Rockfest 2018 : jusqu’au dernier souffle
Les toxines de houblon et de boue chauffée au soleil maintenant évacuées de nos corps, nous vous proposons ce résumé flou mais sympatoche de nos pérégrinations en terres montebelloises durant le 13e Rockfest, qui avait lieu la fin de semaine dernière. Bonne chance.
Après s’être obstinés comme du monde avec nos piquets de tente à la tombée de la nuit, nous pénétrons le site du Rockfest avec une confiance inébranlable, prêts à revivre les émotions que ce festival de musique lourde et de propreté chancelante nous a procuré lors de nos derniers passages. Si les rumeurs courent à l’effet que cette 13e édition soit bel et bien la dernière du Rockfest dans la formule qu’on lui connait, nous jouons à l’autruche en nous rentrant les pieds dans la boue bien comme il faut.
La pluie ayant fait son œuvre en ce jeudi soir, nous apprécions cette ambiance post-apocalyptique où le tiraillage apparait comme une façon efficace de communiquer.
Les miracles sont légion au Rockfest. Et c’est avec une grâce incommensurable que nous accueillons à bras ouverts ce mythique Réjean Laplanche, animateur déclassé de MusiquePlus qui joue les rôles de présentateur. On l’aurait préféré avec une planche de skate dans la face, mais c’est mieux que rien.
Quelques Budweiser plus tard, on se délecte d’une trop rare performance des Marmottes aplaties, légendaire groupe de la scène punk ludique québécoise. Près de 20 ans après le peak de son band, Bruno Lamoureux a encore le visage d’un jeune premier.
Après s’être démenées pendant 45 minutes, les trois marmottes nous font l’insigne honneur de jouer leur pièce maîtresse Détruire une seconde fois. Les chaussures revolent et les cous se craquent dans le moshpit.
Des individus non fréquentables en profitent pour nous faire des poses complètement démentielles.
Malheureusement, c’est Five Finger Death Punch qui commence, et l’occasion semble bonne pour retourner se chercher plusieurs consommations au bar. À ce jour, nous ne connaissons pas de meilleure façon pour oublier le temps présent.
Mais le supplice tire à sa fin dans l’antre de la scène Tony Sly, là où se produit l’illustre groupe punk revendicateur Propagandhi. Devant tant de discours activistes et d’appels à la révolution, nous en oublions presque que la CAQ formera le prochain gouvernement.
Le Rockfest devrait être une société à part entière. Déficitaire, mais libre.
Une musique qui DÉCOIFFE.
Difficile de comprendre ce qui s’est déroulé entre notre départ du site (1h32 selon des calculs très approximatifs) et le lever du soleil, mais à un moment donné, on a suivi cet homme pendant un bon moment, car il avait un genre d’aspirateur central dans les mains.
Bonne route, l’ami.
7h AM. Les rues de Montebello sont sales, mais pas tant que ça – signe que l’équipe de ménage commence à être efficace après plus d’une décennie.
Sur les terrains adjacents à la rue Notre-Dame, l’action se poursuit, et nous assistons à notre moment préféré : celui où les gens qui se lèvent rencontrent ceux qui se couchent. À moins qu’il soit bon pour cacher le fait qu’il est chaud raide, ce fier et fringant conducteur appartient certainement à la première catégorie.
Une bonne heure et demie de sommeil en-dessous d’une nappe plus tard, c’est le moment de repartir sur les chapeaux de roue pour une journée d’importance capitale. À notre réveil, cet homme nous revigore avec son chandail de bon goût.
Que dire également de ce king des temps modernes qui a trouvé le moyen d’être bien sur un pas pire temps?
Arrivés sur le site du festival en début d’après-midi, nous constatons les dégâts de la veille avec un optimisme à toute épreuve.
Quelques trouvailles au sol piquent tout autant notre curiosité.
Foire rock aux multiples facettes, le Rockfest est l’endroit idéal pour profiter des paradoxes de la vie. Ces deux affiches aux messages antagonistes forment un saisissant contraste.
Débutons le marathon musical avec la formation bostonnaise Unearth. Rarement le metalcore aura-t-il été aussi jovial.
Pas longtemps après, Every Time I Die vient brasser la cage pour de bon.
Les échauffourées sont conséquentes sur le parterre bouetteux.
Pas mal sûr que si cette personne avait retrouvé son soulier, elle l’aura laissé là.
Petit moment celtique bien d’adon avec Flogging Molly, qui nous redonne presque envie de vivre.
Mais on replonge dans la noirceur infini des abysses du deathcore avec Suicide Silence. C’est toujours amusant de se faire crier dessus.
Bref, une musique qui DÉCOIFFE.
Petite marche vers le stage Tony Sly pour rencontrer de brillants phénomènes.
Encore plus beau de plus proche, n’est-ce pas?
