Rap local : L’Amalgame, musique concrète
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Près de deux ans après son EP Cordalinge, le quintette L’Amalgame nous amène Aux frontières du concret, un troisième album à la facture trap revigorée.
VOIR : Pour cet album, vous êtes retournés vous enfermer dans un chalet pendant quelques jours. Comment cette méthode de création influe-t-elle votre musique?
Vendou : En fait, ça a été enregistré dans trois chalets différents ou, plus précisément, dans trois Airbnb qu’on a emménagés en studio. Chaque fois, ça nous permettait de concentrer toutes nos énergies sur la musique. Pis bon, évidemment, vu qu’on est une gang de chums, les chalets créent des insides, des références communes comme celle du gatorade bleu, auquel on a dédié une chanson. À notre sens, le gatorade bleu, c’est à la fois l’antidote aux lendemains de veille et la boisson sportive pour faire le spectacle. Ça a déclassé la codéine comme boisson par excellence du rappeur en 2019. C’est un peu le genre de délire qu’on aime pousser sur nos chansons.
D’ailleurs, le titre de l’album, Aux frontières du concret, est un autre bon exemple de ce genre de «délire»…
Vendou : C’est d’abord une référence à l’émission Aux frontières du réel. Ensuite, le concret a beaucoup de significations, mais c’est surtout à prendre dans sa signification anglaise (le «concrete») qui veut dire béton. On a là un projet qui sonne comme une tonne de briques, et le titre est un statement qui, en gros, veut dire que cet album-là ne sonne comme personne d’autre au Québec.
[youtube]dLf0vX7kvws[/youtube]
Grâce à l’apport de Bnjmn.Lloyd (de LaF), Kodakludo, QuietMike, Catboot et Rousseau, l’habillage musical de l’album est beaucoup plus trap que vos précédentes parutions. Qu’est-ce qui a motivé ce changement?
Vendou : Il y a plusieurs dénominateurs communs, mais je dirais que la musique qu’on écoute change perpétuellement et qu’à ce moment-là, le trap, c’était ce qu’on avait en commun. Peu à peu, on commence à avoir un sens aiguisé pour distinguer le bon trap du trap générique. Ensuite, le défi, c’était de garder la folie de L’Amalgame et de l’amalgamer à notre direction musicale. Mais au-delà de ça, la recette a pas changé, tout pousse encore sur le balcon. On connait juste mieux nos ingrédients et on a une meilleure connaissance du temps de cuisson.
Catboot et toi, vous avez fait paraître des projets solos dans les derniers mois. Est-ce que cette parenthèse a eu un impact sur le retour de L’Amalgame?
Vendou : Pour ma part, oui. Mon aventure en solo m’a donné plus de liberté, et je sens que ma voix est maintenant plus uniforme sur toutes les tracks que je fais. En quelque sorte, j’ai trouvé mon identité et je ne crois pas me tromper en disant que c’est également le cas pour Catboot, qui a perfectionné son personnage de roi déchu. Même s’ils n’ont rien fait en solo jusqu’à maintenant, les autres gars aussi ont trouvé leur singularité grâce au le recul relié à l’espacement entre les deux projets. Gary Légaré est arrivé avec des textes affûtés comme jamais, tandis que John Ouain assume plus que jamais ses influences rap françaises, en se servant davantage des ad libs. Auparavant, on a souvent reçu le commentaire que nos timbres de voix étaient semblables, mais là, je pense que, tout en gardant notre unité et notre drive commune, on s’est individuellement trouvés.
Maintenant que vous avez dépassé les «frontières du concret», qu’est-ce qui s’en vient de votre côté?
Vendou : On the real, on les a pas dépassées encore. On est vraiment sur la frontière! (rires) On a un show de lancement qui s’en vient à Montréal. Comme d’habitude, on va être les quatre rappeurs avec notre DJ Resize, mais il va y avoir une direction artistique un peu plus poussée. Ça va probablement finir en gros party de La Fourmilière [NDLR : collectif dont ils font partie avec LaF, FouKi et Kirouac]. Ensuite, on va à Québec pour un lancement avec Biliwald, puis on se lance dans une mini-tournée pour aller présenter l’album, notamment à Rimouski, Trois-Rivières et Sherbrooke. C’est notre tournée la plus ambitieuse à ce jour.
