Rap local : Souldia, brasser de la noirceur
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Rap local : Souldia, brasser de la noirceur

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Avec Survivant, un quatrième album en trois ans, Souldia met un baume sur les plaies laissées par la mort de son ami Infrak.

«Je vois mon reflet dans le chrome, j’ai passé ma vie dans le crime / Et quand le roi reprend le trône, c’est dans les larmes et dans les cris», lance le rappeur limoulois en ouverture sur WD40, signe que la blessure est encore vive depuis la disparation de son fidèle camarade du collectif 187 et du trio Facekché en novembre 2017.

«Dès que j’ai écrit cette ligne-là, j’ai su qu’elle allait être la première de l’album. Fallait que ça commence dans le vif du sujet, directement comme ça», explique-t-il. «L’émotion de l’album est assez sombre, car elle va avec comment je feelais. J’ai été dans le noir cette année. Ce qui m’a tenu dans la clarté, c’était la famille, les gens que j’aime. Sans eux, j’aurais pu l’échapper, mais à la place, j’ai traduit ça dans la musique. J’avais besoin de brasser de la noirceur.»

Malgré la tragédie de l’automne dernier, qui a causé une onde de choc dans la scène rap de la capitale, Souldia a su canaliser sa tristesse et sa colère pour en faire quelque chose de constructif. «J’avais envie de tout casser, j’étais en feu. J’étais encore plus inspiré que pour Ad vitam æternam», dit-il, en référence à son cinquième album solo paru il y a environ un an.

Écrite sur une période de plusieurs mois, la saisissante chanson Mon frère (qui conclut l’album) touche le cœur du sujet. «Ça a été l’enfer, cette toune-là. C’est celle qui m’a le plus cassé la tête de toute ma vie», admet-il. «Mon gros problème, c’était que je savais de quelle étape de nos vies parler. Est-ce que je devais mettre l’accent sur nous mauvais coups d’enfance? Ou bien sur nos Impérial pleins à craquer? Je savais que la famille allait entendre la chanson, donc je devais trouver un équilibre entre tous mes souvenirs. Fallait que je choisisse les bons mots, et ça m’a amené à réécrire des couplets en entier.»

Le décès inopiné d’Infrak a longuement résonné dans la tête de Souldia. En remettant les choses en perspective, le rappeur a réalisé qu’il était le dernier membre actif du 187, un collectif musical – «et non une gang de rue comme la police s’entêtait à le qualifier» – avec qui il a fait ses premiers pas il y a un peu plus d’une décennie. De là le titre de l’album. «On a commencé par perdre un membre, Crazy8, déporté en Allemagne. Ensuite, y’a Le Dangereux qui a pris une sentence de 10 ans de prison. Plus récemment, y’a Die-On qui a quitté le pays et qui est recherché par Interpol, et maintenant, le décès d’Infrak…» énumère-t-il, avec une certaine émotion. «Bref, je suis le survivant, le petit doigt qu’il reste. Il y a eu des moments dans nos vies où on a dû prendre des décisions. Moi, à partir de Krime grave en 2014, j’ai choisi de mettre mon énergie dans la musique. C’est là que j’ai réalisé que je pouvais vivre de ma musique et de mes tournées. C’est le travail d’une vie qui commençait à porter fruit.»

Depuis ce changement de mode de vie, Souldia s’impose comme «la voix de la rue», s’inspirant des histoires qu’il entend et de celles qu’il a vécues. La majeure partie du temps, l’émotion brute, forcément négative, a le dessus sur un quelconque fil narratif. «Sincèrement, je ne pourrai jamais faire cette musique-là et être complètement dans la lumière. Le jour où ça va arriver, je vais devoir arrêter le rap», tranche-t-il.

