Radiohead au Centre Bell : la belle intensité
Deux ans mois pour mois après son passage à Osheaga, Radiohead revenait en terres conquises avec un spectacle tout aussi saisissant, lundi soir au Centre Bell. Compte-rendu chronologique.
Un voile de lumière brumeux cache les visages des musiciens, alors que la douce et touchante Daydreaming s’amorce vers 20h40. Parfaite, la voix d’écorché de Thom Yorke transcende l’éclairage sobre qui, soudainement, se mute en une ribambelle de faisceaux blancs sillonnant l’amphithéâtre avec grâce. Le ton est donné : ce deuxième spectacle de la tournée A Moon Shaped Pool à Montréal sera envoûtant, plus doux que son prédécesseur.
L’écran ovale qui surplombe le décor se définit dès les premières notes de guitare acoustique aux contours blues de Desert Island Disk. Parfois superposées à des plans frontaux des musiciens, filmés de très près pour qu’on ait l’impression d’entrer dans leur bulle, des projections aux couleurs vives viennent appuyer chaque chanson avec brio. Sur la pesante et presque macabre Ful Stop, c’est le bleu frénétique qui nous accompagne.
Invitant les gens à se lever en lançant ses bras vers le ciel, Yorke entame 2+2=5, moment jouissif qui prend son envol lorsque les guitares s’emportent eu milieu. L’éclairage effréné, tourné vers la foule, rend le moment encore plus mémorable. Les consonances robotiques de Kid A sont ensuite totalement évacuées au profit d’une relecture rythmée et inventive, menée par un duo de batterie entre Phil Selway et Clive Deamer, qui accompagne une fois de plus le groupe en tournée.
Trois ballades suivent : All I Need, Videotape et No Surprises. Si les deux premières sont quelque peu minées par une interprétation moins incarnée qu’à l’habitude, la troisième vient remettre le groupe sur les rails et entraîne l’une des rondes d’applaudissements les plus chaleureuses du spectacle.
Loin de recevoir un accueil aussi généreux, les modestes Separator et Bloom (toutes deux tirées de King of Limbs) apparaissent comme des choix curieux de la part d’un groupe au répertoire aussi riche que Radiohead. Mais le contraste d’intensité avec les vigoureuses Everything In It’s Right Place et Lotus Flower en vaut la peine. On sent alors que les musiciens ont un plaisir fou à jouer ensemble.
L’appel de la danse se mute en une écoute plus contemplative avec The Numbers, qui témoigne d’une vibrante communion entre le groupe et la foule, et Exit Music, un autre moment d’une sensibilité inouïe. Au lieu d’entonner les paroles qu’elle connaît très bien, la foule se suspend aux lèvres de Yorke, qui livre une performance forte en émotions.
Comme d’habitude, Weird Fishes/Arpeegi provoque également son lot de sensations avec son ambiance caverneuse, révélée par une puissance d’exécution difficilement égalable. Cacophonique mais incarnée, Myxomatosis entame le sprint final du concert, de pair avec Nude, impeccable.
Le rappel s’ensuit avec une rare dose de rock, Bodysnatchers, sublimée par un éclairage rouge hypnotique. Les veloutées House of Cards et Present Tense viennent ensuite renverser la vapeur, avant la bombe électronique expérimentale Idiotheque et l’indolente The Tourist.
Le deuxième rappel commence tout aussi lentement avec Give Up The Ghost, avant de s’intensifier avec Let Down, éblouissante chanson que le groupe ne joue que très rarement. Enfin, Karma Police se dévoile comme l’hymne fédérateur qu’on attendait tous. Cette fois, la foule chante avec Yorke, sans retenue.
Pendant un instant, ça faisait du bien de se perdre.