Rap local : Anomalie, la grande ascension
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Grâce à son EP Métropole Part II, un vivifiant alliage de jazz, de hip-hop et de future funk, le pianiste et producteur Anomalie s’apprête à partir à la conquête du monde.
Au total, ce sont 17 dates de spectacles en un mois et demi qui composent la tournée internationale du Montréalais – Nicolas Dupuis de son vrai nom. Pour la grande majorité d’entre elles, il sera accompagné de trois musiciens (un claviériste, un bassiste et un batteur). En première partie du groupe français Electro Deluxe à l’Olympia de Paris ce jeudi, il se retrouvera toutefois seul sur scène avec son clavier et ses séquences – expérience qu’il répétera le mois prochain lors de sa mini-tournée en Océanie, en ouverture du producteur néo-zélandais Opiuo.
«Je suis très excité», nous lance-t-il au téléphone, visiblement fébrile. «C’est ma première grosse tournée avec des dates qui s’enchainent aussi bien dans un gros bloc. J’avais fait une tournée en Amérique du Nord au printemps dernier, mais les spectacles étaient pas aussi collés.»
Avec 80 000 mentions «j’aime» sur sa page Facebook, Anomalie est assurément l’un des musiciens québécois les plus en vue ces derniers mois, même si son succès demeure encore très discret ici. Loin de bouder sa ville d’origine, le producteur de 25 ans a choisi de s’exporter plutôt que de se confiner au réseau local. «La musique que je fais s’insère dans un créneau assez spécifique, donc mon succès est réparti à l’échelle internationale. Ça devient vraiment intéressant pour le booking de tournée, car je peux cibler plusieurs villes avec une forte concentration de personnes, sans me concentrer sur un seul marché, un seul pays. À travers ça, j’essaie de mettre Montréal de l’avant, mais je ne déploie pas d’efforts précis sur la promotion ou la presse locales.»
Grâce aux statistiques révélées par les plateformes d’écoute en continu, Anomalie a donc déterminé des villes où sa musique avait davantage d’écho, créant ensuite des liens avec des promoteurs qui ont choisi ou non d’acheter le spectacle. À ses côtés : une toute petite équipe fiable et organisée. «Je n’ai pas de label central qui m’encadre, et tout passe par moi et mon gérant, qui est mon super bon ami et à qui je parle tous les jours. Ensuite, on a des agents de booking pour chaque continent et, maintenant, des ententes territoriales avec des labels, notamment en France et au Luxembourg. En Amérique du Nord, on a choisi de rester 100% indépendant, car ça nous laisse la liberté totale de faire ce qu’on veut.»
Les réseaux sociaux jouent également un rôle de premier plan dans cette impressionnante ascension. Sur Facebook, l’engouement autour de ses nombreuses vidéos «faites maison» au piano, dont plusieurs dépassent les 100 000 visionnements, lui a permis de se doter d’un public fidèle et, surtout, très curieux d’aller le voir en spectacle. «Ce sont des vidéos centrées autour de ma performance et qui, par conséquent, peuvent se traduire en vente de billets. Les gens sont conscients de ce que tu vois en ligne a bien des chances de ressembler à ce que tu vas voir en show.»
Jeune prodige, Nicolas Dupuis a commencé le piano à un très jeune âge, courant les concours et accumulant les concerts en parallèle de ses études. À l’adolescence, c’est le beatmaking qui l’a interpellé. «J’ai commencé à pitonner sur Garage Band avec mon Macbook et, peu à peu, je me suis intéressé à la musique électronique», raconte-t-il. «Plus tard, au Cégep de Saint-Laurent, j’ai choisi de m’inscrire en performance jazz, et c’est là que j’ai commencé à ouvrir mes horizons à plein de genres, notamment au mélange de jazz et de hip-hop de Robert Glasper.»
Pendant deux ans, il s’est ensuite investi au sein du collectif Urban Science lors de l’évènement #LeCypher, soirée hebdomadaire où des rappeurs sont amenés à improviser avec de talentueux instrumentistes. «À partir de là, j’ai écouté beaucoup, beaucoup de hip-hop, autant du J Dilla que des trucs plus modernes», dit celui qui, après son aventure avec le collectif montréalais, a accompagné le rappeur slovène Gramatik durant plusieurs spectacles. «C’est vraiment l’amalgame de toutes ces influences-là qui a donné naissance à Métropole.»
Donnant suite au volume initial paru en juin 2017, la deuxième partie de Métropole (parue plus tôt ce mois-ci) marque par son groove plus chargé et par ses influences funk assumées. «Les deux ont un univers similaire, mais disons que le premier était davantage axé sur les synthétiseurs. Celui-là, il est plus organique, car je voulais explorer davantage mon jeu au piano. Ça va donner des shows encore plus dynamiques.»
