Rap local : Obia le chef, le vrai défi
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Rap local : Obia le chef, le vrai défi

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Sur Soufflette, Obia le chef sort de sa zone de confort et livre des textes épurés sur une trame musicale visiblement plus accessible que le reste de son répertoire.

«Ça a été un vrai défi pour moi», lance d’emblée le rappeur montréalais à propos de ce premier album solo, à paraître ce vendredi sous l’étiquette rouyn-norandienne réputée 7ieme Ciel. «L’affaire qui m’avait dérangé sur Paranoïa (sa mixtape parue en 2016), c’est que les textes étaient axés sur les deux mêmes thèmes : le street et la police. Là, je voulais aller davantage dans le storytelling, prendre le temps de penser à des thèmes tout en gardant ma spontanéité. En fin de compte, je parle beaucoup d’ego-trip, mais j’ai également développé une approche plus romantique.»

Produit par des têtes d’affiche de notre scène hip-hop (High Klassified, Kaytranada, DoomX de Planet Giza, Freakey!, Benny Adam), Soufflette (un synonyme de gifle) apparait plus filtré que Le Procédé et Le Théorème, deux albums remarquables mais touffus, élaborés en collaboration avec le producteur Cotola au début de la décennie. Cette fois, les textes denses et codés, voire alambiqués, ont laissé place à une formule plus aérée, en grande partie basée sur les doubles sens et les punchlines du rappeur. «C’est High Klass qui m’a dit : ‘’on veut pas se casser la tête, on veut comprendre ce que tu dis’’. J’ai donc tout simplifié, autant mes paroles que la musique. Ça sert à rien de parler de trucs deep que personne saisit. Il y a quelques années, j’aurais jamais pensé faire un refrain catchy, mais c’est une direction que je me permets de prendre maintenant.»

Si le brulot afropop Pas né a effectivement de quoi surprendre de la part d’un rappeur à la réputation intraitable comme Obia le chef, d’autres pièces réaffirment le côté plus mordant du rappeur à la prose engagée forte et vigoureuse. «Tu sais qu’au Québec, la métropole est négrophobe / On est perçus comme des prédateurs dans la ville / C’est pour ça qu’ils ont shippé P.K. à Nashville», rappe-t-il sur Ten (acronyme pour Tout est noir), une chanson qui dénonce la ségrégation.

Cette façon très habile de jouer avec les mots, Obia l’a notamment perfectionnée durant ses nombreux passages au «combat des mots» de Plus on des fous, plus on lit!, émission radio-canadienne de littérature qui laisse une place de choix aux rappeurs, slammeurs et humoristes chaque semaine. «Ça m’a donné l’occasion de développer un autre angle d’approche. Au lieu de chercher à briser un adversaire, comme je le faisais dans les WordUP! Battles, je me suis mesuré à des sujets précis.»

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Sur Yalla, le Montréalais d’adoption se fait plus désinvolte et laisse une place de choix au mythique Roi Heenok, rappeur de la Rive-Sud qui a connu un imposant succès en France au tournant de la décennie actuelle. «J’ai énormément de respect pour lui. Il est devenu une icône en Europe et nous a ouvert beaucoup de portes. C’était important pour moi de le remettre à l’avant-plan.»

Aussi cinglant (sinon plus) qu’à l’habitude, Heenok accumule les propos outranciers avec un flow décalé sur cette chanson, allant jusqu’à clamer qu’il est «ambitieux comme Adolf Hitler». «Les propos qu’il tient là-dessus, c’est à lui de les défendre, mais je crois qu’il faut les prendre d’un point de vue métaphorique. Depuis ses débuts, Heenok fait des références au terrorisme pour nourrir son personnage extrémiste. S’il avait complètement changé d’approche pour mon album, ça aurait fait défaut.»

