Rap local : D-Track, nouvelle approche
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, revue non-exhaustive des nouveautés de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
D-Track rend hommage à Charles Aznavour sur Shahnour, un EP créé en toute complicité avec le prolifique producteur Nicholas Craven.
Tous deux originaires de l’Outaouais, D-Track et Craven se sont rencontrés à la fin de l’été dernier, lors de la plus récente finale du concours End of the Weak au Belmont. «On avait un ami commun qui me disait souvent d’aller checker ses beats, mais j’attendais de le rencontrer avant. Le soir même, on a vraiment connecté ensemble. Il m’a invité chez lui pour une collab dans son appart et, dès qu’il m’a fait entendre un premier beat, ça a cliqué. C’est là qu’il m’a annoncé qu’il faisait une beat tape avec des samples d’Aznavour. J’ai trouvé ça fou et, straight up, on a décidé de faire un EP ensemble.»
Lui-même producteur, D-Track a tout de suite reconnu la qualité des productions de Craven, un grand mélomane de soul et de jazz qui fait sa marque depuis plusieurs années sur la scène montréalaise avec une esthétique assez dépouillée. «J’aime son approche minimaliste. Simple, mais guidée par une recherche sonore assez complexe. La tendance trap actuelle, c’est de mettre les drums en avant, mais avec lui, c’est totalement le contraire, et ça amène un son nouveau, que des gars comme Marciano et Earl Sweatshirt ont aussi adopté. C’est un style de beats qui m’a inspiré spontanément et qui m’a permis d’essayer des nouveaux trucs.»
L’héritage de Charles Aznavour a ensuite donné au rappeur l’essor souhaité pour l’élaboration de ce tout premier projet collaboratif avec Craven. Secoué par la mort du monument de la chanson française, il a cherché à rendre hommage à «la beauté de sa poésie».
«Je voulais saluer l’artiste et l’être humain qu’il était, car il fait partie de mon folklore familial depuis la génération de ma grand-mère. C’est un vrai poète et, en tant que gars très porté vers les textes, j’aimais le fait qu’il parle avec son cœur et qu’il n’ait pas peur de se mettre dans la peau de personnages.»
C’est d’ailleurs cette facette de l’œuvre d’Aznavour qui a influencé le rappeur pour le texte de AA, portrait habilement imagé d’un alcoolique devenu sobre qui rechute. «J’ai eu l’idée de cette chanson en réécoutant Non, je n’ai rien oublié, une chanson dans laquelle il parle d’une femme qu’il recroise et pour qui il a déjà eu un coup de foudre. J’ai décidé de flipper ça pour un alcoolique qui retombe en amour avec la bouteille.»
Sur Nasty Naznavour, D-Track multiplie encore plus les références au chansonnier. «J’viens du temps où Nas chantait New York State of Mind / Je vous parle d’un temps qu’les millenials pourront jamais connaître», rappe-t-il dans un habile clin d’oeil à La bohème. «Toute la chanson est composée de paroles rapiécées d’Aznavour que j’ai flippées. C’est un collage qui illustre à la fois mon amour de la chanson et du hip-hop.»
Même intention artistique derrière le texte de Héritage, testament teinté d’espoir dont l’inspiration provient d’un extrait audio dans lequel Aznavour reconnaît l’importance des slameurs et des rappeurs dans la chanson française d’aujourd’hui. «Contrairement à bien d’autres grands de la chanson d’ici, Aznavour avait un respect intergénérationnel. Il donnait de la crédibilité au rap.»
Au-delà de ses propos et de sa musique, D-Track a un grand respect pour le parcours de Charles Aznavour, chanteur qui a percé tardivement, à la fin de sa trentaine, après avoir été rejeté par une industrie réfractaire à la nouveauté. «Son cheminement me parle indirectement. Les gens ont été dur avec lui : on le critique pour son timbre de voix, sa grandeur, son allure… Et, finalement, il est devenu un vrai monument de la chanson. On peut dire qu’il a payé ses dues.»
