Rap local : Doni Na Ma, l’extraterrestre du rap québécois
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Phénomène mystérieux de notre écosystème rap local, Doni Na Ma se révèle au grand jour dans le cadre de l’OVNI Tour.
Mini-tournée de quatre dates en collaboration avec Da Trigg, cette série de spectacles met la table pour une mixtape commune qui devrait paraître d’ici la fin de l’année. Son nom est un clin d’œil à la réputation de ses deux protagonistes, tout particulièrement à celle de Doni Na Ma, un rappeur montréalais qui, depuis deux ans, cultive une image énigmatique avec son style de rap cru, son flow murmuré et ses clips décalés. «On m’a toujours traité d’extraterrestre. Et je suis d’accord, car je suis quelqu’un d’assez à part des autres. Je fais du trap et je ne mâche pas mes mots, et en même temps, j’ai des messages précis, qui se rapportent à des faits réels. Il n’y a aucune mise en scène», assure-t-il. «En fait, tout ce que je dis peut être vérifié et prouvé. Ce sont des éléments que je rapporte en lien avec mon vécu, avec tout ce que j’ai chié dans cette vie.»
En témoignent ses premières mixtapes en carrière : Tha True 1 et God Vybz vol. 1, respectivement parues en janvier et juillet 2018. Alors que la première misait sur des textes relativement avisés et tangibles, la deuxième se veut plus désinvolte dans ses propos. «C’est vraiment une mixtape pour chiller, tandis que l’autre, il fallait vraiment s’asseoir et prendre le temps de l’écouter», explique-t-il.
Au-delà de ces différences de tons, le rappeur de 26 ans fait bien souvent l’apologie du self-made-man dans ses textes, traduisant ainsi sa volonté de se réaliser, voire de se rendre au sommet, quitte à utiliser tous les moyens possibles à sa disposition, incluant les moins légitimes. Bien souvent méfiant envers les gens qu’il croise sur sa route, comme l’indique sans détour sa chanson Pas d’amis, l’artiste témoigne de la réalité qu’il côtoie, celle de l’argent sale, de la violence et de la paranoïa. «La confiance ne se donne pas / Au pire, elle s’achète», rappe-t-il sur Fais-le.
Bref, à travers les nombreuses rimes salaces qui traversent ses écrits, Doni Na Ma laisse entrevoir quelques réflexions lucides – parfois même des messages clairs et précis qui l’écartent du registre trap étanche, de plus en plus stéréotypé. «Mon message, c’est qu’avant d’avoir un œil sur le monde, tu dois avoir un œil sur toi-même et, donc, comprendre ton intérieur», pense-t-il. «Certains vont dire que je suis arrogant, mais je crois fermement que nous sommes nos propres Dieux. Cette dimension spirituelle est très importante dans ma musique, et elle me guide dans ce monde bien souvent superficiel. À mon sens, vaut mieux en avoir dans la tête et après, dans les poches, plutôt que l’inverse.»
Pour contrebalancer les propos assez virulents de ses pièces, le Montréalais d’adoption mise sur un flow indolent et murmuré, qui le démarque passablement de ses nombreux confrères au débit beaucoup plus fougueux. «Ma culture musicale va plus loin que le rap, donc c’est certain que ça a eu une influence sur moi. J’ai toujours aimé jouer avec les styles, avec les façons de parler et de rapper, et par-dessus tout, je veux éviter de faire du copier-coller. Ce n’est pas nécessairement ceux qui crient qui se font le mieux comprendre.»
Impulsif dans sa création, Doni Na Ma laisse son inspiration du moment le guider. Celle-ci est d’ailleurs inhérente au rendu très brut de ses chansons. «Sérieusement, je ne peux même la contrôler, mon inspiration. La plupart du temps, je n’ai pas besoin de m’asseoir pour écrire un grand texte. Je suis devant le micro et j’attends que la vibe se présente. Quand les idées arrivent, je ne peux tout simplement pas arrêter de rapper.»
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C’est de cette manière que sa plus récente chanson est née. Constat pessimiste de la déshumanisation qui caractérise dorénavant son milieu de vie, Pas comme avant bénéficie d’un clip tourné sur son île natale, la Guadeloupe. Le choix de l’endroit s’imposait pour cette pièce à l’animosité implicite. «C’est un endroit où la violence est pratiquée à n’importe quelle heure, mais dans lequel l’amour peut parfois s’émanciper. C’est une bonne représentation du monde dans lequel on vit», analyse celui qui était de passage sur l’archipel pour l’enterrement de sa grand-mère.
