Le jeudi 31 août, on commence l’épopée à l’Agora des arts avec le show d’un petit gars du coin, celui du célèbre chanteur et guitariste de Gwenwed.
Accompagné par Guido del Fabro et Laurence Lafond-Beaulne, Philippe B mise sur des versions épurées des chansons de La grande nuit vidéo, son plus récent album tout aussi acclamé que ses autres d’avant.
À quelques mètres de là, dans une ambiance quasi-contraire sur la scène extérieure de la 7e Rue, Pierre Kwenders mène la rumba congolaise au croisement du hip-hop, du funk et de l’électro. En cette nuit qui s’annonce froide sur un pas pire temps, cette musique chaleureuse fait office de contraste invitant.
Les couverts sont bien placés pour le repas principal, le spectacle d’A Tribe Called Red. Toujours aussi efficaces et précis dans leur mix, les trois Ottaviens peuvent compter sur de vives projections pour donner du dynamisme à leur prestation. La présence de danseurs de tout acabit contribue aussi à relever le niveau.
Alors que termine un pot-pourri comprenant les percutantes R.E.D. et Suplex, nous prenons la décision d’éviter l’hypothermie en nous dirigeant vers le bien nommé Cabaret de la dernière chance. Au tournant du vendredi, le groupe Fuudge sert une performance grungy à souhait, notamment mémorable pour les interprétations incarnées de Caller un magicien, Ju et 21st Century Schizoid Man, déjantée reprise en français (S.V.P.) du hit incontesté de King Crimson.
Transcendant, David Bujold mène le bal avec un charisme certain qui donne encore plus d’aplomb à une performance effrénée.
Parlant de charisme, le renommé barbier Franz Jacob dévoile son apparat au pop-up shop de la 7e Rue, évènement officieux du FME qui se déroule dans son salon éphémère.
Peu d’heures plus tard, nous nous réveillons au sympathique Mistral, motel en retrait du centre-ville de Rouyn qui donne toujours lieu à de fascinantes découvertes. En ce vendredi matin, ces vieilles chaussettes humides résident au pas de notre porte.
La journée sera bonne.
Tradition oblige, l’étiquette Bonsound a trouvé refuge dans sa maison de prédilection, où elle invite certains irréductibles mélomanes à profiter de sa piscine et de son épluchette de blé d’inde. Devant de telles offres de ressourcement, nous nous installons avec le sourire, prêts à profiter d’une performance de Duchess Says.
Contre toutes attentes, la chanteuse/oiseau de nuit Annie-Claude Deschênes existe en plein jour. Elle se promène d’ailleurs à travers la foule avec une intensité débordante.
La force du FME, c’est sa diversité. Loin de s’en tenir au spectre hermétique que peut sous-entendre cette notion bien floue qu’est encore et toujours la musique émergente, l’évènement laisse une place à des artistes québécois plus établis comme le toujours pertinent Pierre Flynn, venu au Club Chimo présenter les pièces de sa riche mais quelque peu sous-estimée discographie.
Sur le site extérieur de la 7e Rue, Kroy donne une courte prestation sous une tente dans le cadre de l’émission radio-canadienne Après nous le déluge. Fidèle à elle-même, la moitié de Milk & Bone porte la couleur qui reflète celle de sa musique et de son âme.
Juste à côté du site, cet homme mise sur un habillement autrement plus coloré.
Après avoir enregistré une émission à la radio CFME, station éphémère expressément créée pour les bienfaits du festival, l’heure de la paie est arrivée : celle du repas fourni aux bénévoles.
L’ardeur au travail de ce chef brûleur est à souligner.
Direction Paramount pour le traditionnel show hip-hop du festival. D’abord, c’est la révélation rouyn-norandienne Mathew James qui monte sur scène pour lancer son plus récent EP, Les profondeurs du lac Miroir. Semblant quelque peu intimidé par l’ampleur de la foule (et probablement par le fait qu’une bonne partie des spectateurs le découvrent durant ce spectacle), le rappeur livre tout de même une prestation estimable, s’appuyant sur sa voix portante et son flow maîtrisé.
