Rap local : Donzelle, jouer sur le malaise
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Rap local : Donzelle, jouer sur le malaise

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Une décennie plus tard, Donzelle revient avec Presse-jus, un deuxième album marqué par de vivifiantes collaborations.

Si 10 ans séparent ce nouvel opus de Parle parle, jase jase, la rappeuse n’a jamais eu l’impression d’arrêter complètement la musique. «Le désir d’en faire a toujours été là. C’est juste que ma vie était peut-être plus intense dans les dernières années. Fallait que je trouve le temps de bien faire les choses», dit celle qui, en plus d’amorcer un doctorat et de travailler comme programmatrice dans un centre d’artistes en art contemporain, a eu un enfant durant cette période. «Tout ça m’a donné un peu de recul pour mes projets, que j’ai pu davantage filtrer et peaufiner. Ça donne quelque chose avec lequel je suis vraiment confortable et qui est vraisemblablement difficile à catégoriser, justement parce qu’il a été conçu sur plusieurs années.»

Développé sur une période de cinq ans, Presse-jus est à prendre comme une compilation de collaborations inspirantes, marquée par un processus de création «super organique». «Pour moi, la musique, c’est le point central de plein de choses. Ça me donne l’occasion de penser à des chorégraphies ou à des costumes pour des clips, de travailler avec des producteurs et des réalisateurs… En fait, la musique, c’est surtout un prétexte pour collaborer. Ça reste un projet que je gère et que je coordonne, mais il pourrait pas exister sans les autres. C’est ça qui lui amène sa richesse», explique celle qui a notamment collaboré avec le trio montréalais Random Recipe, le vocaliste torontois Nego Mozambique et le producteur Tanguy Meunier.

Ce dernier a d’ailleurs mis la main à la pâte sur quatre des dix chansons de l’album, notamment la vigoureuse pièce Multitask, construite à partir d’une mélodie de basse de Stéphane Lafleur du groupe folk Avec pas d’casque. «Cette chanson-là est un bon exemple de la chaîne ininterrompue de travail que j’aime mettre de l’avant», indique Donzelle, qui se joint à la rappeuse brooklynoise Miss Eaves pour l’occasion.

Ainsi, différentes influences se recoupent et se rejoignent sur Presse-jus, autant la vague rap britannique des années 2000 (tout particulièrement M.I.A.) que la tendance trap qui secoue toujours le hip-hop américain ces jours-ci. Le résultat demeure hétéroclite, visiblement plus éclaté que Parle parle, jase jase, premier album essentiellement traversé par le courant électro-rap de l’époque qui battait son plein au Québec. Un changement de cap qui n’était pas prévu d’avance. «C’était pas ma volonté de base, je voulais pas à tout prix faire de quoi de différent. Je pense jamais aux codes, aux genres ou aux tendances. Et c’est la même chose en ce qui concerne les sujets que j’aborde, comme le #metoo par exemple. Je parle de ça depuis mes tout débuts… J’en parle pas parce que, soudainement, ce serait stratégique de le faire parce que tout le monde en parle.»

Entre autodérision, satire et critique féministe, les textes de Donzelle gagnent ici en maturité, même s’ils contiennent toujours des propos crus. «Ce sont des textes qui me parlent à moi en ce moment et non pas à la femme de 20 ans que j’étais. D’ailleurs, j’ai récemment regardé une entrevue de moi à MusiquePlus quand j’avais 22 ans et j’avais vraiment le goût de me frapper fort!» blague-t-elle. «Je suis vraiment contente d’avoir vieilli, d’être plus intelligente et nuancée dans ce que je dis. Mes paroles sont encore très party, mais elles ont une position féministe très, très dense. J’aime jouer sur des éléments de malaise, car j’ai un sens de l’humour très raw.»

Exemple probant d’une chanson au propos bien dosé, la chanson Multitask reflète tout particulièrement bien la nouvelle vie de la rappeuse. «Les femmes sont souvent reconnues pour être bonnes dans le multitasking, et c’est une aptitude qui se révèle en moi depuis longtemps. Mais disons que, là, maintenant que je suis mère, c’est juste exponentiel. Je voulais parler de cette relation de proximité entre ma fille et moi, tout en décloisonnant ce que peut être la femme. Dans la vie, une femme n’est pas juste une maman ou une carriériste, elle reste aussi une personne sexuelle. Ce ne sont pas des identités distinctes, et on peut clairement être multidimensionnelle. Quand Kelis a eu un enfant, ça m’a déçu de voir qu’elle avait perdu son edge. C’est pas parce que tu deviens mère que tu dois te changer en Annie Brocoli! Tu peux continuer à être la personne que t’es! Pour certaines personnes, c’est un exercice difficile, car les attentes sociales sont fortes, mais moi, je m’efforce à trouver des moyens pour démanteler tout ça.»

