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Triennale (suite)

Cher Monsieur Taillefer,

Je crois en effet que vous tenez à la culture au Québec, mais je reste malheureusement et à regret sur le sentiment que vous vous y prenez bien mal. En tant que critique d’art, et ce, depuis plus de 20 ans, je tiens moi aussi à ce que ce milieu se développe. Voilà pourquoi je crois qu’il est important que la Triennale survive et je crois que vous auriez dû laisser la Biennale se redresser en dehors de cette greffe forcée et malhabile avec le Musée d’art contemporain (MAC).

Je vous explique pourquoi :

1- Vous en convenez, la Triennale fut un « succès » et je fus, en effet, comme vous le dites, de ceux à l’avoir souligné. Bien des critiques (pensons, entre autres, à Sarah Milroy du Globe and Mail) en ont parlé au Canada et y ont vu le signe que Montréal était en pleine effervescence artistique. Ce n’est pas rien. Je ne comprends donc pas pourquoi vous sabordez cet événement.
2- La Triennale d’art québécois et la Biennale n’avaient absolument pas les mêmes fonctions. La Triennale défendait les artistes québécois un peu dans l’esprit de la Biennale de la Whitney, événement qui présente des artistes états-uniens. La Triennale remplissait ce créneau important avec brio.
3- La Triennale exposait des artistes aguerris, mais aussi de jeunes artistes pour qui un tel événement était une belle vitrine. Cela permettait en particulier à ces jeunes créateurs d’être inclus dans un catalogue ce qui est une carte de visite utile à travers le Canada et à l’étranger. À la Biennale, qui souhaite maintenant et enfin viser très haut (si je vous suis bien, vous voulez en faire un des quinze événements importants de la scène internationale), en invitant entre autres des artistes internationaux, il ne pourra être question d’inviter de jeunes artistes moins expérimentés. Pour ces créateurs, votre Biennale est une perte par rapport à la Triennale.
4- Je me préoccupe moi aussi du dynamisme de Montréal et je crois que notre ville méritait bien d’avoir ces deux grands événements en arts visuels qui ont deux fonctions très différentes. Faire mieux, cela veut aussi dire faire tout pour préserver les bons coups des autres qui sont passés avant nous.
5- Il aurait fallu laisser à Nicole Gingras le temps de redresser la barre de la biennale, de lui insuffler une nouvelle image. Cela ne se fait pas en criant ciseau… Les subventionnaires faisaient confiance à Madame Gingras. De ce que je sais, la décision de jumeler la biennale au MAC ne fut pas prise par elle et on essaya de lui imposer ce choix très discutable. Cela serait d’ailleurs une des raisons de sa démission hâtive (après seulement cinq mois à son poste de directrice de la Biennale). Et ne me faites pas le coup que son départ était motivé, car elle voulait faire autre chose, blabli blabla, car elle voulait aller cultiver son champ de patates ou ses fleurs… Ce départ est une perte pour l’événement. Tout comme le départ de Marie Fraser au MAC. Mesdames Gingras et Fraser sont des références dans le milieu, et leurs départs ne facilitent pas l’avenir de ces institutions. De cela, il faudrait aussi parler franchement.
6- Je ne vois pas comment vous allez réaliser ce rêve de faire de notre Biennale un des quinze événements de la scène internationale… Rien lors de votre conférence de presse ne permettait d’en juger. Ce que je sais et que cela ne se fait pas en ne trouvant pas les moyens de conserver de personnes aussi intéressantes que Mesdames Gingras et Fraser. Cela n’envoie pas nécessairement un bon signal au reste de la communauté ici, ni même à l’étranger.

Mais je ne dois pas assez bien rendre compte de vos idées… Je suis donc prêt à réaliser une entrevue avec vous afin de vous donner la possibilité d’expliquer plus en détail votre Biennale, mais aussi les changements que vous voulez faire au MAC.

Veuillez recevoir, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.