ADISQ : des solutions face à la domination du streaming
Le nouveau président de l’ADISQ, Philippe Archambault, est clair : l’épanouissement de l’industrie musicale québécoise dépend du «courage politique» qu’aura le gouvernement fédéral dans le dossier des droits d’auteur face aux géants du streaming.
«Le streaming, c’est une belle chose. Personne ne peut être contre le fait d’avoir toute la musique du monde à portée de main», insiste d’emblée le président, rejoint mardi soir au Club Saint-James aux côtés d’anciens présidents de l’ADISQ tels que Michel Bélanger, André Ménard, Jacques K. Primeau et Claude Larivée. «L’enjeu là-dedans, c’est qu’il faut que les revenus soient décents pour les artistes et, pour en arriver là, ça prend des changements dans les lois.»
Parmi ces changements, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo demande la modernisation de trois lois fondamentales dans le développement du secteur de la musique : la Loi sur la radiodiffusion, la Loi sur les télécommunications et la Loi sur le droit d’auteur. Avec ces trois actualisations, l’ADISQ cherche essentiellement deux choses : obliger les fournisseurs d’accès Internet à réinvestir dans le contenu canadien (comme le font déjà les câblodistributeurs) et permettre aux créateurs de toucher davantage de redevances de la part des services de musique en continu comme Spotify, Apple Music, Deezer et YouTube, tout en leur permettant d’avoir une meilleure visibilité sur les listes de lecture à l’international.
Les objectifs sont donc pratiquement les mêmes qu’il y a deux ans lorsque l’ADISQ avait lancé un énième cri d’alarme. Mais cette fois-ci, l’espoir est plus manifeste.
Le 30 septembre dernier, lors de la renégociation de l’accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique, le Canada a réussi à préserver son exemption culturelle, ce qui veut dire que le gouvernement fédéral a réussi à garder «les coudées franches» face à nos voisins du sud. «En gros, si on avait perdu ça, les Américains auraient pu intervenir dans notre secteur culturel, et on n’aurait plus du tout de marges de manœuvre. On ne serait même pas là pour parler du reste non plus», explique Solange Drouin, vice-présidente aux affaires publiques et directrice générale de l’ADISQ.
Bref, le pire a été évité et, maintenant, l’ADISQ est prête à passer à l’action. «Il y a 40 ans, l’ADISQ a été créée afin de défendre une industrie musicale propre au Québec devant les multinationales américaines», contextualise Philippe Archambault, également directeur général d’Audiogram. «Maintenant, ce sont à d’autres multinationales qu’on fait face et on doit s’assurer de mettre notre musique à l’avant-plan.»
Et jusqu’à maintenant, les signes sont encourageants. «On a une bonne écoute [de la part du fédéral], mais il faut pas que ça en reste là. Faut prendre des décisions rapidement, car c’est là que ça se passe», poursuit-il.
«It’s now or never», proclame Solange Drouin. «Le gouvernement a initié un processus [de modification de ses lois] dans la dernière année, donc il ne faut pas se tromper. Avant qu’une occasion comme ça arrive à nouveau, ça va être très long.»
D’ici là, l’ADISQ demande un investissement de 10 millions de dollars de la part du gouvernement fédéral afin de «soutenir les créateurs et producteurs de contenu» de l’ensemble du Canada. «Ça prend des moyens pour que l’industrie reste en santé», soutient le président, stipulant notamment que les compagnies de disque québécoises ont besoin de plus d’argent afin de développer une expertise numérique – le but étant notamment de faire plusieurs percées considérables dans les populaires listes de lecture américaines.
Enfin, Philippe Archambault rappelle le rôle décisif qu’a à jouer le public dans toute cette affaire. «Ce sera important de consommer local dans les prochaines années, car c’est vraiment selon le nombre d’écoutes en ligne que les artistes d’ici vont pouvoir intégrer des listes de lecture. De la même manière que les gens ont commencé à manger plus local grâce à des initiatives comme ‘’Le Québec dans votre assiette’’ ou ‘’Les fromages d’ici’’, le public doit comprendre l’importance d’écouter davantage de musique québécoise.»