À La Licorne en 2015-2016: une saison dans la continuité
Scène

À La Licorne en 2015-2016: une saison dans la continuité

Fidèle à un théâtre réaliste coup de poing qui fait sa bonne réputation, La Licorne vient de dévoiler sa saison 2015-2016, marquée par des textes britanniques et écossais de Duncan MacMillan et David Greig, mais aussi par de nombreux spectacles en reprise, des créations québécoises et du théâtre documentaire.

Cette saison est composée de 13 pièces, sans compter La Dizaine de La Manufacture et les événements spéciaux qui seront présentés tout au long de l’année. Neuf compagnies viendront présenter leurs productions en codiffusion dans les deux salles, tandis que La Manufacture, offrira deux créations, Les Événements de David Greig et Des Arbres de Duncan Macmillan, en plus de proposer le retour de Tu te souviendras de moi de François Archambault, à La Licorne et en tournée.

Jean-Philippe Lehoux / Crédit: Francis-William Rhéaume
Jean-Philippe Lehoux / Crédit: Francis-William Rhéaume

La saison s’ouvre avec Normal, de Jean-Philippe Lehoux. Après avoir reçu quelque 700 suggestions de destinations «contournables» des spectateurs de La Licorne, il s’est posé un mois dans la petite ville de Normal, Illinois, en octobre 2013 et a tenté de répondre à cette question toute simple: peut-on voyager là où il n’y a rien à voir?

À revoir: notre entrevue vidéo avec Lehoux au sujet de ses lectures pré-voyage

 

Suivra le retour de Tribus, succès de l’automne dernier. La pièce de Nina Raine raconte l’histoire de Billy. Sourd de naissance, ses parents ne lui ont jamais permis d’apprendre la langue des signes, de peur qu’il s’isole. Mais sa rencontre avec Sylvia, une malentendante en voie de devenir sourde, bouleversera son existence et déstabilisera la cellule familiale.

À relire: notre critique du spectacle vu en novembre 2014

 

La compagnie La Banquette Arrière présente ensuite Voiture américaine, de Catherine Léger, dans une mise en scène de Philippe Lambert. Les huit protagonistes de cette pièce vont tour à tour se rencontrer dans des face-à-face singuliers alors qu’ils doivent apprivoiser leur nouveau monde, vidé de ses biens de consommation. Chacun cherche, à sa façon, à assouvir son désir, porté par son seul instinct de survie: Julie va boire, Suzanne va enfin sortir de chez elle, Richard va conduire une voiture, Jacot va échanger sa femme et Garance va se marier.

La Licorne accueille ensuite le Théâtre du Nouvel-Ontario avec une mise en scène de l’Ottavien Joël Beddows, Un neurinome sur une balançoire. Chargé de beaucoup de résilience, ce récit introspectif nous fait passer par les différents stades de la maladie: la perte de l’innocence, la peur, la solitude, la souffrance, l’espoir aussi. Inspiré par la véritable épreuve du comédien Alain Doom, sauvé mais pas complètement guéri, il met en relief l’urgence de vivre, l’importance des rencontres et le travail de l’artiste. Un travail qui, comme les bons soins d’un médecin, a aussi le pouvoir de changer des vies.

 

Eric Robidoux dans Les flaneurs célestes / Crédit: LP2 Studio
Eric Robidoux dans Les flaneurs célestes / Crédit: LP2 Studio

Créée au Théâtre Prospero en 2014, la pièce Les flâneurs célestes, dans une mise en scène de Jean-Simon Traversy, déménage à La Licorne pour quelques représentations en octobre et novembre. Deux amis dans  la jeune trentaine  passent leur temps dans la cour arrière d’un café. Ils élaborent des théories sur l’univers, se racontent des histoires, improvisent des chansons, tout en buvant un thé bien spécial… Sommés de quitter les lieux par un employé timide, les deux marginaux parviennent à apprivoiser l’adolescent solitaire. Au fil des jours, la complicité s’installe entre eux. Ces sympathiques étrangers partageront avec lui tout ce qu’ils savent de la vie.

Relire notre critique de la pièce.