Pour appuyer ses textes virulents, le rappeur de 33 ans a choisi de faire confiance à son instinct, sans se restreindre à une quelconque direction musicale, comme il l’avait notamment fait sur l’incisif Krime grave ou sur le très mélancolique Ad vitam æternam. «J’ai dit aux producteurs : ‘’Envoyez-moi tout ce que vous avez, et on va voir comment je feel!’’», explique celui qui a fait appel au très polyvalent Farfadet pour la moitié des pièces. «Si j’avais eu une mauvaise journée, ça donnait des trucs qui brassent comme Tombeau, sinon, ça pouvait donner quelque chose comme Le sablier

En collaboration avec le rappeur Izzy-S et la chanteuse Marieme, cette dernière chanson a connu un succès manifeste sur Youtube (plus de 600 000 vues en trois mois). Plus positive que la majorité des textes du rappeur, elle incarne le message général qui transcende Survivant. «Le titre de la pièce aurait pu être Le bilan, comme un espèce d’arc-en-ciel après l’orage. Je voulais dire que c’est en faisant des erreurs qu’on apprend. À force d’en faire, on devient une meilleure personne.»

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Paru en juin, Valentina est également une lueur dans la pénombre. Portée par une rythmique dancehall, cette chanson d’amour détonne du reste de la discographie de Souldia. «Oui, je fais du rap, mais j’aime aussi mélanger les genres musicaux. Je me suis dit que, si moi je feelais cette chanson-là, d’autres de mes fans aussi. Surtout, c’est une chanson très précieuse pour moi. Elle parle de la façon dont j’ai rencontré ma femme, celle qui est devenue la mère de mon fils. Si je suis là aujourd’hui, c’est grâce à elle.»

Dans un tout autre genre, Devil en l’air envoie une flèche aux détracteurs du rappeur, notamment ceux qui l’ont fustigé pour Valentina. «J’fais pas de la musique commerciale, je déteste la censure / Ils ont abandonné le rap, ils sont devenus des chanteurs», rappe-t-il avec un flow qui, paradoxalement, s’avère plus chanté qu’à l’habitude. «C’est pas parce qu’on chante un peu que ça devient de la musique commerciale», justifie-t-il, quand on lui fait part de cette observation. «De la musique commerciale, c’est construit pour plaire à un grand public, tandis que moi, je n’ai jamais fait de compromis. Par contre, je suis un artiste qui aime se réinventer. Je fais peut-être quelque chose de plus accessible qu’avant, mais je ne joue toujours pas à la radio…»

Preuve de sa dévotion à l’underground, il laisse ici une place de choix à des nouveaux joueurs du rap local comme MB, White-B, Lost, DawaMafia et Izzy-S, des révélations probantes du street rap montréalais qui, malgré leur succès les plateformes de musique en continu, peinent à recevoir un appui substantiel de l’industrie et des médias. Au lieu de les voir comme de la compétition, Souldia a choisi de leur tendre la main. «Je voulais collaborer avec eux pour montrer que c’est toujours bénéfique de s’allier et de se mélanger. À nos débuts dans le rap avec 187, on n’avait pas ce genre de following, donc c’est certain que ces gars-là vont avoir un succès encore plus grand que nous.»

Sur Chacun sa manière, pièce dont le clip a dépassé les 2,5 millions de vues, Souldia se joint à Fou Furieux et à Enima, personnage polarisant de la scène rap montréalaise qui a défrayé les manchettes plus tôt cette année en raison de ses démêlées avec la justice. En aucun cas, cette controverse n’a été un obstacle au déroulement de la collaboration. «J’ai déjà eu mes problèmes avec les médias et je sais que ce qui est relaté dans les faits divers des journaux est pas toujours la vérité. Moi, j’ai laissé de côté tout ce battage médiatique là, car j’avais envie de rencontrer le personnage en personne. Maintenant que c’est fait, je dois dire que j’ai adoré mon expérience en studio avec lui. Dès qu’il a franchi la porte, on s’est mis à faire de la musique. Il n’y avait pas 25 lascars autour de nous qui chillaient.»

A peine remis de sa tournée précédente, qui s’est terminée au tout début du mois, Souldia s’apprête a refaire le tour du Québec pour défendre ses nouvelles chansons. Signé sous 7ieme Ciel en production de spectacles, il annoncera bientôt de bonnes nouvelles. «On travaille présentement pour que je fasse des spectacles dans d’autres pays. Je peux pas en dire trop, mais j’ai pas encore joué ma grosse carte.»