Montréalais d’adoption, Doni Na Ma a quitté sa région natale pour «changer de paysage» à l’âge de 19 ans. Après un détour par la capitale, où il a terminé des études en animation 3D au Cégep Limoilou, il a pris le chemin de la musique afin de «ne jamais être l’employé de quelqu’un».
Depuis, il redouble d’efforts pour faire sa place sur la scène très compétitive du rap québécois. «Toute mon énergie est mise là-dessus en ce moment. C’est pas tout le monde qui a les couilles de se lancer ou de changer complètement sa vie comme moi, et en quelque sorte, je veux donner envie aux gens de tenter leur chance. Si tu échoues, tu recommences, c’est tout. Il faut que tu nourrisses ton rêve avant de nourrir celui de quelqu’un d’autre.»
OVNI Tour 2018 – 12 octobre à La Source de la Martinière (Québec), 13 octobre au Rafaelle Club (Montréal), 19 octobre à The Cross (Ottawa) et 20 octobre au Boston Bar (Sherbrooke)
Nouveautés d’envergure //
Le producteur montréalais Anomalie poursuit ses mélanges entre jazz, funk et hip-hop sur le puissant et affiné Métropole Part II.
Alaclair Ensemble dévoile un clip tourné à Cuba pour Quand même clean, l’une des chansons les plus festives de son dernier album.
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Seba et Horg font appel au bottin presque complet de l’UDA pour ce clip relativement douceâtre de Magasin à 1$.
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C47EB présente son flow dégourdi sur Going Merry.
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Le producteur boom bap Nicholas Craven s’allie à la rappeuse Kayiri.
Nicholas Craven joint aussi ses efforts à ceux du beatmaker Vincent Pryce sur Verenekes, pièce mettant en vedette le rappeur Cracked Lips.
L’excellent mais trop sous-estimé DeusGod fait lui aussi appel à Vincent Pryce sur cette chanson qui annonce la sortie d’un projet collaboratif.
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L’inventif producteur Austin J regroupe les rappeurs Par Klurker, Tizzy Fields et DeusGod sur ce mini-album.
Les beatmakers de 4e Regiment rendent hommage à Charles Aznavour sur cette collection de pièces.
Le duo Blitzkrieg (formé du Québécois Beeyoudee et du Bosniaque Mozaka) rapplique avec le premier extrait de son deuxième album, prévu pour la semaine prochaine.
Le Montréalais Jeune Loup se dévoile avec un flow habile et posé sur le brûlot trap Back sur le BS.
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Trois figures importantes du battle rap, Dopemor, Honie B et Parka, se réunissent sur Casquette.
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Le Lyonnais d’origine Sheryfy lance OLALA.
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Membre du trio Maestronautes, Biliwald prépare la sortie de son EP Frugal et en propose un premier extrait, la douce Été boréal.
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Miles arpente une production trap de Pops & Poolboy.
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L’Algérien d’origine Misa fait preuve de polyvalence sur Tieks.
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En prévision de son album Survivant, prévu pour la fin du mois, Souldia en présente un autre extrait, cette fois en duo avec Malkay Lacrymogene.
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Souldia s’associe également à Boutot sur la virulente Volume.
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Sur Trap DMRD, chanson qui annonce son troisième album solo Le saut de l’ange, Dice B y va d’un flow murmuré qui rappelle quelque peu celui de Doni Na Ma.
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2 shows à voir //
Gutta Zone 2K18 – House of Kardz
Pour sa 6e édition, l’évènement de krump réunit «les meilleurs krumpers au pays ainsi que des invités de renommée internationale».
Cabaret de l’Avenir (Laval), 12 et 13 octobre
Suprême Sans Plomb & Sonido Pesao
Fruit d’une réunion probante entre le groupe hip-hop L’Amalgame et le trio electro-funk Of Course, le collectif Suprême Sans Plomb se joint au groupe latino rap Sonido Pesao pour un concert qui promet d’être festif à souhait.
La Vitrola (Montréal), 12 octobre (21h)
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