qui passe de l’inconscience à la conscience en sept étapes. Pour arriver à écrire là-dessus, fallait toutefois que je vive l’expérience au ‘’je’’ en intégrant les concepts des sept niveaux de conscience. Pour vrai, ce Noël-là, je l’ai pas vu passer pantoute. J’étais complètement parti dans ma tête.»
De Comme un fou à Comme un sage, le chanteur aux origines italiennes développe le fond et la forme de L’Heptade, puis enregistre une démo des sept chansons au studio Tempo, en compagnie de Serge Locat. «Quand Serge (Fiori) m’a fait entendre ça, j’ai été ébloui», dit Louis Valois, qui a par la suite participé à l’écriture du cinquième acte Lumières de vie. «C’est un concept qui m’allumait beaucoup.»
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Devant l’ampleur de son projet, Fiori désire faire évoluer la signature musicale d’Harmonium et l’amener au-delà de son étiquette folk. «J’étais pogné avec la grandeur des tounes. En m’embarquant dans un sujet comme ça, je pouvais pas faire de quoi de simple et arriver, par exemple, avec des versions à l’harmonica», dit-il, en riant. «L’affaire, c’est que c’était très dur de prendre des décisions. J’attendais toujours des signes!»
En parlant à Michel Lachance, ingénieur de son des deux premiers albums du groupe, Serge Fiori a le déclic qu’il attendait. «Michel venait de travailler avec Neil Chotem sur un projet : un spectacle qui portait sur les sept chiffres de Pythagore», raconte le chanteur, encore enthousiaste, à propos du ballet Pythagore 1 à 7, présenté en 1975 et retransmis l’année suivante à Radio-Canada. «Dès qu’il m’a dit ça, j’ai contacté Neil.»
Ayant dirigé les orchestres symphoniques de Montréal et de Québec au tournant des années 1970, celui qui dirige à ce moment le Conservatoire de musique du Québec à Montréal connait à peine Harmonium lorsqu’il accepte de se joindre au projet, en mars 1976. «Il en avait entendu parler. Pour lui, c’était juste un autre groupe populaire», se rappelle Fiori. «C’est quand il a entendu la démo de L’Heptade qu’il a pogné de quoi.»
Complicité avec Chotem
Malgré le fossé générationnel qui les sépare (Chotem a 55 ans lorsqu’il rencontre Fiori, 23 ans), les deux artistes développent une belle complicité dès les premiers instants. «Dans nos premiers meetings, il a fait l’écriture papier de mes tounes. Je pouvais pas la lire, mais je trouvais ça ben beau», se souvient Fiori, qui a toujours écrit ses arrangements «dans sa tête». «J’allais tout le temps chez lui : il travaillait au piano, et moi, je chantais des contre-mélodies.»
«Neil, c’est un être humain très particulier, très intense. Faut garder en tête qu’il se lançait dans cette aventure-là avec des petits gars de 20 ans!» met en relief Louis Valois. «À ce moment-là, c’est vraiment le projet de sa vie. Il est constamment avec nous et il a peur d’écrire des choses qui vont nous troubler, alors qu’au contraire, tout ce qu’il écrit est fantastique. On peut parler d’un frère musicien, mais aussi d’une stature. On pouvait se coller dessus pis s’accoter.»
«L’affaire, c’est qu’il était aussi inquiet que nous autres», poursuit son acolyte. «Il écrivait les arrangements pendant qu’on imaginait les pistes de base. Il tripait solide. Les sessions finissaient, pis il partait pu! On le retrouvait dehors à fumer et à fabuler sur L’Heptade.»
Juste avant d’entrer en studio, plusieurs ajustements dérangent la stabilité du groupe. Ayant composé cinq des sept chansons de l’album avec Fiori, Michel Normandeau quitte l’aventure. «Ça a été très dur pour lui de s’adapter à l’ambiance de L’Heptade», explique Louis Valois, sans donner trop de détails.
C’est le guitariste électrique Robert Stanley qui prend le relais, à l’instar de Libert Subirana qui remplace Pierre Daigneault à la flûte, au saxophone et à la clarinette. Le groupe fait également place à un batteur, Denis Farmer, puis éventuellement à une claviériste/choriste, Monique Fauteux. Cette dernière deviendra une musicienne officielle quelques mois plus tard, portant le nombre de membres du groupe au chiffre emblématique de 7.
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La formation profite de son passage sur le mont Royal le 23 juin 1976 pour interpréter des versions embryonnaires de Comme un fou et Comme un sage. Quelques jours plus tard, en juillet, elle s’exile à la maison de Serge Fiori, à Saint-Césaire, afin d’enregistrer le troisième album.
