Rap local : Lary Kidd, chercher l'équilibre
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Rap local : Lary Kidd, chercher l’équilibre

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Ragaillardi, Lary Kidd revient là où on ne l’attendait pas avec Contrôle V2, une réédition de son premier album solo qui comprend quatre nouvelles chansons moins funestes.

«Aussi artistique et deep qu’était l’autre album, c’était pas le meilleur conducteur pour faire passer des messages», reconnait le rappeur montréalais, à propos de son opus initial Contrôle. «Là, je voulais être plus ouvert sur le monde et sur moi-même, plus structuré dans mes chansons aussi. Au lieu de partir tout croche, j’ai cherché à faire des tounes plus concises avec des refrains clairs. Je cherchais un équilibre pour mieux faire passer le message.»

Sur son premier opus, Lary Kidd donnait libre cours à ses idées les plus noires, sans se censurer. Lourd par moments, Contrôle n’a pas reçu un accueil probant de la part du public et de la critique. «J’avais pas l’ambition de la réussite commerciale et, clairement, je l’ai pas eue», admet-il. «Je crois qu’il y a eu beaucoup d’erreurs dans la présentation de l’album. Y’aurait fallu qu’on le pack vraiment tight (…) En fait, je sais pas trop ce que j’en pense, mais j’ai fait la coupure avec ça. J’ai tout de suite eu envie d’aller de l’avant avec autre chose.»

Dès la sortie de Contrôle en juin dernier, le membre de Loud Lary Ajust (LLA) a planché à la création d’une quinzaine de nouvelles chansons. Sept d’entre elles avaient le potentiel de se retrouver sur un nouveau mini-album, mais pour «des raisons de temps, de logistique et de subvention», le principal intéressé a préféré offrir une réédition incluant les quatre pièces les plus intéressantes. «On n’avait pas envie de repartir la machine marketing tout de suite», résume-t-il, sans trop s’étendre sur le sujet.

Bref, malgré ce que le titre sous-entend, ces quatre titres n’ont que très peu de liens avec l’atmosphère sombre de Contrôle, mis à part le cynisme ambiant qu’elles traduisent. En ouverture, Petit Jésus profite d’une puissante composition accrocheuse de Ruffsound, producteur aguerri qu’il a largement côtoyé durant l’aventure Loud Lary Ajust. Au micro, le rappeur de 30 ans dynamise son flow comme jamais, empruntant plusieurs registres de voix colorés pour appuyer un texte aéré où il pose de nombreuses questions au Sauveur. «Je vois cette chanson-là un peu comme une blague – rien d’offensant par contre. Je voulais simplement dédramatiser ce qu’est la religion catholique, ce fardeau de la croyance et de la miséricorde», explique-t-il.

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Sur Designer Chair, produite par Toast Dawg, le rappeur et fondateur de la collection de vêtements Officiel rend compte de sa dernière fixation artistique : les décorateurs français du milieu du XXe siècle. «C’est un univers vraiment fascinant. La plupart d’entre eux sont des designers ou architectes de la fin des années 1940 qui avaient en tête la beauté et l’utilité. Jean Prouvé, par exemple, il designait des écoles et des maisons pré-usinés – juste des trucs simples et utiles. Maintenant, son œuvre se vend à des prix cinglés, et il est considéré comme un pionnier», dit-il, visiblement captivé par le phénomène. «Quand on écoute cette chanson-là, je voulais vraiment qu’on se sente comme dans un salon du mid-century. C’est pour que j’ai des phrases super carrées et fluides, parfois rappées avec un langage français international.»

Beaucoup plus personnelle, Ce monde-là (signée Kable Beats) aborde de front l’adolescence agitée du rappeur. «Elle aurait pu s’appeler Blue Volvo part 2», indique-t-il, en référence à la chanson [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=Ng8-SJLIjyw »]Blue Volvo [/youtube]de Loud Lary Ajust qui évoque le même sujet, mais «en surface». «La plupart du temps, quand je crée mes chansons, je suis dans mon atelier à gosser du linge ou je fais la vaisselle, mais là, j’ai dû m’asseoir pour réfléchir.»

