Rap local : Mitch Donovan, combler le vide
Musique

Rap local : Mitch Donovan, combler le vide

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

L’aventure Save Yours officiellement terminée, Mitch Donovan se révèle sur Short Dikk, un premier album qui oscille entre ego trip et introspection.

Le rappeur montréalais a difficilement vécu la fin de Save Yours, trio mort dans l’œuf après avoir livré un album fort prometteur et audacieux (Phoenix) l’an dernier. «Ça m’a rendu assez triste. Je trouvais ça vraiment dommage qu’on se sépare, car on avait un bel avenir. Y’a eu des conflits d’intérêts, des querelles… Ça a mené à une période de ma vie où j’étais tout seul dans mon coin et durant laquelle je me cherchais pas mal en tant qu’artiste. J’étais encore très près de Roberto Viglione (producteur du défunt trio), mais lui, il était pas trop sûr de vouloir s’embarquer dans un autre projet avec moi. Il m’a quand même envoyé le beat de Frankk Ocean, et ça a donné naissance à une chanson très cool. Tout de suite, il s’est ravisé, et on est allés dans un chalet ensemble à Saint-Donat.»

Enregistrées durant cette retraite fermée, les chansons Clébard et Armageddon ont donné le ton à l’album. «Sérieusement, on a vécu de quoi de fort, un trip hallucinogène qui a vraiment stimulé la création. Juste après, j’ai commencé à croire au projet et, rapidement, j’ai eu l’idée de nommer ça Short Dikk. J’ai appelé Roberto, et il est parti à rire. Je savais pas encore pourquoi je trouvais ça drôle, mais j’aimais l’image derrière le statement. C’était une façon originale de dire que l’habit ne fait pas le moine», explique le Montréalais, qui admet s’être inspiré d’un couplet de Jam à propos de la taille de son membre reproductif lors de l’un de ses passages à l’émission de radio Ghetto Érudit.

À la fois teinté d’autodérision et de vantardise, ce titre fait écho au paradoxe qui habite le rappeur sur cet opus. «Je dévoile plusieurs traits de ma personnalité qui sont extrêmes. Je veux montrer que je suis bad ass, mais je reste toujours un peu vulnérable. C’est un peu une façon de dire que, même si tu veux toujours montrer que tu es le meilleur, tu peux pas te mentir à toi-même. En fin de compte, il y a toujours un vide à combler en dedans de toi.»

Judicieusement structuré, Short Dikk comporte son lot de propos irrévérencieux, parfois vulgaires, mais laisse jaillir une prise de conscience en fin de parcours. L’album incarne plutôt bien le processus psychologique qu’a vécu le Montréalais dans la dernière année. «Je me suis beaucoup remis en question dans cette période-là. J’ai commencé à me tanner du fake, à me tanner de ces soirées où on se ramasse pour se péter la face, sans jamais vraiment se dire comment on se sent. En même temps, y’a eu la séparation du band et j’ai décidé de déménager à Montréal-Nord pour me rapprocher du studio de Roberto à Saint-Léonard. Là, j’ai vécu un breakdown personnel, une dépression presque. En m’isolant autant, j’ai laissé tomber les chillings et les relations vides, et je me suis tourné vers la musique. Je me suis retrouvé dans ma chambre, à essayer plein d’affaires.»

Humble mea culpa destiné à 36 Fahrenheit, son ancien coloc et collègue de Save Yours, Big Love a permis à Donovan de faire le point sur une relation tumultueuse. «C’est vraiment une toune de bromance. On était en chicane lui et moi, et j’ai vraiment pété ma coche de façon impulsive. On s’est pas parlés pendant un certain temps, mais on a fini par remettre les pendules à l’heure. Je lui ai fait écouté la chanson, et il était assez impressionné. J’étais pas sûr de la publier, car elle est quand même très soft, mais finalement, je la vois comme un step en avant dans ma carrière.»