Lancement à Montréal
Le 19 avril à 21h
Le Ministère
Lancement à Québec
Le 27 avril à 21h
Le Pantoum
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La nouvelle de la semaine //
Osheaga a levé le voile sur sa programmation 2019 et, malheureusement, le rap y fait piètre figure. On applaudit toutefois la présence de deux artistes de la scène locale : notre producteur étoile Kaytranada et la révélation Naya Ali. Autrement, cette dernière semaine a surtout été marquée par l’exploit peu banal de Loud, qui a annoncé une supplémentaire (le 1er juin) à son concert déjà sold-out du 31 mai prochain au Centre Bell. Au passage, le rappeur montréalais a annoncé la sortie d’un deuxième album, Tout ça pour ça, le 24 mai prochain. Il vise encore dans le mille avec Médailles, un premier extrait qui, à défaut d’être très original, contient un puissant ver d’oreille.
[youtube]VNc83vgEesc[/youtube]
Le projet de la semaine //
Bien que les plus récents projets d’Enima, de DO, The Outcast et de L’Amalgame soient des réussites manifestes, c’est celui d’Eman qui rafle les honneurs cette semaine avec le réconfortant Maison. Entièrement écrit et composé par lui-même (avec le soutien de son acolyte de longue date Claude Bégin au mixage et aux arrangements), ce mini-album mise sur des textes intègres et des productions épurées, beaucoup moins expérimentales et imprévisibles que celle de son collègue Vlooper.
La chanson de la semaine //
Chapeau bas à Loud pour Médailles ainsi qu’à DJ Phak et Skywakka pour [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=uipP6n17k-8&feature=share&fbclid=IwAR0TU_Qzl7By9CyQeVh744ycVCTMUUpEYdR2WVvZQjmxkf8PyUM7DXdtBgk »]Choose Life Part I[/youtube], mais cette semaine, c’est Miracles qui sort du lot. Fruit d’une collaboration entre Glyda (du groupe La Collection), Jay Scøtt et Franky Fade (du collectif O.G.B), la chanson est un sommet en termes de trap mélancolique.
[youtube]TQcwM2W1Qrc[/youtube]
L’instru de la semaine //
Le producteur Philippe Edwards alias Old Disciple lance 山寨 (ShanZhaï), une troisième beat tape à l’esthétique lo-fi et au funk omnipotent. Impossible de choisir une seule pièce, l’ensemble vaut le détour.
Le clip de la semaine //
Mentions bien spéciales à [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=xAGMf-QXngo »]Chacun son récit[/youtube] de White-B et, encore une fois, à Médailles de Loud, mais la récente mise en images de Booth, brûlot trap de Jei Bandit, FouKi et Kevin Na$h, est notre coup de cœur de la semaine. Réalisé par BLNK et la boîte montréalaise Touche moi pas, le clip est un délire psychédélique haut en couleur.
[youtube]DNNfZO_hUZM[/youtube]
Les spectacles à voir //
Sans Pression x 01Étranjj x Franglais Street Slang
Deux pionniers du rap franglais québécois, Sans Pression et 1Étranjj, s’unissent.
Rafaelle Bar Salon (Montréal), 4 avril (21h)
Beat Circus, Brakhage, Kee Avil
Le collectif hip-hop expérimental Brakhage est en première partie d’un concert mettant en vedette l’artiste électro-folk lo-fi Kee Avil et le groupe folk rock de Boston Beat Circus.
L’Esco (Montréal), 7 avril (20h)
Une matinée de beats vous attend au 180g avec Pro-V, Musoni et Senz Beats.
180g (Montréal), 6 avril (9h)