Avec Uniquement pour toi, Mara Tremblay nous fait voyager
Pour son huitième album, l’autrice-compositrice-interprète nous invite dans une épopée émotive, où se côtoient l’ombre et la lumière.
C’est étrange, de sortir de la musique sans rencontrer son public, sans marquer le moment par un spectacle. Mara Tremblay, dans sa maison à Shefford, subit le coup. «J’ai envie de lancer de la musique, mais je trouve ça très difficile de ne pas vivre ça avec d’autres personnes, dit-elle, lorsqu’on l’a jointe au téléphone il y a quelques jours. Je trouve ça dur d’envisager cet événement-là seule dans une petite pièce… C’est ce que je trouve triste.»
Même si un nuage passe, elle n’a pas envie de s’enfoncer dans cette émotion. «Je sais pas si j’ai envie de me battre avec ça. Je vais laisser ça aller…» Cette attitude d’acceptation, on la retrouve à plusieurs reprises sur ce disque. Sa conception a été parsemée de hauts et de bas, de rendez-vous manqués, mais aussi, de transformation de situations difficiles en objets artistiques lumineux.
Pour la création de l’album, Mara s’est déplacée à Nashville pour une résidence créative de deux semaines, où son fils devait la rejoindre, mais la vie en a décidé autrement. Elle prévoyait voyager dans la Ville Lumière pour se replonger dans des histoires du passé, mais son corps n’en avait pas la force. Dans une retraite d’écriture à Saint-Placide avec Gilles Vigneault, elle a appris à connaître Stéphane Lafleur, du groupe Avec pas d’casque, qui lui a finalement offert deux chansons. Et surtout, aux côtés de Mara, il y avait Olivier Langevin, son complice musical de longue date.
Pour comprendre chacune des pièces de l’album Uniquement pour toi, on les a décortiquées une à une avec la musicienne.
Je reste ici
«C’est comme une chanson d’amour pour Nashville, pour toutes les intensités… Je n’allais pas bien, j’étais sombre, je me cherchais… Et quand je suis arrivée là-bas pour deux semaines, j’ai retrouvé plein de trucs: l’identité musicale, la liberté musicale. Il y a quelque chose qui m’a rejoint là-bas. Ça m’a fait du bien aussi de voir que la musique continue à vivre. Je reste ici, c’est comme une chanson d’amour pour tout ce qui a existé et tout ce qui existe encore autour de Music City de Nashville. Ça m’a donné la liberté d’aller où je voulais. Et je trouve ça l’fun que ça n’ait pas donné une chanson country! (rires)»
C’est l’art de transformer quelque chose qui aurait pu être choquant ou triste, en quelque chose qui nous unit, qui est la musique.
Si belle
«J’avais payé un billet d’avion à mon fils Victor pour qu’il vienne me rejoindre à Nashville parce que je voulais partager ça avec lui. On fait de la musique ensemble, c’était important pour moi. Il m’a appelé la veille du jour où il devait arriver, et il m’annonce qu’il ne viendra pas, qu’il se passe de quoi avec sa blonde… Je me suis retournée de bord, j’ai pris ma guitare et je me suis dit que je transformerais cette tristesse-là en d’autres choses. Cette chanson-là me touche beaucoup parce qu’elle est sortie en un frisson… Chaque fois qu’on l’écoute et qu’on la joue, on pleure tous les deux, c’est super touchant. C’est l’art de transformer quelque chose qui aurait pu être choquant ou triste, en quelque chose qui nous unit, qui est la musique.»
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Paris
«C’est la première chanson sur laquelle on a travaillé, Olivier et moi. C’est un hybride entre trois chansons que j’avais écrites. J’ai eu la Maison Socan pour aller à Paris [une résidence pour les membres qui y ont des engagements professionnels], après Nashville, mais j’étais trop malade, et je n’ai pas pu y aller. Je suis retombée dans des histoires qui étaient reliées à cette ville-là. J’ai écrit cette chanson qui parle de retrouver sa fierté, de retrouver sa confiance en soi, de se revirer de bord et de continuer à vivre, au lieu d’être toujours accroché à des choses qui n’existent pas finalement… C’est vraiment une chanson de libération pour moi. Je ne corresponds pas à la femme au foyer et les gars ne croyaient pas que je pouvais être une bonne blonde parce que j’étais trop rock. Les rejets, parfois, ça fait mal à la confiance et cette chanson-là m’a redonné une grandeur que j’avais un peu perdue.»