Budget d’envergure
Bénéficiant d’un budget considérable (l’un des plus gros de l’histoire de la musique québécoise à l’époque), le groupe se permet une petite folie. «On voulait avoir la meilleure qualité d’enregistrement possible, alors on a appelé la gang de Saturday Night Live pour avoir leur studio mobile», se souvient le chanteur. «On n’avait aucun contact à l’interne, donc on les a tout simplement appelés. À notre grande surprise, ça a fonctionné!»
En provenance de Providence dans le Rhode Island, le studio de SNL débarque sur le rang Saint-Ours en juillet 1976. «Quand ils sont arrivés, ils ont eu peur, je crois… Ils se demandaient vraiment c’était qui, ces petits culs-là!» poursuit Louis Valois, en riant.
Pendant 10 jours consécutifs, Harmonium enregistre les pistes de base de l’album, puis peaufine le tout durant une semaine supplémentaire. «Nous, on était dans la maison, et les techniciens, dans le camion. Les portes étaient ouvertes, et y avait des gros câbles qui rentraient par la fenêtre de la cuisine», décrit Fiori.
«On le disait récemment, Serge et moi, mais ça a vraiment le plus bel été de toute notre vie», enchaîne son acolyte. «C’était tellement intense!»
«C’était vraiment fabuleux», renchérit Fiori. «On ouvrait les portes du camion pis on écoutait les prises, couchés sur des tops de char. Y a rien de plus beau qu’une gang de chums qui croient à une affaire de même.»
Après quelques jours, une routine prend racine au studio. «De 11h à midi, on écoutait le Muppet Show avec notre café pis notre crêpe. Fallait absolument avoir ça, sinon on pouvait pas commencer», se souvient le chanteur, amusé.
«Y a Serge qui faisait un café épouvantable», poursuit Valois, sourire en coin. «Heureusement qu’il avait d’autres qualités… Comme écrire!»
Omniprésent tout au long du processus, Neil Chotem a un rôle de premier plan, même si la partie avec l’orchestre ne sera enregistrée que plus tard. «Il arrivait tous les matins avec son gros chapeau pis ses cigarettes, en nous saluant avec son accent anglais chaleureux», raconte Fiori. «À un moment donné, il a pris une plus grosse place… Les tounes étaient pas faciles à chanter, et j’arrivais tout simplement pas à terminer L’exil. C’est là qu’il m’a pogné par le collet et qu’il m’a dit : ‘’Serge, tu vas me le chanter dans face!’’ Il m’a ramené derrière le micro et il s’est mis drette devant moi pendant que je chantais. En une take, c’était réglé! C’était ça, Neil : un gars d’une sensibilité et d’une générosité sans limites. J’ai des frissons juste à en reparler.»
À la fin de l’été, Harmonium et Chotem investissent la salle Claude-Champagne de la faculté de musique de l’Université de Montréal, accompagnés d’une vingtaine de musiciens de l’OSM. Pendant un jour et demi, ils enregistrent les interludes (Prologue, Sommeil sans rêves, Épilogue) et les arrangements imaginés par le chef d’orchestre montréalais. L’expérience se déroule bien, mais Fiori et Valois, assis dans la salle, constatent un certain relâchement de la part des musiciens.
«On sentait qu’il y avait un regard un peu snobinard sur la musique pop», précise le bassiste. «Certains faisaient le minimum et ne se gênaient pas pour regarder leur montre ou faire du bruit une fois que leur partie était jouée. C’était très by the book : après une ou deux heures, on nous demandait des breaks.»
«C’est toujours bizarre ce genre d’attitude-là pour des gens aussi passionnés que nous, qui n’avaient jamais compté les heures de travail», poursuit le chanteur. «Heureusement, Neil était capable de bien les diriger et d’aller chercher le meilleur d’eux. Quand j’ai entendu pour la première fois le prologue et l’épilogue, j’étais à terre. Il se passait vraiment de quoi.»
Mauvais timing
Avant d’envoyer les sessions au mixage, le groupe enregistre des percussions au studio Tempo ainsi que des chœurs au studio Son Québec à Montréal. De plus, il modifie la première partie du Corridor afin d’y remplacer la voix de Fiori pour celle de Monique Fauteux, marquant ainsi son entrée dans la formation.