 

C’est également en novembre que commencent de nouvelles représentations de Tu te souviendras de moi, gros succès qui sera également présentée en tournée partout au Québec cette année. La pièce de François Archambault, dans laquelle brille Guy Nadon, parle de l’importance de la transmission et de la nécessité de se souvenir et de parfois oublier.  Dans notre critique parue en janvier 2014 sous la plume de Julie Ledoux, nous insistions sur le potentiel hautement émotif de cette pièce qui a fait pleurer de nombreux spectateurs déjà.

Guy Nadon et Emmanuelle Lussier Martinez dans Tu te souviendras de moi / Crédit: Suzanne O'Neill
Guy Nadon et Emmanuelle Lussier Martinez dans Tu te souviendras de moi / Crédit: Suzanne O’Neill

 

Fini les contes urbains: le Théâtre Urbi et Orbi inaugure cette année une nouvelle formule de spectacle du temps des Fêtes avec la Foirée montréalaise, concept vaguement inspiré des Soirées canadiennes d’antan, où l' »on visite chaque année un arrondissement différent de Montréal, pour en entendre les auteux, écriveux, poèmeux, drameux, chanteux, conteux, plaisureux, racorneux, bilbocheux, jouisseux, barbeux… »

La Licorne nous fera ensuite découvrir une nouvelle auteure, Nathalie Doummar, avec la pièce Coco, mise en scène par Mathieu QuesnelCoco, c’est une rencontre avec une gang de filles. Une comédie dramatique qui se penche ouvertement sur nos différents rapports à l’amour: de la naïveté à la sexualité précoce, de l’abstinence aux aventures débridées, du romantisme à l’infidélité, des désirs aux désillusions, en passant par l’homosexualité, la solitude, l’image corporelle et, surtout, le rêve de la maternité. Au fil des ans, sans trop s’en apercevoir, ces amies ont tissé entre elles la plus solide des relations amoureuses, celle qui survit au-delà de la mort.

Le brillant metteur en scène Marc Beaupré ose une première collaboration avec Porte Parole, chef de file du théâtre documentaire à Montréal, dans Fredy,  une pièce qui revient sur les événements ayant entouré la mort du jeune Fredy Villanueva à Montréal-Nord en 2008. L’auteure Annabel Soutar nous présente ici le fruit de l’enquête rigoureuse qu’elle a menée sur cette affaire hypermédiatisée. Sa pièce documentaire nous éclaire sur l’impact qu’a eu ce drame sur la vie des citoyens et sur des questions d’actualité telles que le profilage racial, la violence policière et la difficulté d’intégration des immigrants.

En avril, les Éternels Pigistes mettent en scène leur propre mort dans La mort des Éternels, un texte d’Isabelle Vincent dans une mise en scène de Claude Desrosiers. Christian, Marie, Pier et Isabelle entreprennent une grande traversée en voilier. Un spectacle ultime: leur suicide artistique. Sans les prévenir, les fantômes de leurs quatre parents respectifs s’embarquent avec eux. Cauchemar! Les Éternels pigistes décident alors de se débarrasser des quatre vieillards devenus encombrants dans leur vie…

Duncan MacMillan
Duncan MacMillan

Suivra Des arbres, de Duncan MacMillan, dans une mise en scène de Benoît Vermeulen. Un couple dans la trentaine attend patiemment dans la file d’un IKEA. Lorsqu’il avance l’idée d’avoir un enfant, elle semble prise au dépourvu. Ils repartent du magasin les mains vides, mais avec un paquet de questions. En ces temps d’austérité, d’incertitude politique et de changements climatiques, est-ce vraiment une bonne idée de mettre quelqu’un au monde? D’un autre côté, la race humaine se reproduit depuis 7500 générations sans trop se poser de questions… Que risquent-ils de détruire en premier, la planète ou leur relation de couple?

En fin de saison, La Licorne propose Eloges de la fuite, du Théâtre Qui Va Là. Empruntant la structure de la célèbre œuvre d’Henri Laborit, Éloge de la fuite, Qui Va Là nous dévoile ici une fable sur l’importance cruciale du pouvoir de l’imaginaire, seule distinction entre les humains et les animaux selon l’auteur. Combinant à la fois théâtre d’objets, marionnettes, ombres et musique en direct, la compagnie nous propose une pièce éclatée sur l’animalité de l’homme en questionnant les grands thèmes de Laborit que sont l’amour, le travail, la liberté, la politique et le sens de la vie.