Natif du quartier Ahuntsic à Montréal, Lary Kidd y raconte avec un pertinent recul ses épisodes de délinquance et, par la bande, sa prise de conscience de la vingtaine qui l’a amenée à se sortir du gouffre pour se concentrer sur la musique. «Maintenant, mon choix de vie est clair», assure-t-il. «Mais je trouvais ça intéressant de mettre au clair tous les problèmes que j’ai eus par rapport à la rue, aux drogues, à tous ces choix conscients d’une jeunesse bien aisée qui a volontairement voulu se mettre dans la marde. Ces mêmes jeunes qui bumrushaient des dépanneurs, qui s’achetaient un gun avec leur chèque de Noël, qui se parkaient devant un bar avec un shotgun dans la grosse Volvo. Pendant une couple d’années, on a vraiment viré sur le top. C’était vraiment fucked up! On venait d’une communauté blanche aisée, et nos idoles, c’était des gens qui l’avaient pas eu facile, alors on essayait de recréer un certain mode de vie et on écoutait du rap qui glorifiait tout ça. On avait une belle ligne directrice devant nous, et on l’a juste scrappée.»

Plus éparpillée dans son message, Les fleurs bleues (une autre production de Kable Beats) évoque la mort, mais surtout, «la peur de la mort artistique». «À travers ça, y’a aussi le sentiment d’isolation», explique-t-il, en référence à la phrase «On dirait que j’suis seul au monde» qu’il chante dans le refrain. «En ce moment, j’ai pas une équipe stable, à part mon DJ (DJ Manifest), ce qui veut dire que je suis toujours en train de relancer un nouveau photographe, un réalisateur, un beatmaker… Je repars une mini-machine chaque fois que j’veux sortir quelque chose. Ça amène une impression de solitude comparativement à l’équipe soudée que j’avais avec LLA. Ma nouvelle expérience de carrière est full intéressante et stimulante, mais j’ai juste une personne sur qui je peux rely. De là l’idée de dire : ‘’I did it on my own’’.»

Contrôle V2en vente maintenant

Spectacles de lancement – L’Astral (Montréal), 2 mars (20h) (avec FouKi, Joe Rocca, Imposs, Karim Ouellet et autres surprises) et Salle Multi de Méduse (Québec), 9 mars (20h) (avec Joe Rocca, Ty-Q et autres surprises)

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Nouveautés d’envergure //

Kaytranada signe une production future funk, qu’arpentent avec adresse son frère Lou Phelps ainsi que la coqueluche rap torontoise Jazz Cartier.

Vendou dévoile son flow souple et son sens imparable de la mélodie sur Doux or Die, premier EP solo qui profite de productions d’Oclaz, ARBO, Yondo et TaylonKing.

Toujours en pleine conquête du marché européen, Loud interprète So Far So Good (chanson d’ouverture de son acclamé Une année record) dans le cadre de la série Highlight Freestyle de la web télé française P’tit délire.

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Près d’un an après la sortie du brillant et sous-estimé album collaboratif Stockholm, les rappeurs Jay Scott et Smitty Bacalley sont à leur meilleur sur Personne.

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Le rappeur, producteur et DJ DeusGod pose sur cette rythmique old school de Pat Klurker.

Le vent dans les voiles, le jeune Mike Shabb donne un double aperçu de son album à venir le 2 mars prochain, Northwave.

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Membre du Casse-Croute, Syme prépare lui aussi la sortie d’un album pour le 2 mars, Grosse tête. Le nouvel extrait Hippopotame de Pablo s’aventure dans une mouvance trap plus percutante.

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La révélation montréalaise Brandon Doret parait bien sur cette composition trap de Jimmy Dukes.

Ampee, Dawa Mafia et Chuckk collaborent sur cette «musique de sauvage».

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Le collectif XXI poursuit ses expérimentations hardcore trap sur ROB SHIT.

Membres de XXI, burb et Franky Fade explorent des zones rap psychédéliques fructueuses.

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Le producteur bruxello-montréalais Apashe mélange EDM et trap avec beaucoup de tact sur le mini-album Requiem, auquel participe le rappeur Wasiu.

Le producteur montréalais Dear Lola se dévoile avec un trois titres de qualité.

Le Montréalais PURPLE TEA livre The Purple Dream, premier album qui croise trap lo-fi, expérimentations sonores et échantillonnage brut.

DUG dit au revoir à sa ville d’origine avec une beat tape aux contours jazz prononcés.

3 shows à voir //

Loop Sessions 14

Cette rencontre de création et de réseautage pour beatmakers se poursuit pour une 14e édition. L’ingénieux MusoNi sera de la partie.

180g (Montréal), 28 février (17h)

Voyage Funktastique

Les complices Walla P et Dr. MaD donnent rendez-vous aux Montréalais pour une soirée de boogie funk.

Artgang Plaza (Montréal), 2 mars (22h)

Eman X Vlooper au Chalet Bell

Le duo Eman X Vlooper donnera un spectacle gratuit dans le cadre du festival Montréal en lumière ce vendredi.

400 boul. De Maisonneuve (Montréal), 2 mars (22h)

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