La sortie de ce mini-album met un terme à une année chargée pour le rappeur. En plus d’avoir écrit et composé un cinquième album solo, Dieu est un Yankee, qui paraîtra en mars prochain, D-Track a également donné plusieurs spectacles aux côtés de son alter-ego Sam Faye, dont plusieurs en Chine dans le cadre de l’évènement Mars en folie organisé par l’Alliance française de Pékin. «C’est une tournée de trois semaines en Chine avec des groupes belges, suisses et français. C’était complètement fou! En plus, on a fait salle comble à plusieurs endroits, ce à quoi je m’attendais pas du tout. En fait, c’est une tournée qui existe depuis tellement d’années qu’elle a un public de francophiles déjà conquis d’avance. En revenant de là, j’ai réalisé que, contrairement à ce qu’on me disait quand j’ai commencé le rap en Outaouais, on n’a pas besoin de chanter en anglais pour s’exporter. La musique, c’est un langage universel.»
Nouveautés d’envergure //
Dead Obies surprend avec un deuxième extrait abrasif en vue de son troisième album DEAD., attendu l’an prochain.
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Pour son remix de Nervous, la Brown Family appelle en renfort l’équipe de 7ieme Ciel: Dramatik, Obia le chef, Robert Nelson, Koriass et, surtout, Anodajay, grand manitou du label qui reprend le micro après plusieurs années de silence.
Rymz présente un autre clip en soutien à son album Mille soleils, paru il y a un an.
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DeusGod livre l’une de ses meilleures chansons de l’année, Murkin The Set.
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Fort de ses deux EPs parus cette année, Vendou termine l’année en beauté avec 1 Time, premier extrait de Trèdou, son album prévu pour le 30 août prochain.
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Le Montréalais Q-PiiiD se dévoile avec un premier clip sur cette production trap orchestrale de MOUNT3ALL.
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Fondateur de Multiply MTL, DJ Asma présente un onzième mix mettant en vedette la crème du rap des dernières semaines, notamment des chansons d’Obia le chef et Rowjay, Alaclair Ensemble, Kevin Na$h et Mike Shabb.
Un troisième extrait de la prochaine mixtape du duo rap créole Jack et Kastro, Jaspora 2.0.
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Les Montréalais Blicky et Loss One profitent de la présence toujours très remarquée du talentueux Speng Squire sur Other Side.
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L’intraitable MTLord s’allie à Intellectual sur Grind & Hustle.
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La révélation LeMind se joint à Baggies sur W.B.N.
CrazyLo et Richman sont à leur meilleure sur cette production rap sombre east coast de Jvibz.
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Le duo Quidam X DJ Hab propose un deuxième projet en carrière, le désinvolte Bleu néon.
Signé sous Uglypitch Records, Sqreeb présente un premier album instrumental composé à partir d’échantillons trouvés lors de ses voyages en Europe.
Vincent Pryce lance slowd jamz, une collection de cinq titres expérimentaux et très lents.
Le beatmaker montréalais ROOM publie ses troisième et quatrième EPs en carrière : le collage ambient Lachtown Divider et le jazzy rap Coconut Vodka.
L’autoproclamé maitre du hardcore funk, Le Reptile Rampant, revient avec un nouveau projet : Mighty Funk Freakaz, duo qu’il mène avec Lyrikilla de Shadow Hunters.
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Le mystérieux DJ-Eff Guerin s’amuse à échantillonner Richard Martineau, rebaptisé Ri$chard, sur cette chanson aussi insolite que les propos qu’elle véhicule.
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3 shows à voir //
Plusieurs figures de proue de la scène rap de la métropole se réunissent ce vendredi, notamment High Klassified, Rowjay et Lou Phelps.
Le Belmont (Montréal), 14 décembre (22h)
Sans Pression viendra présenter les chansons de son plus récent album French AmeriKKKa.
Sterling (Joliette), 14 décembre (21h)
Dernier festival musical d’importance de l’année, Noël dans le parc offre une programmation de calibre ce vendredi avec Ragers, Lou Phelps, FouKi et Alaclair Ensemble.
Jardins Gamelin (Montréal), 14 décembre (18h30)
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