Patrice Michaud : Jeune vétéran
Musique

Patrice Michaud : Jeune vétéran

Signe indiscutable de sa digne ascension dans les hautes sphères de la pop québécoise, Patrice Michaud est le seul artiste francophone à se produire en tête d’affiche du Festival d’été de Québec cette année. Visiblement excité, le Gaspésien de 37 ans aura carte blanche le 10 juillet prochain sur les plaines d’Abraham.

«Quand on m’a signalé l’intention du FEQ de me proposer les plaines, j’ai été très surpris. Pour être franc, je m’attendais à un bon vieux Pigeonnier bien relax comme d’habitude… J’avais pas le sentiment de l’imposteur, c’était pas aussi fort que ça, mais je pouvais pas m’empêcher de me demander pourquoi moi et pas un autre», révèle l’auteur-compositeur-interprète. «Finalement, quand j’y ai repensé après avoir jasé avec mes musiciens, j’ai compris que mon show avait tout à fait sa place sur cette grosse scène-là. Je ne suis pas moins bien placé ou moins bien nanti qu’un autre pour offrir une proposition à la hauteur. Checkez-moi bien aller!»

Appuyé par son ami Yann Perreau à la mise en scène, Michaud offrira un spectacle exclusif, totalement différent de ceux de la tournée panquébécoise qu’il a entamée il y a un an et demi. «Le mandat de base qu’on nous a donné et que, de toute façon, on voulait mettre de l’avant dès le départ, c’était de faire un show unique. On nous a donné toute la latitude possible, autant en termes d’instruments que d’invités. Je peux pas tout divulguer pour l’instant, mais je peux dire qu’il y aura Marie-Mai sur scène avec moi. Pour vrai, je m’attendais pas à ce qu’elle embarque, car on se connaît peu. En plus, elle a accepté toutes les propositions que je lui ai faites avec enthousiasme! Sincèrement, on prépare quelque chose qui sort de l’ordinaire et qui, franchement, me dézone. Je suis un gars de chanson et de storytelling et, là, je dois occuper toute cette grosse scène-là. J’ai hâte de voir à quel point ça va être trop grand pis trop impressionnant», projette celui qui avait chanté brièvement sur les plaines lors de la Fête nationale en 2016.

Déjà mémorable à ses yeux, ce rendez-vous au FEQ sera le point culminant d’une série de spectacles qui compte maintenant plus de 120 arrêts partout au Québec. Cette fois, le chanteur originaire de Cap-Chat a redoublé de vigilance pour ne pas vivre le même épuisement qu’il avait subi lors de sa précédente tournée. «J’ai pas eu le choix de couper quelque part, car il faut comprendre que cette tournée s’allie à la vie d’un gars qui a deux enfants en bas âge et qui veut être là pour sa famille. Ça, ça veut dire que je peux pus faire le party comme je le faisais avant, sinon y a des shows qui vont en souffrir et y a des matins où papa ne se lèvera pas pour faire une activité avec son kid. En ce moment, en vivant comme ça sur deux shifts, j’ai l’impression de vivre un jetlag continuel, donc j’ai pas le choix de prendre les décisions qui s’imposent. Faut dire aussi que c’est le show le plus physique que j’ai fait de ma vie, donc mon régime doit être plus sain. À 37 ans, ça m’oblige à prendre des décisions que j’aurais peut-être dû prendre à 24.»

L’air de rien

Chose certaine, Patrice Michaud n’est pas pressé. À l’instar d’un Daniel Bélanger ou d’un Richard Desjardins, sa percée tardive dans l’industrie de la musique québécoise lui a permis de rester terre-à-terre. «Ça m’a pris du temps avant d’avoir l’ambition de faire de la musique. Encore aujourd’hui, je suis tout à fait à l’aise avec l’idée que j’aurais pu faire autre chose dans la vie que ça. J’ai pas eu l’appel d’un musicien précoce ou d’un jeune premier à la Hubert Lenoir. Lui, je le voyais aller en show à 16-17 ans avec The Seasons et je savais qu’il était déjà prêt. Moi, à son âge, je veillais le soir et je lisais des livres beaucoup trop sérieux, sans trop penser au reste. Maintenant, je suis très à l’aise avec mon rôle de jeune vétéran. Je suis un peu comme Jonathan Marchessault des Golden Knights: j’ai l’air de rien, j’ai pas été repêché, mais mes affaires ont fini par marcher.»

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photo : Jocelyn Michel (CONSULAT)

Et c’est d’autant plus le cas depuis la sortie d’Almanach, un opus plus rock et groovy que le reste de son répertoire, qui tangue davantage dans la chanson folk. Salué par la critique, ce troisième album paru en février 2017 a bénéficié d’un succès radiophonique considérable, notamment grâce à la superbe Kamikaze, couronnée au dernier Gala de l’ADISQ dans la catégorie prisée de la chanson de l’année.

Fier de cet honneur, le Gaspésien s’assure de ne pas laisser cette popularité grandissante et bien méritée influencer son cadre de travail. «La pression de ce métier-là, elle est déjà présente à la base même de la création, c’est-à-dire au sein du travail artistique qu’on fait à partir d’éléments complètement volatils. Cette pression-là de créer de quoi de beau et de touchant, elle est déjà tellement élevée qu’en ajouter une autre, ce serait trop. Quand on parle de remplir un mandat, de répéter une recette ou même d’atteindre les espérances des gens, ça devient une pression nettement moins saine. J’essaie de pas inviter ça chez nous.»

Envahi par l’esprit chaotique de sa tournée, qui se poursuit jusqu’à la fin de l’été à un rythme tout aussi effréné, Patrice Michaud voit actuellement naître un besoin de solitude, qui pourrait donner lieu à l’écriture de nouvelles chansons. Sans échéancier à respecter, l’interprète masculin de l’année 2017 refuse toutefois de parler concrètement d’un quatrième album. «Une fois que tout ralentit et que je me ramasse seul pour écrire, ça peut être vertigineux. Y a toujours des doutes par rapport au fait que, finalement, j’ai peut-être rien à dire. Si c’est le cas, je suis mieux de me la fermer. Cette fois, j’ai envie de profiter de l’automne pour entamer une période de reset, une bonne pause pour créer sans date butoir. J’ai besoin de me lancer dans des projets qui vont peut-être pas aboutir, de rentrer en studio pas de toune, juste pour partir à l’inverse. Y a beaucoup de gens qui me disent “Pat, ça va bien tes affaires, faudrait que tu tapes dans le tas pendant que c’est le temps”, mais bon, ça fait neuf ans que je tape dans le tas. Faut que j’arrête de penser que le monde va m’oublier ou switcher à la prochaine affaire si j’arrive avec de quoi de différent. J’ai confiance en ce que j’ai construit et je sais que les gens vont prêter oreille à ce que je fais si j’arrive avec une proposition artistique qui a de la valeur. J’ai envie d’aller voir où je me trouve pas.»

10 juillet
sur les plaines d’Abraham
(dans le cadre du Festival d’été de Québec)