Ensuite, au tour de Lary Kidd. Deux ans après le passage de sa formation Loud Lary Ajust sur cette même scène, le rappeur revient en solo avec une confiance inébranlable. DJ Manifest l’accompagne au laptop, et OG Bear (de Dead Obies) en fait de même aux back vocals à certains moments.
Si les avis à propos de son premier album solo Contrôle sont loin d’être unanimes, son expérience sur scène ne laisse aucune place à la discussion : Lary Kidd est toujours capable de galvaniser un auditoire à la recherche de sensations fortes.
Deux ans après son apogée aux États-Unis, la mode du dadbod continue de gagner du terrain au Québec, et Lary Kidd réaffirme une fois de plus son statut de précurseur.
Une semaine après la sortie de leur éminent deuxième album LA JOIE, le rappeur Eman et le producteur Vlooper y vont d’un premier lancement de trois (les autres auront lieu cette semaine à Québec et Montréal). Malgré la qualité indiscutable de ce nouvel effort, il va sans dire que la décision d’avoir programmé le duo juste après un artiste aussi imposant et incisif que Lary Kidd relevait de l’audace. Après tout, le duo de Québec fait dans un hip-hop beaucoup plus flegmatique que le Montréalais, ce qui convient davantage à un début de soirée.
Malgré tout, Eman semble au sommet de sa forme, même si la foule répond moins à l’appel que prévu. Quelques passes rappées moins habiles ici et là, mais dans l’ensemble, le duo donne bien le coup d’envoi à son album.
À peine après avoir repris ses esprits, le tandem remonte sur scène pour le clou de la soirée : le spectacle d’Alaclair Ensemble. Derrière le laptop, Vlooper s’en donne à cœur joie à mélanger les chansons, les époques et les ambiances, alors que les emcees suivent la cadence avec le talent qu’on leur connait.
À un certain moment, de jeunes joueurs de basketball se joignent à la grande célébration bas-canadienne. Sans cette photo, il est à peu près certain qu’on aurait oublié cette partie du spectacle, étant donné l’assiduité que nous avions à nous tenir près du bar du fond sans vraiment prêter attention à ce qui se passait.
La démarche chancelante, nous bifurquons vers le somptueux Cabaret de la dernière chance afin de voir le rock québécois se dévoiler dans toute sa splendeur. Particulièrement en forme vocalement, Jimmy Hunt se fait parfois voler la vedette par son claviériste Christophe Lamarche (à droite), qui semble ne rien porter en-dessous de son long chandail.
Jugez-en par vous-mêmes :
Après un rappel de plus de 20 minutes, Chocolat prend un bain de foule bien mérité à l’extérieur. Miné par un épuisement professionnel, Bernard Adamus semble plutôt en forme ce soir, allant même jusqu’à sourire dans les bras de son ami Jimmy.
Pure moment de tendresse.
Difficile de faire plus flou comme fin de soirée, mais chose certaine, nous avons fini par nous réveiller dans une chambre quelconque du motel Mistral. Tentant de revenir à la vie d’une façon ou d’une autre, nous optons pour un demi-spaghetti et une douzaine d’ailes de poulet à la gracieuse rôtisserie O Tourne Broche, au même moment où certains festivaliers plus braves profitent plus intelligemment de leur lendemain de veille en allant voir Canailles dégriser sur scène.
Deux breuvages plus tard, nous partons à l’aventure vers le party tropical OFF-FME du rappeur Mathew James, qui nous ouvre sa cour pour l’occasion. En chemin, cette plaque de voiture nous redonne le goût d’exister.