En combinant plusieurs activités de front, Donzelle apparait donc comme un exemple de longévité, de détermination et de pertinence sur une scène hip-hop encore fortement dominée par les hommes. Et plus que jamais, la Montréalaise se dit heureuse de voir les rappeuses et productrices faire des avancées considérables au Québec. «La conversation est sur la table en ce moment, et je pense que ça va mener à des choses super positives. Depuis mes débuts, je vais de l’avant avec mon projet, car j’y crois et je trouve ça le fun. Si je peux prendre ma place comme je le fais, c’est certains que d’autres filles peuvent le faire. C’est ça le message qu’il faut retenir.»

Lancement de Presse-jus – Le Ministère (Montréal), 15 mai (17h)

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Nouveautés d’envergure //

Ex-membre de Bad Nylon, la rappeuse et productrice Marie-Gold lance son projet le plus abouti en carrière : le mini-album solo Goal : Une mélodie.

La sensation rap québécoise Loud ouvre ses horizons en s’alliant à la vedette pop francophone Coeur de pirate sur Dans la nuit.

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Rymz et La Bronze collaborent eux aussi sur une chanson pop rap, premier extrait d’un EP pour le film La chute de Sparte, en salles le 1er juin prochain.

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Sarahmée et TenAm proposent un clip pour la dansante T’as pas cru.

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Succès monstre pour Pas la peine, chanson du Montréalais Loussa avec le Marocain Nikotine.

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Le quatuor hip-hop Ragers se joint au populaire groupe électro Valaire sur la funky et chaleureuse Alright.

Kirouac se révèle sur une production up-tempo de KodakLudo en prévision de son EP wesh, disponible le 7 juin prochain.

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Un troisième single/clip pour le plus récent album I Will Never Blow Up de Lil Deezy.

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Joce Lague (fka Le Dud3) pose son flow rapide sur cette composition trap de DALFAROMTL.

Obia Le Chef fait patienter ses fans avec un deuxième extrait du très attendu Soufflette, album qui paraîtra ce mois-ci sous 7ieme Ciel Records.

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Mtlord reste fidèle à lui-même sur Gucci Snake.

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Le rappeur et producteur originaire de Québec, MONEY©, cultive un rap fortement décalé sur Fruits, EP qui profite de quelques productions de Nerdish.

Tizzo, le phénomène street rap montréalais à l’heure actuelle, est toujours aussi cinglant sur cette collaboration avec ses alliés Shreez et Soft.

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Formé de Gld, Shoddy et L Nino, trois figures indissociables du rap de Limoilou, Bardy Boyz lance Sur ma vie, un premier album propulsé par la sortie de deux clips dans les derniers jours.

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Beeyoudee propose un clip pour Raspoutine, produite par le Bosniaque Mozaka.

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Le talentueux mais méconnu producteur montréalais Alpha Centori y va d’une suite pour sa beat tape Supercharger.

Plutôt prolifique ces jours-ci, Dostie prépare la sortie du EP Cammello avec Alonzo,  premier extrait soul rap.

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L’audacieux producteur Cilantro propose une énième beat tape aux nombreux bons coups.

3 shows à voir //

Lancement album K-Iri

Formé des chanteuses et multi-instrumentistes Kayiri (ex-Bad Nylon) et Iri Di, le duo K-Iri mélange soul, afro, pop, rap et jazz. Couronné du Syli d’argent en 2016, le groupe s’offre un spectacle de lancement pour son EP Out of Odd Waters.

O Patro Vys (Montréal), 17 mai (19h30)

20 ans, 20 classiques

Taktika, duo légendaire de la capitale, offrira 20 classiques pour son 20e anniversaire d’existence, dont les célébrations se sont amorcées à la fin 2016.

Théâtre Petit Champlain (Québec), 18 mai (20h)

Santa Teresa

Pour sa deuxième édition, le festival Santa Teresa frappe fort avec une programmation riche et éclectique. Le volet hip-hop québécois sera assuré par Tommy Kruise, High Klassified, Ragers, Sans Pression, Loud, Eman X Vlooper et FouKi. Liste et horaire des évènements ici.

Plusieurs lieux (Sainte-Thérèse), du 18 au 20 mai

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