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On verra demain
«On verra demain, c’est comme une acceptation que je feel pas. Ça fait plusieurs années que je deal avec des problèmes de santé mentale et physique. C’est épuisant, mais il faut être capable d’en parler, même si ce n’est pas facile. Cette fois-là, à Nashville, j’avais besoin que ça sorte et de dire: ‘aujourd’hui, je feel pas, je ne revendique rien, je ne suis pas forte, pas bonne, je suis juste bleh, pis c’est comme ça! ‘ Il faut accepter de s’ouvrir, et de se dire qu’il va avoir autre chose qui va arriver.»
Le plus beau des désastres
«C’était la première fois qu’Olivier et moi écrivions des paroles ensemble. J’avais des cahiers remplis de paroles, alors on est partis de ça pour bâtir des trucs et rentrer dans les émotions. On se connait tellement, ça a super bien été! Cette chanson, c’est un gros clin d’oeil à l’intensité que tu peux vivre quand tu es musicien, mais aussi quand tu es amoureux et passionné. Avec la carrière de fou qu’on a, tu rentres dedans comme dans un gros tourbillon super enivrant. Quand t’en débarques, seul chez vous, tu te rends compte que ça a passé vite. Elle est où ta vie? C’est un miroir de ça, avec un prérefrain qui est super grandiose, le refrain qui est débile, et hop! C’est fini!»
Le jour va où tu le mènes
«À partir de cette toune-là, ça commence à bien aller (rires)! Je connaissais un peu Stéphane Lafleur. On a fait un atelier d’écriture avec Gilles Vigneault et ç’a été une méchante belle rencontre. Dans mes souhaits, je voulais qu’il m’écrive une chanson. Une année ou deux plus tard, il m’en a offert une. Je trouve ça beau de voir comment il a transposé ce que je ressens. Ce sont des mots que moi, je ne peux plus utiliser, des moods que je ne me permettrais pas de composer, si ce n’est pas de lui. Ça dit des choses que je serais trop pudique de dire… Mais en même temps, c’est complètement moi. C’est très touchant pour moi de pouvoir chanter ces paroles.»
Il me faut l’amour
«On avait quasiment fini d’enregistrer et Stéphane Lafleur m’en a offert une autre! Cette chanson, ce n’est pas criant. C’est pas ‘Il me faut l’amour sinon je vais mourir!’ C’est simple comme ça.»
Il a été la colonne vertébrale du disque et il l’a tenu à bout de bras. Ça été une période de grands respires: tout l’album a été comme ça, parfois j’étais super forte, et d’autres fois j’étais démolie…
Dessiner ton visage
«On la chante tous les deux, Olivier et moi. Il m’a sauvé la vie dans cette période d’enregistrement où je ne feelais vraiment pas… Il a été la colonne vertébrale du disque et il l’a tenu à bout de bras. Ça été une période de grands respires: tout l’album a été comme ça, parfois j’étais super forte, et d’autres fois j’étais démolie… On se connait depuis 25 ans. Je trouve ça beau d’avoir une chanson d’amitié, de support parce qu’on est ensemble là-dedans. C’est un gros clin d’oeil à l’album Mutation de Beck, un album qui nous a vraiment unis et sur lequel on a tripé fort, fort quand c’est sorti.»
Uniquement pour toi
«C’était la première chanson de l’album que j’ai composée, il y a environ deux ans. C’est un exercice que Gilles Vigneault nous donnait vers le milieu de la semaine. On devait écrire des poèmes en monosyllabe. Je me suis mise à triper! À la fin de la semaine, il nous demandait de faire une chanson avec ce qu’on avait. J’ai pris des bouts de ce poème-là, et j’en ai fait une chanson. Je n’aurais jamais écrit ça sans les contraintes, ç’a été un agent provocateur. Uniquement pour toi, c’est de connecter avec quelqu’un.»
Comme un cadeau
«Ça finit intime. J’étais à Nashville, j’étais loin. Et mon fils était à l’hôpital. Je me sentais tellement loin, je ne savais pas quoi faire. Quand tu as quelque chose en dedans que tu ne comprends pas, il faut que tu prennes ton instrument et que tu le transformes. C’est merveilleux de voir à quel point cet enfant-là est devenu heureux, et cette chanson-là, c’est la dernière fois où il a vraiment sombré. C’est touchant pour nous deux, c’est une chanson pour un enfant qui est un adulte.»
Uniquement pour toi de Mara Tremblay paraît sur l’étiquette Audiogram et sera disponible partout le 8 mai.