Arrivés sur place, nous constatons l’éventail d’activités qui s’offrent à nous : gunner du monde dans le cou avec un gun à paintball, acheter un album de Mathew James, boire de la bière et jouer à des sports de raquettes.
Le party commence à pogner solide lorsque de charmants voisins se joignent à nous pour faire semblant de pêcher sur du gazon.
La chemise fleurie entrouverte, Mathew James nous fait visiter son sympathique studio maison.
Un chansonnier à la tête de poisson nommé Jay Tremblay change le cours de la journée en interprétant quelques chansons grivoises.
Ensuite, le rappeur rouyn-norandien le plus connu après Anodajay et Raoul Duguay offre une prestation. Beaucoup plus décontracté sur son patio que lors de son lancement au Paramount, James égaie cet après-midi avec sa chanson Limbo qui, sans surprise, donne lieu à une joute de limbo entre comparses festifs.
Après avoir profité à bon escient d’un bar ouvert de poke bowl, gracieusement offert par James et ses acolytes, nous retournons dans le vrai monde du FME.
Toujours ouvert à profiter des gratuités, nous dinons/soupons une deuxième fois en deux heures, cette fois à l’espace média aménagé dans le Centre musical En sol mineur. Au menu : un repas de prince notamment constitué de poulet à moitié cuit.
En route vers l’action au centre-ville, nous explorons les commerces abitibiens avec nos yeux de lynx.
Nos 3 coups de cœur :
Et au numéro 1 : le bar parfait pour faire du réseautage.
La preuve est faite : il est possible d’atterrir dans cet entrepôt de conciergerie après avoir cherché les toilettes quelque part, à un moment donné.
En arrivant à l’Agora des arts, nous constatons que Safia Nolin a un nouvel emploi : accorder la guitare d’Antoine Corriveau.
C’est donc avec la guitare bien accordée que le principal intéressé envoûte la foule venue se délecter de son aura, de ses compositions obscures et de son chapeau des grandes occasions.
Dans un style aucunement similaire, Les Dales Hawerchuk sont très très heureux d’être là, au Petit théâtre du Vieux Noranda. À l’apogée de sa force, le rock de la formation emblématique du Lac se transmet avec une puissance libératrice.
Sylvain Séguin donne tout ce qu’il a.
Au pop-up shop de la 7e Rue vers 22h30, le duo Boskorgï (dont fait partie notre collaborateur/photographe Antoine Bordeleau) attire une petite foule de curieux avec ses ambiances nuageuses/vaporeuses aux influences hip-hop et funk modernes.
À quelques pas de là, à l’espace LOUNGE Hydro-Québec, c’est le tout nouveau projet Barry Paquin Roberge qui casse la baraque avec son alliage de disco et de rock psychédélique. Notamment formé des deux musiciens des Deuxluxes, le groupe a beaucoup à offrir musicalement ET visuellement.
On aurait bien aimé vous faire croire qu’après ce spectacle, nous sommes allés passer notre nuit à danser au Vieux Noranda au rythme de la soirée électro menée par les sensations montréalaises Thomas White et WYLN et que, suite à cette grande soirée de musique de pitons, nous nous sommes levés plus pimpants que jamais, prêts à aller voir le spectacle surprise de Stéphane Lafleur à la maison Dumoulon, cet ancien magasin général transformé en musée. Tout comme Philippe Renaud du Devoir, on aurait aussi aimé vous rapporter que le chanteur n’a pas profité de ce spectacle pour partir sa carrière solo, «même si les gars d’Avec pas d’casque étaient bien inquiets de me voir partir tout seul avec ma guitare».
Par le fait même, on aurait bien aimé vous rapporter un cliché de la sorte aussi :
La réalité est, en fait, beaucoup moins intéressante… Dans un état vacillant, nous avons plutôt regagné le motel à une heure hâtive. Plus ou moins ragaillardis le dimanche matin, nous avons regardé plusieurs émissions de télévision à la qualité douteuse, notamment Le Grand Saut, cette défunte émission où des vedettes comme Stéphane Fallu et Emily Bégin exécutent des plongeons carpés pour le plus grand plaisir d’Alexandre Despatie, qui tient à la fois le rôle de co-animateur et de juré.
