Rap local : La Brigade des mœurs, MTLord, Mike Shabb et Qi Yama
Chaque semaine, cette chronique vise à mettre en lumière les prochains shows et les plus récentes sorties des scènes rap et hip-hop instrumental québécoises.
La Brigade des mœurs, esthétique «fuck toute» //
Acolytes de longue date, Xavier Constant (alias Jeune Chilly Chill) et Jérémie McEwen (alias Maître J) reviennent à la charge avec La Brigade des mœurs, nouveau projet à l’énergie brute et incisive qui évoque le hip-hop du milieu des années 1980.
Le jeudi 9 mars dernier, les deux rappeurs renouaient sur scène pour une première fois en cinq ans, soit depuis la série de spectacles en soutien au deuxième album de NulSiDécouvert (NSD), Pour emporter. «Y avait du monde, on a bu… On était les deux très contents de partager ce moment-là», résume Maître J.
Bref, un lancement à l’image de la genèse de ce premier EP homonyme, qui parait sous la toute nouvelle étiquette La Crème. Amorcé à l’automne dernier, La Brigade des mœurs a été créé dans la complicité et le plaisir. «En octobre, Xav et moi, on avait la fête d’un ami et, après quatre shooters, je me suis décidé à lui parler d’un projet qui me trottait en tête depuis un bout», explique J. «Je lui ai présenté ça comme un projet hip-hop old school. Deux semaines plus tard, on commençait.»
Sur une période de quelques semaines, les deux camarades se sont réunis pour écrire, composer et enregistrer une chanson, à raison d’une chaque samedi. «On avait en tête le concept de base, alors Xav s’est mis à faire des beats à la Def Jam avec les cinq presets de son MPC. Le fait qu’on construise la prod le jour même, ça nous a permis de garder une cohérence pour chaque toune, autant en matière de musique que de textes», poursuit le rappeur. «On sait très bien qu’on n’est pas les meilleurs rappeurs au monde, alors l’intérêt de la chose, et ce sur quoi on s’est concentrés, c’est le feeling général, la drive, le charme.»
Cet exercice spontané a redonné à Maître J l’envie de faire du rap. Celui qui a officiellement quitté NSD il y a environ quatre ans a renouvelé son approche durant ces «samedis créatifs».
«Ce qui arrivait souvent avec NSD, c’est qu’on était beaucoup de membres et que, parfois, on pouvait passer toute une pratique à peaufiner une section musicale. C’était assez ardu comme processus, tandis que là, on arrive à un résultat en seulement une journée», met en relief le professeur de philosophie du hip-hop au Collège Montmorency. «J’me casse moins la tête pour les textes aussi. Avant, j’allais faire une référence alambiquée à un philosophe, et ça passait par-dessus la tête de tout le monde. Maintenant, je dis les choses plus clairement et directement. J’ai arrêté d’essayé d’écrire des dissertations pour me laisser plus aller.»
Sur la décapante ode féministe Pénis, le rappeur se fait particulièrement franc et autocritique. «Aristote dit aux femmes d’obéir pis Doggy Dogg dit aux femmes de fléchir les jambes / Faut que ça finisse, même mes vieilles tounes sont limite en criss / C’est 2017 pis c’est l’année du coq, mâle alpha calisse tu suck», envoie-t-il sur un rythme effréné.
Inspirée par le groupe punk Crass, collectif anarcho-punk britannique de la fin des années 1970, cette chanson renferme plusieurs éléments significatifs qui résonneront sans doute sur le prochain EP du duo. «Y a une vibe punk qu’on veut garder, sans nécessairement refaire la même toune. L’esthétique ‘’fuck toute’’ nous plait bien, et on veut remettre de l’avant cette énergie brute-là, autant dans le son que dans les références.»
Si ce genre de proposition champ gauche était d’emblée rejetée du revers de la main par la scène hip-hop québécoise à l’époque de NSD, elle semble maintenant trouver des échos plus favorables. C’est du moins l’analyse sommaire que Maître J fait de l’accueil qu’a reçu son projet jusqu’à maintenant : «Quand on a lancé notre premier single, le site HHQC.com en a parlé. À l’époque, c’était quelque chose d’impossible à imaginer, car on n’était même pas considérer comme des rappeurs par ce genre de plateforme traditionnelle. Faut dire que Xav a aidé à ce changement de perception-là en participant activement aux WordUp! Je crois pas nécessairement que les centaines de milliers de vues qu’il a sur ses battles vont aider à propulser le projet, mais je crois que ça peut piquer la curiosité de quelques personnes.»
