L'Intermédia-Web : pastiche d'une époque absurde
Cinéma

L’Intermédia-Web : pastiche d’une époque absurde

Mettant en vedette plusieurs humoristes en pleine ascension comme Rosalie Vaillancourt, Martin Perizzolo, Anthony Montreuil et Arnaud Soly, la websérie L’Intermédia-Web caricature les réseaux sociaux avec une rafraîchissante folie. 

Soutenue par Créateurs en série, une initiative du réseau TV5 et de la plateforme de diffusion Unis, et produite par la boîte vidéo la corp, la série à sketchs de six épisodes nous plonge dans un univers virtuel carrément décalé, mais paradoxalement pas si éloigné de notre réalité numérique, où règnent influenceurs, Youtubeurs, Mark Zuckerberg, vidéos à contenu vide et brèches de sécurité informatique. Parue le mois dernier, L’Intermédia-Web est le fruit du travail acharné d’Olivier Landry et Emil Baroon, deux jeunes réalisateurs diplômés du programme de télévision de l’Université du Québec à Montréal.

Comment l’idée de ce projet a-t-elle germée?

Emil Baroon : L’idée a germé dans le beau petit crâne de mon acolyte Olivier Landry. On avait déjà commencé à faire plein de vidéos vraiment niaiseuses ensemble, en expérimentant les fascinants pouvoirs du green screen. Chacun de notre bord, on commençait à avoir envie de faire une websérie, quelque chose de plus sérieux, t’sais… Et là, Olivier est arrivé avec l’idée de faire une série entièrement sur fond vert, qui se déroulerait dans des vieux ordinateurs et des mondes virtuels. Pensant que ce serait moins coûteux que d’avoir à trouver des vrais lieux et des décors, on s’est mis à écrire le pilote, et c’est là que L’Intermédia-Web est né.

Olivier Landry : Je t’avoue que je suis un grand fan du contenu d’Adult Swim, notamment Tim and Eric, les créations de Doug Lussenhop, Alan Resnick et Dave Hughes, et j’ai toujours voulu faire un show dans ce style-là, un genre d’humour alternatif avec une direction artistique vraiment funky.  Les Appendices ont un peu donné dans ce genre-là, Bruno Blanchet et l’émission Le 9.5  (avec Didier Lucien et Angelo Cadet) back in the days aussi, mais en ce moment au Québec, il n’y a plus tant d’émissions comme ça, dans lesquelles je me reconnais. En sortant du bac, j’ai gossé pas mal avec le green screen et le logiciel After Effects, et je me suis dit que, si j’apprenais aussi à faire des décors en 3D, j’allais pouvoir réussir à créer un univers complet qui se tient. C’est à ce moment-là que j’ai approché Emil pour lui parler du concept.

Arnaud Soly. Courtoisie L’Intermédia-Web.

Vous avez fait appel à plusieurs humoristes bien en vue au Québec. Qu’est-ce qui a motivé vos choix?

O.L. : Au départ, L’Intermédia-Web, c’était plus des non-acteurs et de l’anti-casting. Le concept s’apparentait plus à une espèce de télévision communautaire cheap du web. C’était tous des bizarros dans des sketchs tout aussi bizarros, le genre de personnages qui a une chaine Youtube et qui fait des centaines de vidéos, mais seulement vues par une dizaine de personnes chaque fois. On mettait ça dans une interface web, et ça donnait un genre de dark web cauchemardesque. On a fait un pilote de cette version d’ailleurs, que vous pouvez trouver sur notre page Facebook. Mais bon, si on voulait continuer à faire le show, il nous fallait du financement et, si on voulait du financement, il fallait rendre le show beaucoup plus accessible. On s’est alors tournés vers des humoristes qu’on aimait pour jouer les personnages, puis on a fait appel à des vrais bons writers d’humour (Sandrine Viger et Charles-Alex Durand) pour nous aider à rendre le tout plus digeste.

E.B. :  J’ajouterais que tous les humoristes qu’on a choisis, c’est pas mal tous des humoristes de notre génération qu’on admire et qui font tous des supers bonnes vidéos sur le web, alors ç’a été des choix logiques pour nous.

Daphnée Côté-Hallé. Courtoisie L’Intermédia-Web.

Malgré vos compromis pour rendre le tout plus accessible, le résultat final demeure très éclaté dans son format. Comment avez-vous abordé une postproduction aussi ambitieuse?

O.L. : Je dirais que c’était ça, la faille dans notre plan pourtant PARFAIT. Le choix de tout tourner sur écran vert, ça nous a vraiment aidés au tournage pour la logistique et les coûts de location, mais arrivés en postproduction, c’est là que le plus gros du travail commençait. Heureusement, Emil et moi, on avait rodé notre concept avant avec différents projets, notamment notre pilote et un clip pour Valaire. Tous ces projets ont été un chiard au niveau de la logistique de postproduction, mais au final, ils nous ont formés à devenir de plus en plus des masters de notre craft. Quand est venu le temps de faire la postproduction sur L’Intermédia-Web, on était au courant que c’était très ambitieux, mais au moins, on savait exactement où on s’en allait.  Ça nous a pris trois mois au total à fignoler et, somme toute, ça s’est super bien passé.

E.B. : Comme on le fait toujours, on a abordé ça avec un mélange d’appréhension et de plaisir. On sait ce qu’on est capable de faire et on aime se mettre des défis, mais chaque fois qu’on fait quelque chose dans le genre, on sait qu’on va énormément manquer de sommeil. Par contre, je trouve toujours qu’il y a quelque chose de plaisant à terminer sa journée à 6h du matin et d’aller déjeuner tranquille au Fameux… et recommencer quelques heures plus tard parce qu’on n’a pas le choix! Ça fait changement, quoi.

Martin Perizzolo. Courtoisie L’Intermédia-Web.

Même si le scénario de la série reste profondément absurde, on peut y déceler une dimension critique. Cherchiez-vous à faire véhiculer un message précis sur notre époque numérique?

O.L. : On soulève des observations comiques sur notre ère marquée par les médias sociaux. Bref, on est conscients de l’aspect critique, qui est inhérent à toute bonne parodie. Et, même si tout le monde trouve ça vraiment absurde, je considère que ce ne l’est même pas tant que ça. L’inspiration des personnages et de tout l’univers nous vient du monde réel. L’idée était simplement de décrire ce qu’on voit chaque jour sur les médias sociaux et le parodier en tirant sur tout ce qui cloche. Ça nous amuse au boute.

E.B. : Évidemment on s’inspire fortement du monde qui nous entoure pour faire ce genre de production comico-absurde. Dès le premier pilote, sans vraiment que ce soit réfléchi, on y retrouve une certaine dimension critique dans le simple fait de se moquer de la technologie et de notre époque. On doit dire que le projet a pris beaucoup plus de profondeur avec l’arrivée de nos auteurs. C’est grâce à eux qu’on est arrivés avec un univers plus concis, mieux construit. En fin de compte, j’ai l’impression que la dimension critique vient simplement du fait qu’on dépeint notre monde d’une manière humoristique. Et disons qu’en faisant un pastiche de Mark Zuckerberg, le côté critique ressort automatiquement parce que la réalité est assez douteuse en partant.

L’Intermédia-Web – à voir sur Unis.ca