Avec des chansons comme Notre-Dame Est, Crescent et Parc, Métropole Part II réaffirme l’appartenance du producteur à sa ville d’origine. «Montréal a une portée émotive pour moi, et il y a beaucoup d’endroits de la ville qui signifient quelque chose d’important. D’ailleurs, la première du EP, Canal, est un clin d’œil au Canal de Lachine, qui est vraiment devenu mon endroit de prédilection depuis que j’ai déménagé dans le Sud-Ouest. La chanson représente assez bien mon processus créatif, car c’est souvent lorsque je marche ou que je roule à vélo dans ce coin-là que je trouve des idées de mélodies. Pour n’importe quel créatif, je crois que c’est important d’aller faire le vide, sans nécessairement être toujours branché sur son téléphone. C’est intéressant pour stimuler la création de se retrouver seul à seul, de s’abandonner à nos pensées.»
Nicolas Dupuis aura toutefois peu d’occasions de se retrouver ainsi dans les prochaines semaines. Après cette tournée tricontinentale, le pianiste se préparera à une autre série de spectacles en Amérique du Nord, qui comprendra vraisemblablement un arrêt à Montréal au printemps prochain. «Ça va être cool, car on va jouer dans des plus grosses salles que d’habitude. D’ici là, je compte sortir quelques singles, mais mon gros projet, c’est la création d’un premier album officiel. Je ne peux pas donner de date pour l’instant, mais ça s’en vient.»
Anomalie en tournée – du 18 octobre au 2 décembre
Nouveautés d’envergure //
Le producteur montréalais Lowpocus montre encore l’étoffe de son grand talent sur Purple Thang, un troisième EP en carrière.
Toujours prêt à se surpasser, Nate Husser livre la percutante deuxième partie de sa trilogie de mini EPs, qui se terminera plus tard cette année. Au passage, il présente un très beau clip pour Oldie.
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Révélé dans l’édition québécoise de Rentre dans le cercle, série de vidéos Youtube pilotée par le Français Sofiane, le rappeur Loussa se dévoile avec Babylone, une toute première mixtape propulsée par le clip Y’a R en duo avec Gaza.
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Major, l’un des producteurs montréalais les plus en vue dernièrement, se joint à Kevin Na$h.
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Le Montréalais Jo Compadre (fka J.O.) revient d’une petite pause avec Off The Clock.
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Le groupe 2130 redonne signe de vie près de huit mois après avoir lancé deux singles.
À un mois et demi de la sortie de son premier album solo, mystérieusement intitulé SHORt D!Kk, Mitch Donovan montre qu’il est en grande forme sur ARMAGEDDOn, un premier extrait qui pique la curiosité.
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Farfadet présente une quatrième extrait de son plus récent album Des fusils et des roses.
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DawaMafia, duo originaire de Brossard, évolue dans un trap typique sur Fugueuse.
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Une percée très prometteuse pour Big Bash avec la frappante Dans mon binks.
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Flawless Gretzky continue de créer sans relâche. Last Day Out, en duo avec Crush, est sa 11ème chanson en un peu plus de deux mois.
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Lou Phelps y va d’un clip tourné à Miami pour la très accrocheuse Squeeze avec le chanteur Jahkoy.
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Le rappeur originaire d’Alabama Mick Jenkins refait équipe avec notre étoile locale Kaytranada pour une pièce en vue de son projet Pieces of a Man, prévu pour la fin du mois.
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Waahli renoue avec son collègue de longue date Lou Piensa sur Fly Life, pièce de son plus récent album qui profite maintenant d’un clip tourné à l’aéroport de Montréal.
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Le toujours excellent Nicholas Craven rapplique avec quatre nouvelles chansons instrumentales.
Le beatmaker hip-hop ambient TRBLMKR propose un troisième EP en huit mois.
Le rappeur montréalo-créole Fwonte lance troisième volume de sa série No Wanga, entamée en 2015.
3 shows à voir //
Koriass poursuit sa tournée des grandes villes du Québec en soutien à son cinquième album La nuit des longs couteaux.
Théâtre Granada (Sherbrooke), 19 octobre (20h)
Doni Na Ma et Da Trigg, deux artistes en vogue sur la scène street rap de la métropole, s’unissent pour une tournée de quelques dates, qui s’arrêtera dans la capitale canadienne la fin de semaine prochaine.
The Cross (Ottawa), 19 octobre (21h)
Manu Militari (Live Performance)
L’imperturbable Manu Militari reprend le devant de la scène le temps d’un spectacle sur la Rive-Nord de Montréal.
General Sherman (Blainville), 20 octobre (20h)
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