Absent à ses propres spectacles, le mystérieux rappeur masqué MF Doom nous gracie de sa présence en cet après-midi.
Eux autres sont vraiment cools.
Moment très attendu de notre côté : le spectacle de Rymz. Après s’être englouti de longues bouteilles sur le toit d’une auto avec ses homies en coulisses, le rappeur montréalais monte sur la scène avec le charisme d’un petit prince. Son équipage de musiciens a compris les deux choix vestimentaires possibles au Rockfest : le noir ou le chest.
Avec une fougue contagieuse, le rappeur réussit à faire grandir considérablement sa foule de chanson en chanson. Ma zone et Nouvelle drogue font partie des moments mémorables du spectacle. Mémorables dans le sens de «les seuls moments dont on se souvient».
Non loin de là, les Dropkick Murphys poursuivent le même filon celtique entamé par Flogging Molly. Al Barr resplendit d’énergie.
En attendant Sum 41, nous poursuivons la tournée de nos festivaliers colorés préférés.
Entre deux spectacles intéressants, quelques festivaliers s’adonnent à des passe-temps hédonistes, tels que prendre des photos de quelqu’un qui prend une photo…
…kicker une casquette dans un objectif de caméra…
…et se faire prendre en charge par une gang d’ambulanciers.
D’autres profitent de leur tenue pour évoquer leurs questionnements existentiels.
L’expression consacrée.
À 18h15, le groupe punk ontarien Sum 41 amorce la reprise intégrale de son deuxième album classique Does This Look Infected?, paru en 2002. En amorce, The Hell Song provoque un raz-de-marée de débauche, que poursuivent avec convenance Over My Head, My Direction et Still Waiting. Pour ce qui est du reste de la prestation, toutes les tounes se ressemblent, mais on prend pour acquis qu’ils ont fait l’effort de jouer l’album au complet.
Chose certaine, Deryck Whibley est plus en forme que jamais. Son alcoolisme semble avoir pris le bord pour de bon.
Le diable nous guette dès 19h15 avec la prestation de Cannibal Corpse, légende death metal américaine. Toujours prêt à envoyer chier son public avec une belle répartie, George Fisher beugle avec la force capillaire d’un damné.
Belle prestation des gars de Groovy Aardvark même si, en toute franchise, on s’est rappelé qu’ils avaient joué en regardant nos photos quelques jours après.
Difficilement oubliable, le groupe symphonique norvégien Dimmu Borgir envahit la scène Budweiser dès 21h avec des costumes rappelant la garde-robe de Sauron.
Évènement mémorable par son degré de rareté, la prestation convainc, même si beaucoup de vieux classiques comme Kings of the Carnival Creation manquent à l’appel. Mais le moment reste frappant, ne serait-ce que pour la mise en scène et la direction artistique de l’ensemble. Chapeau à ces druides scandinaves.
Dans un style dont on se calice un peu plus, Godsmack prend le relais vers 22h avec sa musique de gars de bicycle à gaz. Bien que l’on sache apprécier un bon Whatever ou un gracieux Voodoo une fois de temps en temps, notre mauvaise foi nous rattrape rapidement lorsque le groupe de ROCK AMÉRICAIN s’entête à nous jouer des chansons de When Legends Rise, son septième et dernier album qui est paradoxalement loin d’être en ascension sur les palmarès.
Sachons toutefois apprécier la performance des deux batteurs ainsi que le visage angélique de Sully Erna.
L’intérêt gagne un peu de terrain avec Stone Temple Pilots, qui pilote le moment CHOM FM du festival avec un rock alternatif s’appréciant davantage avec une bonne Bud dans chaque main. En deuil de leurs deux chanteurs (Scott Weiland et Chester Bennington), le groupe californien a maintenant Jeff Gutt à sa tête, et celui-ci livre une performance digne, bienveillante à l’endroit de ses deux prédécesseurs.
On lui souhaite d’atteindre la cinquantaine.
En attendant Prophets of Rage, nous sympathisons avec de grands menhirs de la foule. Les voici dans leurs plus beaux apparats.
Salut l’ami!
Comment ne pas tomber sous le charme?
Tête d’affiche du festival, le supergroupe Prophets of Rage s’amène aux coups de minuit. Après une intro signée DJ Lord, la formation entame sa chanson homonyme avec, à sa tête, ses deux leaders de choix : B-Real et Chuck D.
Évidemment, c’est durant les reprises de Rage Against the Machine que la foule se mobilise le plus, notamment durant Testify, Take the Power Back, Bombtrack, Guerilla Radio, Bullet in the Head, Bulls on Parade et, sans surprise, Killing in the Name, soigneusement gardée en rappel.
À la guitare, le virtuose Tom Morello multiplie les prouesses musicales et gestuelles.
Petit moment de répit après la grande messe du rock. Ces quatre individus méditent avec prestance.
Essai artistique ayant pour objet cet homme avec une vision trouble qui espère retrouver son chemin vers l’infini.
