Les Trois Accords : activité de groupe
Musique

Les Trois Accords : activité de groupe

Sur leur sixième album, le jubilatoire Beaucoup de plaisir, Les Trois Accords marquent un tournant significatif dans leur carrière, fruit d’un changement de dynamique entre les quatre membres.

Aux commandes des paroles et de la musique de cet opus, Simon Proulx a cherché à créer des hymnes festifs aux refrains rassembleurs plutôt qu’à chevaucher une thématique précise, comme il l’avait fait avec l’amour intergénérationnel sur J’aime ta grand-mère, les soins esthétiques sur Joie d’être gai ou les transformations corporelles sur Dans mon corps. «Je me suis donné la permission de faire exploser le cadre des thèmes et des concepts. J’étais vraiment libre d’écrire ce que je voulais», explique-t-il.

Au préalable, trois projets spéciaux ont donné envie à l’auteur-compositeur-interprète d’aller dans cette direction, soit l’enregistrement des chansons Noël est arrivé, Activité de groupe (pour le film Trip à trois) ainsi qu’une version embryonnaire de Commotion, composée pour le dernier spectacle de Martin Matte. «On avait arrêté de faire des shows en septembre 2017 pour me laisser le temps d’écrire. C’était la première fois qu’on faisait ça. Ensuite, ces projets-là sont arrivés sur la table et nous ont permis de renouer en studio trois fois pour une petite période de temps. On a trouvé le processus très spontané et vraiment l’fun.»

La table était mise pour le reste. En studio, les quatre camarades ont choisi d’y aller de façon plus intuitive, une chanson à la fois.  «À la première session, j’avais cinq ou six tounes de prêtes. Je voulais les jouer aux gars, donc on s’est assis ensemble. J’avais ma présentation de prête, avec un PowerPoint», blague Proulx. «J’ai joué la première toune, Automobile, et tout de suite, les gars m’ont dit : ‘’OK, c’est bon, c’est cool… On la fait-tu?’’ Je voulais leur jouer les autres tounes avant, mais Charles m’a convaincu d’essayer celle-là avant. C’est devenu notre méthode pour le reste de l’enregistrement.»

«Pour chaque chanson, on a enregistré les percussions en premier, comme pour se donner une base solide. Un beat de batterie ultra simple, juste pour nous permettre d’enregistrer le reste», explique le bassiste Pierre-Luc Boisvert. «Ça donne un album super efficace et rythmé.»

«On était vraiment dans notre bulle», ajoute Proulx. «À un point où on regardait même pas le fil conducteur des chansons. C’est après coup qu’on a réalisé qu’on était particulièrement festifs et enthousiastes sur l’album. Ça lève tout le long, y’a pas de temps mort.»

«À chaque toune, on se demandait : ‘’Bon, c’est tu elle, la toune relax?» poursuit le batteur Charles Dubreuil. «Finalement, c’était jamais elle!»

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Le choix de studio a forcément contribué au contexte d’enregistrement très chaleureux de l’opus. Au lieu d’aller s’enfermer au studio new-yorkais de leur réalisateur Gus Van Go, comme ils l’avaient fait pour leurs trois derniers disques, les quatre musiciens ont choisi d’aller s’installer dans un havre de paix de Lanaudière : le studio Wild de Pierre Rémillard à Saint-Zénon. «On voulait vivre quelque chose de nouveau, de plus spécial. Je me rappelle que ce qui a provoqué ce changement-là, c’est que je racontais une anecdote de studio à quelqu’un. J’étais super content de raconter ça, mais au milieu de mon histoire, je me suis rendu compte que je parlais même pas du bon album! Les expériences commençaient à trop se ressembler dans ma tête.»

«Aussi, à New York, on était trop distraits par tout ce qu’il y avait autour», ajoute le guitariste Alexandre Parr. «On revenait de là-bas toujours très brûlés et fatigués.»

«Là, c’était complètement différent. C’était un forfait tout inclus», enchaîne Boisvert. «On arrivait avec une grosse épicerie pour la semaine, et tout le monde avait sa propre chambre. On se faisait des feux, on partait en chaloupe…»

«Sérieusement, ça faisait longtemps qu’on n’avait pas eu une expérience de studio aussi agréable», s’enthousiasme Proulx.

Les Trois Accords lors de leur lancement au Centre Phi. Crédit : Ville de pluie.
Les Trois Accords lors de leur lancement au Centre Phi. Crédit : Ville de pluie.

Encore une fois, ce sont les Vulgaires Machins qui ont pavé la voie pour le groupe originaire de Drummondville. Dans la foulée de l’enregistrement de son classique Compter les corps, la bande de Guillaume Beauregard avait convaincu Les Trois Accords de faire confiance à Gus Van Go pour l’enregistrement de Dans mon corps à New York. Cette fois, c’est le souvenir de l’enregistrement d’Aimer le mal à Saint-Zénon, en 2002, qui a guidé la formation. «On se rappelait des images du CD-ROM qui accompagnait ce disque-là. C’était l’un des premiers albums enregistrés au Wild. Une semaine avant, les Vulgaires étaient venus aider Pierre Rémillard à finir de construire le studio», se souvient Dubreuil.

«De plus en plus, ça devient comme un prérequis que les Vulgaires Machins soient passés dans un studio», lance Parr.

«Même que, des fois, on envoie Guillaume Beauregard au restaurant avant nous pour être certain que c’est bon», plaisante Proulx.

Mais les comparaisons avec la défunte formation punk engagée s’arrêtent là. Traversées par des récits tragi-comiques (un vol d’automobile, un coup de chaleur sur le ponton, une insomnie persistante qui provoque des cernes noirs…), les 11 pièces de Beaucoup de plaisir ont de l’originalité à revendre. «Ce qui stimule mon intérêt pour un sujet ou un autre, c’est vraiment son côté inédit. Pour que la toune soit le fun, il faut qu’il y ait un angle unique. Encore une fois, ça donne des chansons assez différentes, car je me suis pas imposé de thème. Ça m’a donné la place pour sortir des concepts que je voulais développer depuis super longtemps, comme chanter une liste d’épicerie qui vire mal!» dit Proulx à propos de la chanson titre, qui ouvre avec brio l’album.

«De plus en plus, notre spectre de sujets de chansons s’élargit», poursuit Dubreuil. «Il y aurait presque un espèce de boussole électorale à faire avec nos chansons. On pourrait établir un genre d’échiquier des Trois Accords avec un diagramme qui pointe vers le sérieux, l’absurde et le touchant. Clairement, Le bureau du médecin tanguerait vers le touchant, et Saskatchewan, vers l’absurde.»

Chose certaine, ce n’est pas avec cet album que le groupe alimentera la section «sérieuse» de sa boussole.

Les 15 et 16 mars à l’Impérial Bell de Québec ainsi que le 29 mars au MTelus de Montréal. Autres dates ici.