Rap local : Lary Kidd, Lunice, Wasiu et Lewis Dice
Chaque semaine, cette chronique vise à mettre en lumière les prochains shows et les plus récentes sorties des scènes rap et hip-hop instrumental québécoises.
Lary Kidd, la grande brisure //
Si les chansons de Loud Lary Ajust faisaient le portrait d’une adolescence cynique plongée dans un nightlife montréalais où tous les abus semblaient permis, celles de Lary Kidd sur son premier album solo Contrôle témoignent d’un mal-être plus évident. Comme si, après la fête et les dérapages nocturnes, venaient les lendemains abrupts, les promesses échouées d’un monde encore plus noir que ce qu’il laissait sous-entendre.
Bref, le rappeur de 29 ans se fait plus que jamais fataliste. «J’ai écrit ça durant une mauvaise passe», confie-t-il, l’air de dire qu’il est maintenant passé à autre chose. «En peu de temps, j’ai vécu plusieurs changements importants : une séparation, un déménagement, une brisure avec mon groupe, une brisure avec mon gérant… Plein de détails de la vie personnelle qui ont contribué à mon malheur. Peu à peu, je suis devenu sensible au malheur des autres, au malheur qu’on vit collectivement dans la société.»
Devenant inconsciemment l’éponge d’un certain désarroi collectif, Lary Kidd a plongé tête première dans ses idées les plus noires, cédant par la bande aux clichés véhiculés dans le gangsta rap américain, notamment ce qu’il nomme comme étant la consommation de drogue, l’objectivation de la femme et la fascination pour les armes à feu. Omniprésents dans le corpus de sa formation, ces thèmes sont ici martelés sans inhibition, comme si, à force de les ressasser, Lary voudrait finir par en retirer un certain sens.
«Tout au long de l’album, je ressens beaucoup ce que je déplore, un peu comme si j’étais la victime de ce que je raconte», analyse l’Ahuntsicois d’origine. «Parfois, y a un moment de lucidité au milieu d’une chanson, un commentaire cynique qui fait le point sur ce que je viens de dire.»
C’est ce qui semble se dérouler dans la chanson titre. Portrait d’un «homme macho complètement déviant», Contrôle contient un inquiétant passage, durant lequel Lary signale sa propre autodestruction : «Pour tout dire, j’aimerais mourir et ne plus jamais renaître / J’ai mis un pied dans la tombe pis les canons sur ma tête»
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Évoquée à plusieurs reprises durant l’album, la mort est brandie comme une délivrance, comme la solution ultime pour éviter de tomber dans tous les excès. «C’est pas quelque chose auquel j’ai pensé systématiquement durant ma mauvaise passe, mais il fallait que ça sorte. Encore une fois, c’est pas parce que j’y fais allusion que je le suggère», dit-il, en parlant plus précisément du suicide. «Y a aussi la mort du fils d’Alexandre Taillefer qui m’a vraiment touché. C’est quelque chose que j’ai absorbé intensément, jusqu’à en avoir les larmes aux yeux. À ce moment-là, j’étais fuckin’ tout croche dans ma vie…»
Écrit, composé et enregistré en l’espace de quelques mois, Contrôle porte donc en lui une émotion brute conservée intacte, que Lary a su transposer en mots sans toutefois en avoir écrit un seul. Préférant la mémoire au stylo, le rappeur met à profit une technique de création qu’il fignole depuis son adolescence : «C’est une façon de créer que je développe depuis mes premiers boulots comme plongeur à l’âge de 15 ans. J’étais tout seul à laver des piles d’assiette pendant des heures et j’avais plein d’idées de rap dans ma tête. J’ai commencé à tout stacker ça dans mon cerveau et j’ai jamais changé ma méthode depuis. Parfois, je fais des petits plans de travail, mais c’est tout. À mon avis, ça donne un delivery beaucoup plus direct, car au lieu de rapper le contact visuel d’une feuille, je rappe ce qui sort de ma tête.»
En découle un album beaucoup plus rude que ceux de sa formation : «Loud m’apportait un côté réfléchi, et moi je lui apportais un côté spontané. On tanguait l’un vers l’autre pour que ce soit uniforme. Là, j’ai pu un Loud qui me challenge lyrically, donc j’y vais all out brut, sans trop de doubles sens. Y a pas trop trop de réflexions, mis à part quelques phrases avec des références littéraires.»