Désirant avoir leur mot à dire sur l’ensemble du mixage, comme c’était le cas sur le deuxième album, Serge Fiori et Louis Valois sont toutefois contraints de laisser cette partie du travail au bon vouloir de Neil Chotem et de l’ingénieur Michel Lachance. «On s’est rendu compte qu’on avait une tournée de bookée au Nouveau-Brunswick. Le timing était vraiment pas bon», se souvient le bassiste, qui a lui-même conduit les 24 pistes de L’Heptade à Toronto, de peur qu’elles se démagnétisent en avion.
Après quelques répétitions au collège de Maisonneuve, Harmonium met le cap sur l’est du pays pour une tournée d’un mois et demi. Au tout début du voyage, il comprend qu’en plus de manquer le mixage, il ratera deux événements d’envergure qui auront lieu le même jour : le lancement de L’Heptade ainsi que la soirée des élections provinciales du 15 novembre 1976.
Lors du soir fatidique, le groupe donne un spectacle à Caraquet. «On a demandé au gars de la salle qu’il nous installe des télés en haut pour voir Bernard Derome. Le gars savait que ça nous touchait beaucoup, donc il l’a fait», se rappelle Serge Fiori. «Quand les résultats ont commencé à rentrer, on le croyait pas. On jouait en regardant vers le plafond!»
Habitué des rassemblements du PQ, durant lesquels il a donné de nombreux spectacles, Harmonium ne peut que constater la victoire historique. «Ça nous fendait le cœur de pas pouvoir être là», poursuit le chanteur. «On aurait voulu finir le party avec tous nos chums, mais là, on était pognés à Caraquet! Avec du recul, on aurait dû insister pour changer les dates, mais bon, on était trop des bons gars.»
De retour au Québec en décembre, Serge Fiori remarque l’engouement général pour son album : «J’me rappelle que j’me déguisais pis que j’allais au Phantasmogoria (NDLR Défunte boutique de vinyles montréalaise). Je me mettais dans le fond du magasin pis je regardais la pile de L’Heptade à côté de la caisse. Le monde rentrait sans cesse pour pogner leur copie. Moi, je braillais.»
Tournée de près de trois ans
Dès le début de l’année suivante, Harmonium part en tournée, entamant une série de 10 spectacles au Théâtre Outremont. Le soir du 25e anniversaire de Serge Fiori, le 4 mars, des étudiants en cinéma immortalisent ce qui deviendra le seul et unique spectacle filmé de toute la longue tournée de L’Heptade. «On a retrouvé ce film-là il y a sept ou huit ans dans le bureau de mon ancien gérant. La première fois qu’on l’a revu, on n’a pas arrêté de brailler», raconte le chanteur. «C’est un bootleg en noir et blanc avec des images qui sautent. C’est tellement croche que ça finit par ben passer.»
Pendant plus de deux ans et demi, le septuor parcourt le Canada, les États-Unis et l’Europe (notamment en première partie de Supertramp). Plusieurs orchestres lui proposent un spectacle symphonique, mais le groupe refuse. «Au point où on en était rendus avec le band, ça aurait vraiment été trop d’ajouter un orchestre là-dedans», résume Louis Valois.
C’est durant cette tournée que Fiori se rapproche de Richard Séguin. «C’est rapidement devenu mon ami», se souvient le musicien. «Entre deux spectacles, j’allais chez lui à Saint-Venant pour jouer de la musique pis niaiser. À un moment donné, on s’est mis à écrire des chansons. Je trouvais ça plus facile d’écrire avec lui que de me lancer dans un nouveau Harmonium.»
En résulte l’effort collaboratif Deux cents nuits à l’heure, paru en 1978. Énorme succès, l’album remporte le Félix du microsillon de l’année au tout premier Gala de l’ADISQ.
À ce moment, la tournée L’Heptade tire à sa fin. Invité à donner un spectacle dans le cadre d’une série de conférences du Parti québécois à l’Université de Californie à Berkeley en 1978, Harmonium passe un mauvais quart d’heure.
«Notre camion avec tout notre équipement ne s’est jamais rendu. On l’a attendu à l’hôtel, en vain», se souvient Fiori, encore quelque peu ébranlé. «Le jour du show, René est venu nous voir pour nous dire de louer d’autres instruments. C’était pas une option pour nous : on avait besoin de nos instruments pour rendre justice à notre son. Lui, il s’en foutait, il voulait juste que l’événement se passe. Quand je lui ai dit qu’on pourrait pas faire ça, il m’a regardé dans les yeux avec beaucoup de déception. Dans mon cœur, j’avais comme l’impression de l’abandonner. C’était d’une tristesse…»
«La van est finalement arrivée deux jours après», poursuit Valois. «Le chauffeur s’était perdu à Salt Lake City. On a donc décidé de se booker des shows dans d’autres salles, à Los Angeles. Un soir, on jouait dans un club punk. Quand le gérant de la salle nous a vus arriver avec notre van de 45 pieds, il a capoté. Y a fallu qu’on réduise nos effectifs.»