Survivant – en vente le 26 octobre 

Lancements : le 16 novembre au Méduse (Québec) et le 24 novembre au Club Soda (Montréal)

Nouveautés d’envergure //

Quelques jours après une entrevue de Ginette Reno à Médium large, durant laquelle elle avait mentionné son envie d’enregistrer une chanson rap, le sextuor Alaclair Ensemble s’offre une relecture rap de L’essentiel.

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Le très prometteur duo formé du rappeur Kirouac et  du producteur Kodakludo propose un clip astucieux pour bixi.

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Initiée par l’émission de radio La beatmakerie, la compilation Roller Coaster met notamment en vedette Lil Lonely, Lowpocus et JT Soul.

Fruits et Charles Cozy, inséparable tandem de beatmakers, rapplique avec la dansante Blame It.

Les Cascadeurs s’attaquent à un classique de Robert Charlebois.

Trakma (fka GrandHuit) y va d’une production hip-house sur cette compilation parisienne.

Un clip pour la vaporeuse Pocket Paradise du producteur Pabst Is An Astronaut.

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Un an et demi après l’EP ZGETIT, le rappeur Plante Carnivore (des collectifs XXI et La Collection) revient en solo avec Upside Down (Living Dead), un album trap original aux textes intimes.

Isaac pose habilement sur cette production signée Carlito.

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Le vétéran Sadik marque son grand retour avec la percutante Street Life.

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Originaire de Limoilou, Niqc présente un clip pour Juskocoud, chanson de son EP Shmok1 paru au printemps dernier.

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Sans Pression s’allie avec Buzzy Bwoy pour une chanson traitant de la légalisation de la marijuana.

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Kay Bandz vise haut et se joint aux populaires White-B et Lost sur Shyning.

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Membre du collectif 5sang14, le rappeur Random présente Silence de mort, une première mixtape depuis Cercle vicieux 2 parue l’an dernier.

Teflon Blaze lance un premier clip pour l’entraînante Pedal 2 The Floor.

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GunDei collabore avec Tryfe sur Quiet As Kept.

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Cobna sort d’un hiatus de plusieurs années avec Le verre à moitié plein, nouvel EP qui contient notamment La classe au micro, deuxième extrait plus ou moins convaincant en duo avec Radical.

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Le collectif XXI poursuit ses explorations emo trap avec Hangman.

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Oliver Twist et LeMind s’offrent une chanson intimiste et mélancolique, marquée par une mélodie simple à la guitare acoustique.

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Après avoir livré un nouveau beat chaque jour en octobre 2017, Vincent Pryce renoue avec ses productions halloweenesques.

Le toujours excellent Narcy se joint au groupe libanais Mashrou’ Leila sur Time.

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Le collectif multilingue Nomadic Massive y va d’un clip pour Miwa.

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Nicholas Craven refait équipe avec Kayiri.

Craven présente aussi un énième remix d’une chanson du rappeur américain Conway.

Après avoir revisité le répertoire de Charles Aznavour, les producteurs de 4e Regiment proposent des relectures de classiques québécois.

3 shows à voir //

Don’t Sweat The Technics

Au croisement du hip-hop, du R&B et du boogie funk, la deuxième soirée mensuelle Don’t Sweat The Technics mettra en vedette DJ White Socks, Mark The Magnanimous et SevDee aux platines.

Maison2109 (Montréal), 26 octobre (22h)

Tour De Manège @Maison 2109 : 1 Year Residency !

Le collectif franco-québécois Tour de manège souligne sa première année de résidence bimensuelle à la Maison2109 avec une soirée où défileront tour à tour Walla P, Dead Horse Beats, GrandHuit, Fruits et MusoNi, entre autres.

Maison2109 (Montréal), 25 octobre (21h)

Shawn Jobin & invités

Le rappeur fransaskois Shawn Jobin se joint au duo gatinois Sam Faye et D-Track ainsi qu’au rappeur et producteur ottavien Squerl Noir.

Centre national des arts (Ottawa), 26 octobre (20h30)

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