Histoire d’être en phase avec son approche artistique, Lary Kidd a voulu privilégier une direction musicale plus épurée qu’à l’habitude. Les producteurs Kable Beatz, Toast Dawg et VNCE (de Dead Obies) en ont toutefois décidé autrement. «Finalement, mon album est très très produit», dit-il, en riant. «Y a plus de couches que ce que j’aurais souhaité, mais c’est souvent ça qui arrive avec les producteurs. Tu leur laisses ton produit pis ils finissent par mettre des strings partout! Non mais blague à part, je suis vraiment très content du résultat. VNCE était sur des trips musicaux de malade, et c’est tout à son honneur.»
Lancement de Contrôle – Scène urbaine / Place des Festivals (Montréal), 9 juin (23h)
Nouveautés d’envergure //
Cinq ans après avoir révolutionné le trap avec TNGHT, le Montréalais Lunice revient en force avec Mazerati, une première chanson en deux ans.
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Près de deux ans après l’entrée en matière Purp Fiction, le groupe 2130 explore des horizons encore plus obscurs et psychédéliques sur Enter The 2130, nouvel EP qui profite de quelques productions du regretté DJ Cabanon.
Polyvalent, Taigenz montre ce dont il est capable sur Sin Miedo.
Avec son flow posé, presque nonchalant, Beneffect se dévoile avec ce premier projet.
L’excellent Wasiu propose enfin Snow Mexican, une suite à son puissant mais encore trop méconnu MTLiens.
Le rappeur montréalais Dydadon s’autoproclame le nouveau Ticaso sur Fuck le rap game.
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Sarahmée y va d’un flow plus percutant sur cette reprise francophone de Missy Elliot.
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Des kilomètres des ennuis, un ramassis épars mais vigoureux des moments mémorables de la récente tournée de Rymz.
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Refaisant équipe avec l’équipe de La Maine, le talentueux KNLO brille dans cette originale mise en images d’Avenue.
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Le producteur Lewis Dice présente un univers rétro-futuriste sur Dice Game.
Originaire de Québec, le duo BILI BILI étonne avec un EP de grande qualité qui va au-delà des tendances hip-hop actuelles.
À quelques jours de la parution de l’album MBOKA, NoKliché en offre un aperçu convaincant avec Mosala.
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Fans de jazz, de neo-soul et de boom bap, le duo Ghostnaut & Dualib offre le rafraîchissant Sideways.
Obia Le Chef dévoile un autre clip issu de sa mixtape Paranoïa vol. 1.
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Dr3vision présente un trap cloud aux influences psych jazz sur la lucide Savage World.
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En vedette dans cette même chronique la semaine dernière, le collectif Casse-Croute fait paraître le fruit de son labeur : le mini-album Éléphant Rose ainsi que le clip pour la brillante Soleil noir.
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Average Chums rend un hommage inusité à Alaclair Ensemble.
L’inclassable Hardbody Jones offre Peter Pettigrew, un extrait de son projet Dark Daze prévu pour le 19 juin.
Peu d’infos sur HDC, rappeur montréalais qui semble avoir des affinités avec le cloud rap.
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Le duo originaire de Terrebonne Jay Scott X Smitty Bacalley lance une nouvelle pièce.
Le Parisien Matou se joint au chanteur montréalais Maestro Omayela sur l’accrocheuse Persuasive Girl.
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La chanteuse montréalaise Sara Diamond pose avec grâce sur cette production massive signée Noah Barer, Austin Tecks et Jay Century.
Rencontre inusitée entre le groupe hardcore Obey The Brave et les rappeurs du trio Loud Lary Ajust.
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3 shows à voir //
Brown, le quatuor mené par les deux frangins Jam et Snail Kid, livrera ses chansons, celles de son premier album acclamé lancé l’an dernier et celles de son nouvel EP POPLUV prévu pour ce vendredi.
Scène urbaine/Place des Festivals (Montréal), 14 juin (21h)
Les Belges Roméo Elvis et Le Motel seront du festival Mural pour un spectacle double à ne pas manquer avec Loud, Husser, Gayance et BNJMN.LLOYD, entre autres.
3527 boulevard Saint-Laurent (Montréal), 14 juin (18h)
De toute la vaste programmation hip-hop des FrancoFolies, le spectacle de Loud sera sans doute l’un des plus courus, étant donné la popularité de son premier EP New Phone, paru fin avril.
Scène urbaine/Place des Festivals (Montréal), 10 juin (23h)
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