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Morts de l’intérieur, nous prenons notre courage pour tenter de renaître. Seule solution simple s’offrant à nous : une virée au dépanneur pour acheter un bol de ramen que nous cuisinons à l’aide d’une cafetière.
L’imitation de saveur de poulet provoque le résultat escompté. Ravivés, nous mettons le cap sur l’Agora des arts pour voir à l’œuvre l’un de nos préférés : Jean-Michel Blais.
Durant une intro étoffée à souhait, le pianiste montréalais revisite avec autant de justesse que de spontanéité ses compositions les plus connues, notamment Il et Hasselblad 4 (improvisation). Altéré par des cris de bébé, des craquements de plancher, des portes qui claquent et des canettes de bières (ou Octane 10%) qui s’ouvrent, le spectacle de l’artiste est un beau clin d’œil aux imperfections de son album solo paru l’année dernière.
Au micro, Blais explique d’ailleurs que ce premier effort a été enregistré dans des conditions un peu bancales, ce qui explique la proéminence des bruits extérieurs sur plusieurs enregistrements. «Vous pouvez donc continuer de vivre», lance-t-il (ou presque) aux spectateurs.
Direction lac Kiwanis pour le point culminant du festival : le spectacle extérieur en hommage à Richard Desjardins.
Avant toute chose, c’est Klô Pelgag qui réchauffe la foule. Avide de concept scénique, la chanteuse rayonne cette fois en rouge, alors que ses musiciens sont joliment accoutrés d’un habit d’agent de sécurité.
Comme d’habitude, Matt Holubowski sait faire lever un party. On peut d’ailleurs voir la réjouissance s’emparer de son visage.
Le spectacle Desjardins, on l’aime-tu! s’amorce vers 22h. Défilent sur scène des artistes d’envergure comme Safia Nolin, Fred Fortin, Saratoga, Stéphane Lafleur et Bernard Adamus qui, à cette heure, serait potentiellement sur le bord d’aller se coucher.
Alors qu’on s’attend à ce que Philippe Brach se joigne à Klô pour le classique Les Yankees, c’est plutôt la légende elle-même qui se présente. Sous un tonnerre d’applaudissements généré par plus de 10 000 spectateurs, Richard Desjardins apparaît et rayonne de mille feux.
«Un mot : surréel», clame-t-il, après cette interprétation majestueuse.
Accompagné des sœurs Boulay, il entame ensuite un autre classique, …Et j’ai couché dans mon char, puis rappelle tous les musiciens pour la rassembleuse Chaude était la nuit.
Conscient du moment magique qu’il est en train de vivre, le public en remet une couche, ce qui amène le Rouyn-Norandien à revenir avec sa guitare pour un rappel.
En chemin vers le bar des Chums, nous nous arrêtons au Diable rond, bar coquet où joue la formation rock psychédélique ANEMONE. Mené par la chanteuse Chloe Soldevilla, le groupe surprend par son ambiance visuelle hypnotique et son utilisation d’une guitare Danelectro à 12 cordes, qui nous plonge directement dans les années 1960.
Trop occupés à commander des tournées de pintes et de décaf’ à tout le monde, nous omettons de prendre des clichés de cette prestation de calibre.
Cela dit, le party se transporte ensuite aux Chums et dans un sous-sol où toute la bière restante du festival nous est offerte. Le reste de l’histoire est nébuleux, mais on a fini par demander à des agents de la SQ de nous appeler un taxi dans le parking du Morasse.
Ce texte a été rendu possible grâce aux souvenirs et au récit de plusieurs personnes, dont Antoine Bordeleau, Julie Mathieu et Gabrielle Hamann-Guénette.