«C’est pas mal ça qui a terminé l’aventure L’Heptade», continue Fiori. «Y a eu des conséquences financières à toute notre mésaventure et, vu qu’on n’était pas un groupe qui faisait beaucoup d’argent, y a fallu qu’on prenne une pause quand on est revenus à Montréal.»
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Incapable d’écrire, le chanteur traverse alors une période difficile : «J’avais écrit quatre albums en cinq ans. J’étais pu capable… J’étais complètement vidé! C’était allé ben trop vite pis ben trop fort. Je suis allé me cacher dans mon coin parce que j’avais trop de misère à assumer ça.»
La genèse de L’Heptade XL
En 1980 parait le dernier album du groupe : Harmonium en tournée, un enregistrement d’un spectacle qu’il avait donné à Vancouver trois ans plus tôt. «C’est vraiment en écoutant cet album-là qu’on a compris que, sur le mixage initial de L’Heptade, on avait peut-être pas assez mis le band en avant-plan», évoque le bassiste.
Sans cultiver de remords, Fiori et Valois caressent le rêve de retoucher au mixage de leur troisième album. Seul hic : les bandes maîtresses ont toutes été envoyées à Sony et demeurent introuvables.
Décidés à rendre publique la captation de leur seul spectacle filmé, celui du 25e anniversaire de Fiori, les deux acolytes approchent Sony près de quatre décennies plus tard, en janvier 2016. Intéressée, l’étiquette leur annonce que, par un concours de circonstances improbable, elle a réussi à remettre la main sur les bandes originales de l’album.
«Quand on a rouvert les 24 pistes, on a braillé comme des petits bébés», confie le chanteur. «La prise de son était hallucinante. C’est comme si on avait enregistré ça la semaine passée.»
Au printemps, les deux musiciens vont de l’avant avec leur ambitieux projet, L’Heptade XL, une version remixée et actualisée de l’œuvre originale. «Neil Chotem et Michel Lachance avaient donné un son d’ensemble très music-hall à cet album-là. Nous, on aimait ben ça, mais on savait que c’était pas ça le feeling qu’on ressentait quand on écoutait les takes dans le camion mobile. Sans toucher aux arrangements, on a donc décidé de clarifier le mix et de monter la guit, la basse et la voix», explique Fiori.
«Tout ça, c’est sur ruban magnétique, une matière qui influence beaucoup le son. Quand t’as la chance de monter ça dans un studio digital, t’as le meilleur des deux mondes», renchérit son collègue.
Le mixage se déroule au studio Post-M à Montréal, de mai à août. Les deux musiciens profitent de l’occasion pour déterrer une nouvelle chanson, C’est dans le noir, retrouvée sur une cassette audio à partir de l’enregistrement d’un spectacle au Centre national des Arts à Ottawa.
De plus, ils invitent Monique Fauteux en studio afin de remanier la deuxième partie du Corridor, qu’elle chantait initialement seule. «En show, Serge tenait toujours à chanter cette partie en duo avec elle. On a donc décidé de couper un bout de la chanson et de la refaire avec les deux voix. En deux takes, c’était dans la boîte.»
À quelques jours de la sortie de cette réédition, Serge Fiori et Louis Valois se réjouissent du travail qu’ils ont accompli. Surtout, ils tiennent à rassurer leurs fans plus puristes, ceux qui cultivent quelques appréhensions à l’idée de voir une œuvre aussi importante de la culture québécoise être retouchée. Après tout, L’Heptade a non seulement marqué plusieurs générations, il a aussi décloisonné la mouvance folk locale de ses repères rustiques.
«Y a des gens qui nous ont écrit pour nous mettre en garde : ‘’Touchez pas à mon Heptade!’’», expose Valois. «Non, on touchera jamais à ‘’ton’’ Heptade! On va juste t’en proposer une deuxième version, plus fidèle à notre souvenir.»
L’Heptade XL – en magasin le 18 novembre / disponible dès maintenant en précommande (format CD, DVD, vinyle ou coffret super deluxe)
Facebook live le 15 novembre à 18h : période de questions animée par Paul Arcand dans le cadre du lancement de l’album