Aux côtés de Viglione, le rappeur a élaboré une direction musicale trap expérimentale, à la fois moderne et en dehors des sentiers battus. Visiblement inspiré par Kanye West (période My Dark Twisted Fantasy) et Dead Obies (période Montréal $ud), Donovan met ici à profit la formation qu’il a reçue à Musitechnic. «Je sortais de l’école quand j’ai commencé les chansons. Grâce à Roberto, je pouvais tout de suite mettre en pratique les concepts que j’avais appris en classe. Il a vraiment amené une touche essentielle à mon son.»

Nouveautés d’envergure //

Izzy-S y va d’un quatrième projet aux textes avisés et à la production consistante, qui contient notamment le deuxième excellent extrait La zone.

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Lōst se joint à son fidèle camarade Gaza sur Sirènes, pièce qui met la table pour le plus qu’attendu Bonhomme pendu chapitre 3 à la mi-décembre.

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Soubillz s’allie à LK Tha Goon sur Kingz.

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La sensation Mike Shabb ouvre ses horizons musicaux sur Newave, EP qui fait suite à l’album pesant et ardu Northwave.

Virage étonnant pour l’auteure-compositrice-interprète Laurence Nerbonne, qui présente un premier extrait trap mordant en prévision de son deuxième album solo, prévu pour l’an prochain.

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Isaac (fka Izz) et Baggies posent sur une production trap minimaliste de 4e Régiment.

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Défait aux WordUP! Battles dans la foulée d’une soirée plutôt mouvementée, Franko Bucci livre un freestyle en compagnie de LeMind.

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Le vétéran Toast Dawg dévoile la chanson composée dans le cadre de la très pertinente websérie Beatmakers : nouveaux compositeurs produite par La fabrique culturelle. Le rappeur Jam (Brown Family, K6A) y présente une habile relecture d’un classique de 50 Cent.

Godfatha Beats recrute les services du très productif Flawless Gretzky sur Liar.

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Après le très expérimental açai paru plus tôt cette année, Jei Bandit se fait plus concis et accessible sur Badmind, EP propulsé par le percutant extrait/vidéoclip IHATEYOU.

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La rappeuse Backxwash y va d’un deuxième EP : Black Sailor Moon, dans lequel elle aborde des thèmes aussi distincts que la religion, l’identité de genre, la sexualité et la sorcellerie.

Le septuor montréalais O.G.B., piloté au micro par Franky Fade, fait évoluer sa signature jazzy rap organique vers une formule plus synthétique sur le mini-album Fruit Jazz.

Allié de longue date du rappeur C.p.f., le producteur Memoniks surprend avec une nouvelle composition aux accents hip-house.

Le trio Planet Giza présente un vidéoclip pour Attention, chanson tirée de son irrésistible EP ZZZ.

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Le Montréalais d’adoption Illa J poursuit ses explorations soul et funk avec brio sur son quatrième album, le chaleureux John Yancey.

GrandHuit, Pro-V et Sqreeb font partie des membres du collectif à géométrie variable Tour de manège qui livrent une composition instrumentale pour cet hommage à la légendaire scène east coast américaine.

Avec Si j’étais, D-Track prépare la sortie de Shahnour, un premier EP en collaboration avec le producteur Nicholas Craven qui paraîtra ce mois-ci.

Toujours très inspiré, Nicholas Craven publie également un nouveau beat, White Bread.

3 shows à voir //

Alaclair Ensemble / Lancement à Montréal | Supplémentaire

Après avoir rempli le Club Soda à guichets fermés la fin de semaine dernière, Alaclair Ensemble s’apprête à répéter l’exploit ce samedi, toujours avec Obia le chef en première partie.

Club Soda (Montréal), 8 décembre (21h)

FRUIT WORLD

Le septuor O.G.B célèbre la sortie de son deuxième projet Fruit Jazz avec un spectacle de lancement.

Ausgang Plaza (Montréal), 6 décembre (20h30)

Grinch FEST 2018

Le tout premier Grinch Fest accueillera notamment Souldia, Koriass, Sans Pression, Jay Scøtt, Gros Big et Doni Na Ma.

Église Sainte-Paule (Saint-Jérôme), 7 et 8 décembre

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