Kino : 20 ans d'audace et d'explorations
Cinéma

Kino : 20 ans d’audace et d’explorations

À la fois école et plateforme d’expérimentation pour les cinéastes à l’international, Kino regarde vers l’avant et souligne ses 20 ans sans se complaire dans la nostalgie.

Les retrouvailles de vendredi dernier à la Société des arts technologiques en font preuve : la cellule mère du réseau international de cinéastes indépendants préfère l’inédit au bilan. Au lieu d’y aller d’une banale rétrospective retraçant l’essentiel de ses œuvres les plus marquantes, Kino a demandé à plusieurs cinéastes de réaliser un court métrage rendant hommage à ses 20 ans d’existence, «sans non plus que ce soit un inside». Ces courts métrages seront disponibles en ligne la semaine prochaine.

«On voulait offrir quelque chose de nouveau, pas nécessairement retourner dans le passé», explique le directeur artistique Jarrett Mann, également directeur général par intérim.

L’initiative est en phase avec la philosophie qui a animé les quatre cofondateurs (Christian Laurence, Jéricho Jeudy, Stéphane Lafleur et Eza Paventi) à l’aube de ce qui devait être l’apocalypse, mais qui est plutôt devenu une hystérie collective nommée le bug de l’an 2000. «Kino, c’était juste une gang de jeunes qui s’était donné le défi de faire un court métrage par mois jusqu’à la fin du monde, sans moyens financiers ou presque. Finalement, au 1er janvier 2000, ils se sont demandé : ‘’Bon, maintenant, qu’est-ce qu’on fait?’’ Et, au lieu de tout arrêter, ils ont juste continué de faire une projection mensuelle. Le buzz s’est créé autour de ça. On peut dire que Kino est vraiment arrivé au bon moment.»

Christian Laurence et Stéphane Lafleur lors du premier Kino Kabaret en 2001. Courtoisie Kino.
Christian Laurence et Stéphane Lafleur lors du premier Kino Kabaret en 2001. Courtoisie Kino.

C’est au début dudit buzz, quelque part en 2001 au Théâtre Plaza, que Jarrett Mann a été initié à Kino. Sur place, une révélation. «J’ai vu une soirée festive et éclatée. Je trouvais ça beau de voir que les gens avaient la possibilité de créer un film, sans être obligés de passer par le dépôt de projets. J’étais étudiant en cinéma à l’Université de Montréal et on tournait encore en pellicule. C’était vraiment incroyable de voir qu’on pouvait tourner un film en numérique, le monter chez nous et le projeter sur un grand écran après.»

La révélation est d’autant plus grande dans les mois qui suivent. En plus des projections mensuelles, les quatre cofondateurs ont l’idée de repousser les limites de leur projet, en proposant  à leurs membres (les Kinoïtes) de réaliser un court métrage en 72 heures. Ainsi naissaient les Kino Kabarets, qui ont donné à l’organisme ses lettres de noblesse. Le prochain, d’ailleurs, aura lieu en mai. «Le but des Kabarets, c’est de créer avec les moyens du bord de façon intensive, mais surtout de rencontrer du monde, des amis, de réseauter avec des gens du milieu. Parfois, il y a des contraintes techniques ou une thématique imposée, mais c’est toujours dans le but de stimuler la création. Il n’y a pas de compétition ou de prix à gagner, donc l’entraide prime. Tout le monde travaille ensemble et on s’éloigne de plus en plus d’un one-man-show de réalisateurs, comme ça pouvait l’être au début. Tous les rôles sont valorisés, et la communauté s’agrandit constamment.»

Jarrett Mann lors d'une édition spéciale de Kino au Festival du nouveau cinéma 2018. Crédit : Maxime Cormier.
Jarrett Mann lors d’une édition spéciale de Kino au Festival du nouveau cinéma 2018. Crédit : Maxime Cormier.

Au-delà de ces populaires Kabarets, Jarrett Mann ne peut que constater l’évolution de Kino en deux décennies. «Disons qu’au début, c’était loin d’être professionnel. La qualité visuelle n’était pas toujours au rendez-vous, tandis que là, on est ailleurs. Encore aujourd’hui, les gens qui débutent en cinéma sont les bienvenus chez nous, mais on fait beaucoup de place à ceux qui sont rendus plus loin dans leur parcours. On peut voir Kino comme le chalet où un band rock va se pratiquer ou bien comme le rodage d’un humoriste avant de partir en tournée», image le directeur artistique, citant la comparaison du kinoïte Rémi Fréchette. «Au cinéma, c’est tellement une occasion rare de rester actif entre deux productions. Kino permet justement d’expérimenter, de sortir des belles choses… mais aussi des moins bonnes. C’est vraiment de l’exploration.»

Preuve que ce rodage a fait ses preuves : la talle de réalisateurs (mais aussi de scénaristes, de monteurs, de directeurs photo et de techniciens) ayant fait leur marque à Kino avant de faire leur place dans l’industrie québécoise est considérable. On note entre autres Rafaël Ouellet, Éric Piccoli, Chloé Leriche, Vincent Morrisset, Kim St-Pierre, Henry Bernadet et Philippe Falardeau – qui offrira d’ailleurs une classe de maître au Théâtre Rialto en lien avec les festivités.

Loin de se limiter au Québec, le réseau de cinéastes a maintenant un impact international notable, comme en témoigne son nombre grandissant de cellules (entre 75 et 100), notamment  à Moscou, Bruxelles, Helsinki, Paris et Londres. «Sur demande, on leur fournit un document de base, un genre d’ABC pour organiser un bon Kabaret.»

Mais l’encadrement s’arrête là : Kino désire rester cette entité insaisissable qui opère son charme. «En fait, il y a deux parties à Kino : tu as Kino l’organisme, qui appuie les cinéastes, fournit de l’équipement, mais tu as aussi Kino le mouvement, un truc free-for-all, un peu chaotique, qu’on ne contrôle plus du tout. En fait, on pourrait mettre la clé dans la porte de la cellule-mère, et Kino continuerait d’exister.»

Plus de détails

Participants à l'édition 2018 de Kino Kabaret. Crédit : Maude Touchette.
Participants à l’édition 2018 de Kino Kabaret. Crédit : Maude Touchette.