Dans un autre genre, CQJVD met en vedette les rappeurs belges Caballero et JeanJass, qui bénéficient d’un engouement certain au Québec depuis quelques années. Cette rencontre a d’ailleurs été décisive pour Obia. «On se suivait sur les réseaux sociaux depuis un moment et, un jour, j’ai vu que Caballero avait publié une story sur Instagram où il chantait une chanson du Procédé. J’ai communiqué avec eux, et ils m’ont dit que je devais revenir avec du nouveau matériel, que je ne pouvais pas attendre aussi longtemps…. Ça m’a donné un sentiment de validation et ça m’a motivé à me remettre à la musique. Quand ils sont venus aux Francos l’an dernier, on a passé un après-midi ensemble, puis on est restés en contact pour faire la chanson»

Autre source de motivation considérable : l’entrepreneur Steve Jolin, qui a donné à Obia les ressources nécessaires pour la création de ce premier album officiel. «On se suit depuis longtemps et, même avant que je pense à faire cet album, je me disais que si, un jour j’avais à être signé, ce serait avec 7ieme Ciel. Je ne voulais pas juste être une autre subvention pour une étiquette qui se fout de moi», explique celui qui admet avoir passé près de lâcher le musique après la sortie du Théorème. «Comble du hasard, Steve m’a contacté l’an dernier. Je crois qu’il a bien aimé la direction de ma mixtape Paranoïa, que son fils écoutait. D’une certaine façon, son roster de label manquait un peu de couleur et, en tant que compagnie renommée, c’était gagnant pour lui de diversifier son portefeuille avec un rappeur plus street.»

Lancement de Soufflette : Maison2109 (Montréal), 24 mai (19h) 

En spectacle avec Vald et Caballero & JeanJass : L’Olympia (Montréal), 25 mai (20h)

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Nouveautés d’envergure //

Après Nate Husser, au tour de Kris the $pirit de prendre son envol suite au succès des Posterz. Dans un style cloud rap à l’enrobage lo-fi, le rappeur montréalais donne le ton à son premier album solo prévu pour la semaine prochaine.

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Membre du collectif Tour de Manège, le beatmaker Atamone prends le pouls de l’avenue Papineau sur cet EP minimaliste aux lueurs soul vivifiantes.

Nicholas Craven y va d’une autre production soul hip-hop de qualité.

Quelques semaines après la sortie de son excellent septième album Couronne à double tranchant, Monk.E présente un clip pour Boda Boda Molotow, pièce à l’ambiance onirique rehaussée par la présence du rappeur ougandais Ruyonga.

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Le rappeur Syme propose une mise en images de Comme un oiseau, chanson rap blues produite par Cheak.

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Le duo DawaMafia mélange dancehall et rap sur D’où je viens.

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J.u.D. réaffirme sa proposition dreamy trap sur Birthday Weekend, EP de trois titres qui met la table pour un premier album complet en quatre ans, à paraître plus tard cette année.

Le producteur Liam flirte avec un style de production jazzy expérimental (qui rappelle Ryan Hemsworth et Tennyson) sur Stardom, en prévision d’une nouvelle beat tape qu’il dévoilera cet été.

Lou Phelps s’allie à nouveau à son frère Kaytranada sur Want To, autre morceau qui témoigne de son évolution artistique.

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Karyke se joint au producteur DoomX (de Planet Giza) sur Ride Me Slow, pièce aux accents R&B.

L’indomptable Colo est à son meilleur sur Hors la loi, chanson rude, voire sordide.

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Les basses lourdes et les propos crus sont légion sur cette collaboration de Ptit Satan et JPS.

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L’ex-Complys, Day V Keb, poursuit ses explorations trap sur Fakerz.

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Lord Gasp présente un premier clip en carrière pour Abyssals, chanson qui le positionne comme l’un des chefs du file du emo-trap québécois.

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3 shows à voir //

Sans Pression

Le pionnier Sans Pression sera à Granby ce samedi pour un spectacle en compagnie de Don Vi, Dirty et son allié indéfectible DJ Crowd.

St-George’s Church (Granby), 26 mai (19h)

From Hip to House

À quelques jours de souligner son 5e anniversaire, le collectif de beatmakers franco-québécois Tour de Manège s’offre une soirée hors-série avec, en vedette, GrandHuit, XIXOOL et Ernest.

Maison2109 (Montréal), 31 mai (22h)

JOAT Party

Initié par la plateforme Artbeat Montréal, le JOAT Party propose une rencontre entre DJs et producteurs hip-hop d’ici et d’ailleurs. Cette fois, le Français Mofak se joindra aux étoiles locales que sont Magnanimous, KenLo Craqnuques et Shash’U.

Newspeak (Montréal), 25 mai (22h)

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