Simon Laganière : la petite étincelle

Cohérente avec l’essence de sa formation satirique Les frères Goyette, cette transition ne s’est pas faite de manière aussi évidente sur scène. Le 21 mars dernier à la Sala Rossa, celui qui incarne un chanteur folk désinvolte aux récits campagnards imprévisibles et à la voix nasillarde depuis près de 20 ans a dû remiser sa moustache pour se présenter tel qu’il est, sans artifice. «J’étais vraiment nerveux avant d’entrer sur scène. J’ai même parlé à mon frère pour lui dire que je savais pas trop quoi faire ni quoi dire entre les tounes. À un moment donné, pendant le show, j’ai fait ‘fuck off’… Ça fait 20 ans que je suis avec Les frères Goyette, donc je vais juste faire comme d’habitude pis jaser un petit peu. Fallait juste que je watch ma voix, mais sinon, mes calls pis ma répartie, c’est la même affaire.»

Bref, le personnage de Mario est ancré à jamais dans l’ADN de Simon Laganière. Sur disque, toutefois, le changement de registre est notable. L’auteur-compositeur-interprète basé à Champlain en Mauricie explore de nouveaux horizons poétiques, qui lui permettent une plus grande liberté artistique. «J’ai écrit avec moins de contraintes. Pour une fois, mon personnage de Mario n’avait pas à endosser les paroles. J’me rappelle que c’était bizarre sur le précédent album des Goyette, car on reprenait une toune de Daniel Johnston (Laurie) et qu’en théorie, Mario est pas supposé savoir c’est qui, Daniel Johnston…»

Si textes de Samedi soir de semaine sont somme toute linéaires et fluides, à l’image des ambiances musicales indie folk vaporeuses, les récits, eux, sont profondément loufoques. Au menu : alpinisme sur la brosse, accouchement dans la cuisine avec des gants de vaisselle, holdup dans une soirée de bingo, bataille avec un ours dans un motel-bar de l’Ouest canadien… «J’aime la beauté humaine qui se cache derrière ce qui est tout croche», résume l’auteur.

En écoutant le premier extrait Couper vers le nord, une histoire de vol de guichet automatique en traîneau à chiens qui vire plutôt mal, on pense tout de suite à un scénario des frères Coen. Après tout, No Country for Old Men ou Burn After Reading mettent aussi en scène des personnages aux ambitions débordantes, mais aux destinées malencontreuses.

«C’est exactement ça que j’ai voulu faire», répond-il, quand on lui fait part de cette ressemblance. «Après avoir écrit les neuf tounes, j’ai réalisé qu’il y avait beaucoup de Coen dans mes histoires. À un moment donné, j’me suis même demandé si les gens allaient prêter attention à ça, si j’me compliquais pas trop à la vie à essayer de trouver un dénouement… Finalement, je trouvais souvent la fin des tounes en prenant une marche ou en faisant la vaisselle, quand j’y pensais pus du tout. Une petite étincelle qui m’arrivait de même.»

Pour donner vie à ces flammèches, Laganière s’est tourné vers son ami de longue date et voisin mauricien Matthieu Beaumont, principal architecte du son des albums de Tricot Machine et de sa copine Catherine Leduc, qui a également prêté sa voix au projet. «C’était vraiment une belle bulle. J’faisais trois tounes pis j’m’en allais chez lui à Shawi, une espèce de maison chalet avec un petit studio en haut. On se mettait en coton ouaté, ou en crosseuses comme dirait Matthieu! (rires) On passait une journée ou deux à faire des maquettes, à jouer de la musique comme si on était encore au cégep. C’était permis de gosser, de se tromper, de faire des détours. Après ça, on est allés aux Breakglass Studios à Montréal faire les pistes de base et, enfin, on est retournés faire les voix au chalet.»

De son havre créatif à Sainte-Ursule, Julien Mineau (Malajube, Fontarabie) a ensuite mis la touche finale au projet en prenant les rênes du mixage. «Lui et Matthieu se parlaient et se donnaient pas mal de feedback. J’étais pas en mode contrôle, je leur faisais pas mal confiance. D’avoir tous ces gens-là près de moi, ça me rassurait. Catherine, non plus, était pas trop loin, donc je savais qu’il ne sortirait rien de dégueulasse de tout ça, car on est quatre personnes à avoir du gout. J’étais agréablement tout le temps étonné.»

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