Version alternative.
Dodo bien mérité pour les bébés. En ce samedi matin, le soleil à 29 degrés est roi, et notre nuit fastidieuse de 11 heures nous permet de rejaillir tel un flocon d’avoine dans la pénombre.
Attablés dans un hall d’entrée de garage, plusieurs maitres du rock se concertent pour plugger leur appareil technologique respectif en même temps, histoire de profiter de l’ambiance qui prévaut sous le parasol. La vie est faite de moments insaisissables dont il faut profiter.
Depuis le début du festival, cette affiche nous déconcerte, à la fois par son ORTHOgraphe circonstancielle et par son caractère promotionnel de haut vol.
Décidés à élucider le mystère de cette bean blanche, nous demandons au chef de ce kiosque de nous donner un bon plat de légumineuses avec l’espoir bien naïf de remporter une ride de bateau. Après quelques minutes d’hésitation, le maître nous avoue l’impensable : «Vous êtes les premiers à me demander ça de la fin de semaine.»
Bon joueur, il nous sert le plat convoité, mais nous avoue, au passage, qu’il y a peut-être juste 10 gagnants potentiels et non 100, comme l’indique l’affiche mensongère. En beau tabarnak contre cette hypocrisie, nous lui demandons poliment de voir ce fameux propriétaire afin de lui promulguer notre grief de plaintes. «Il s’appelle Jean-Marc et il habite en arrière du terrain», nous dit-il, l’air de se distancer de toute cette catastrophique fraude.
Quelques pas de brousse plus tard, nous nous ramassons sur un quai à crier «JEAN-MARC» à tue-tête, sans jamais rencontrer ce potentiel criminel. Comme tout être humain normal, nous abandonnons la recherche après quelques minutes, mais prenons soin de nous servir allègrement dans une caisse de 12 qui trainait dans les parages. À notre retour sur la rue, la pancarte est enlevée – signe d’une victoire partielle, mais qui fait chaud au cœur.
Bref, tout ça pour dire qu’en arrivant sur le site du Rockfest, on croise ces deux gars-là.
Les découvertes humaines se succèdent, mais ne se ressemblent pas. Quelques bribes de nos révélations nous permettent de prendre une petite pause d’écriture.
Si j’avais à être quelqu’un, j’aimerais être lui.
Aussi incroyable cela puisse-t-il paraitre, il n’y a aucune trace de photo du show de Millencolin, alors que nous nous rappelons l’avoir vu au moins quelques secondes. En revanche, cette photo de Mighty Mighty Bosstones va vous convaincre que nous avons assisté à l’évènement, alors que nous étions probablement ailleurs.
Qui dit vrai?
Une chose est certaine : The Used redéfinit l’héritage emo en cet après-midi où l’on a de plus en plus envie d’être aux glissades d’eau ou, du moins, en-dessous de la zone Coca-Cola à La Ronde en 1998. Représentant de la tristesse, Bert McCracken sublime la mélancolie.
Rien de mieux qu’un après-midi de soleil pour nous faire aimer des affaires qu’on a détestées toute notre adolescence. C’est donc avec pas beaucoup d’orgueil que nous apprenons à apprécier All Time Low, groupe power pop emo pop punk pop de Baltimore.
Victoire : saut de l’année.
Signe que le rock n’est pas encore mort, Jimmy Eat World joue sur la grosse scène du Rockfest en début de soirée. Jim Adkins a la prestance d’un enfant qui braille pour avoir le jouet de son ami.
À ce moment-ci de la journée, qui aurait envie d’une bonne bière sans alcool?
Peu aptes à aller voir des spectacles, nous nous dirigeons vers l’arrière-scène où nous faisons plusieurs rencontres intéressantes, notamment celle d’Alex Roof.
Petite technique fastoche pour avoir l’air d’être occupé backstage : prendre des photos de gens qui travaillent pour vrai et qui font des entrevues.
Les maitres du heavy metal se pointent avec la confiance d’un char d’assaut. Maitres de l’infini, Lamb of God bouscule les participants du Rockfest avec une violence digne des grands sommets de l’hécatombe. Les circle pits n’auront jamais été aussi divins.
La luminosité a surement pas rapport, mais ce gars-là a l’air de regarder le show de Lamb of God.
Lui avec.
(Insérez chiffre) de bières plus tard, le moment clé de la fin de semaine se dévoile : Jack Black et Kyle Gass qui se déploient dans leur mouture Tenacious D pour un spectacle de calibre à déterminer.
Une belle bande de saltimbanques.
Steel Panther!!
Weezer!!
En résumé, si vous avez manqué le Rockfest cette année, cette photo devrait vous convaincre que vos priorités n’étaient pas à la bonne place.
La grande mascarade du rock étant ce qu’elle est, on se revoit peut-être l’année prochaine, mais surement peut-être jamais.