Nouveautés d’envergure//
Avec une fougue à peine un peu plus contenue que Danny Brown, MTLord impressionne sur Been Here.
[youtube]bH92Huoutyk[/youtube]
Obia le Chef présente le récit de voyage Kob, chanson tirée de son honorable mixtape Paranoïa vol. 1.
[youtube]HmCIKUIUrmI[/youtube]
ICEYami maîtrise l’art du trap répétitif aux ondes west coast.
February CXLD sert un brulot trap aux accents cloud.
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NBA Knox lance son argent sur le sol de sa cuisine dans Bando, nouvelle pièce qui, à défaut de bénéficier d’un clip de qualité, reste accrocheuse.
[youtube]4WMAK86tl5c[/youtube]
L’éternel vilain de Beaubien Colonel continue d’alimenter son propre mythe sur une autre puissante bombe de vulgarités.
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Wesley The Sxldier fait preuve d’une intensité sans relâche sur Hundred Shots, pièce trap à l’esthétique lo-fi brutale et schématique.
Natif du Connecticut, REZ4REAL se joint à la révélation locale Mike Shabb sur Know Why.
Comme d’habitude, Shabb a été prolifique cette semaine. Sa plus récente pièce avec Meatkrow (l’une des trois branches fondatrices des 13 Salopards) rappelle le New York des années 1990.
Féru du lo-fi, le Trifluvien slumgod. sort les basses lourdes pour un aparté trap.
L’infatigable Jay Scott livre un deux titres expérimental aussi brouillon qu’inusité.
Membre du Team XXI, Franky Fade se dévoile avec un trap lo-fi bien dirigé.
Rwo prend une pause du trap et du drill, mais s’avère toujours aussi cinglant dans son propos et son flow sur Rouler.
[youtube]X80tX69nk28[/youtube]
Le très prometteur producteur QuietMike fait appel à ses complices rappeurs FouKi et Kevin Na$h sur cet EP remarquable. Une autre belle évolution digne de mention.
L’éminent Montréalo-Torontois Joel Garden livre une beat tape lo-fi aux trouvailles sonores ingénieuses.
Cette semaine, Garden a aussi publié le fruit de sa collaboration avec Dijah SB, un trois titres hip-hop funky.
Parlant de funk, notre représentant national Kaytranada renoue avec l’Américain GoldLink sur Meditation.
À deux semaines de la sortie de son album Liqueur forte, le vétéran C-Drik nous en sert un deuxième extrait.
[youtube]zeZyw_vw3i8[/youtube]
Dans le rayon des belles découvertes de la semaine, Qi Yama présente son flow mélodique et explore des horizons soul fertiles sur son EP q&a.
Le Montréalais LORD†HELOST collabore avec le talentueux Do,The Outcast sur Tryna.
Le producteur et rappeur ELMNT revisite l’esprit boom bap des 90’s sur sa mixtape 93 Tape, qui contient des beats empruntés à Pete Rock, Madlib, Dilla et cie.
La gang de Bas-Canadiens Alaclair Ensemble mise sur un karaoclip live pour Les Infameux, pièce hommage aux classiques du hip-hop américain.
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La rappeuse montréalaise Meryem Saci offre un clip pour son énergique Concrete Jungle.
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Entre hip-hop, jazz, spoken word et musique actuelle, Héliodrome (projet de l’ex-Atach Tatuq Khyro) propose un clip pour Sous la peau de l’ours, extrait de son tout nouvel album Le jardin des espèces.
[youtube]rZkpLHLo57k[/youtube]
3 shows à voir //
Sur une belle lancée depuis la sortie de sa collaboration avec Future et The Weeknd, la fierté lavalloise High Klassified sera de passage dans la métropole pour une soirée avec ses acolytes Da-P, Planet Giza, Nana Zen et bien d’autres.
Le Belmont (Montréal), 17 mars (22h)
Une autre grosse soirée de hip-hop est à prévoir ce vendredi, alors que croiseront le fer Ajust, Charlie Shulz, DJ Manifest, Lowpocus et Asma.
Artgang (Montréal), 17 mars (22h)
Pendant montréalais de SXSW (festival texan qui bat son plein en ce moment), MXQC présente une soirée rap intrigante ce samedi. S’y présenteront tour à tour la rappeuse électro Donzelle et le groupe hip-hop expérimental aux influences free jazz Brakhage.
Divan orange (Montréal), 18 mars (21h)