Rap local : Ghostnaut, voyager pour s’inspirer
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Globe-trotteur maintenant bien installé à Montréal, le pianiste et producteur d’origine française Ghostnaut tapisse son hip-hop de soul, de funk et de jazz avec finesse. Il sera entouré par plusieurs talentueux musiciens la semaine prochaine au Ritz P.D.B.
Tu as sorti quatre projets en autant d’années, mais tu es actif depuis beaucoup plus longtemps sur la scène montréalaise. Parle-nous un peu de ton parcours.
J’ai commencé le piano à l’âge de six ans et, à l’adolescence, je me suis initié a la musique assistée par ordinateur. Tranquillement, c’est ça qui m’a rapproché du beatmaking. Durant mes études en audio en Angleterre, j’ai joint un groupe de reggae, Makating, et j’ai été claviériste pour eux pendant six mois. J’ai fréquenté des beaux studios, j’ai rencontré plein de gens… Ça m’a amené à réfléchir sur mon futur musical, sur mes orientations. Au départ, j’hésitais entre le hip-hop et le trip-hop, je me cherchais un peu, et finalement j’ai choisi le hip-hop avec des accents jazz, très porté sur mon jeu de clavier. Je suis maintenant à Montréal depuis plus de 10 ans et je travaille comme ingénieur de son pour Ubisoft.
Tes chansons mettent de l’avant plusieurs rappeurs, producteurs et multi-instrumentistes de partout dans le monde. Ton inspiration passe-t-elle essentiellement par la collaboration?
Je dirais qu’elle passe par les voyages et les rencontres, car j’aime beaucoup enrichir mes sons avec des ambiances d’ailleurs. Sincèrement, je serais capable de faire un album instrumental tout seul, mais ça me ferait chier! J’ai besoin d’échanger constamment.
Ton plus récent projet, From Montreal to Welly, a été composé et enregistré en Nouvelle-Zélande sur une période de plusieurs mois avec l’ensemble hip-hop jazz Raw Collective. Quelle était l’idée derrière cet album?
Je suis allé en Nouvelle-Zélande pour le travail et, sur place, j’ai renoué avec Raw Collective, avec qui j’avais déjà collaboré en 2016 sur mon deuxième projet Lips Move. Ils n’avaient pas de claviériste, donc je les ai suivis en tournée tout l’été, en janvier et février 2018. À notre retour, il me restait six mois avant de revenir au Québec. J’ai donc fait part au leader de la formation Raw Deezy que le temps pressait si on voulait enregistrer un album ensemble. J’avais déjà plusieurs beats, et on a mis les bouchées doubles pour l’enregistrement des cuivres, de la guitare et de tout le reste. Ensuite, j’ai convaincu des rappeurs un peu plus connus à collaborer aux chansons, notamment Kid Abstrakt, J. Medeiros et Raashan Ahmad.
Avec des projets aussi éclectiques et ouverts sur le monde, as-tu parfois l’impression d’être à contre-courant de ce qui se fait sur la scène locale?
Ouais, quand même. Je crois que tout ça est en lien avec mes influences, qui datent d’une autre génération. J’ai grandi avec des trucs jazzés comme A Tribe Called Quest et, ensuite, sur Soulquarians et toute la vague neo-soul aux drums claquants. Mais dernièrement, j’ai touché au trap avec Rooster, producteur et DJ de Giorgio. Ça a donné Disorder, une pièce que je qualifierais plus précisément de smooth trap. En allant régulièrement aux Loop Sessions, je connecte aussi avec de plus jeunes beatmakers qui n’ont pas le même style que moi.
À quoi ressemblera ton prochain spectacle?
Il y aura pas mal de rotations. On va commencer par un DJ set de Flo Nidal pour donner la vibe. Ensuite, je laisse la place à deux gars que j’ai rencontrés aux Loop Sessions, Inscience et Monaki, pour des sets de beatmaking. On passe à moi aux claviers avec Rémi Cormier (de Urban Science) à la trompette, accompagnés par deux rappeurs, Dante Maxwell de la Colombie-Britannique et La Makizar de Paris. Je suis aussi très heureux d’avoir à mes côtés L’Indécis, beatmaker de Grenoble qui a des millions de followers. Il fait dans un genre de hip-hop bien chill et relax. Enfin, il y aura aussi un petit interlude de beatbox avec Larsen & Ricolard.
Ghostnaut & Friends – Bar Le Ritz PDB (Montréal), 31 mai (19h30)
La nouvelle de la semaine //
Même si les sagas judiciaires l’entourant sont maintenant derrière lui, Enima a fait couler beaucoup d’encre depuis dimanche. Ce jour-là, il était de passage au festival Metro Metro et a eu la visite sur scène de Ludivine Redding, actrice de la populaire télésérie Fugueuse, qui s’ancrait dans le milieu de la prostitution. Les images relatant cette rencontre pour le moins surprenante (rappelons qu’Enima a déjà été accusé de voies de fait et de proxénétisme par le passé, mais que les accusations ont été retirées depuis) enflamment maintenant le toile. Ce lundi, Redding a donc jugé bon s’excuser par l’entremise d’une story Instagram. Une «leçon de vie», comme elle le dit elle-même…
[youtube]Y3r4DwOPEws[/youtube]
Le projet de la semaine //
Dramatik, l’un des pionniers les plus talentueux et pertinents du rap québécois, conclut admirablement une trilogie avec Le phénix, il était plusieurs fois, un album de renaissance sur lequel il raconte les ghettos, les centres jeunesse, les révoltes et les espoirs d’une société aux inégalités manifestes. Si quelques collaborations versent parfois dans le kitsch ou le convenu, la majorité de ce troisième album apparaît comme une bonne leçon de rap.
Mention à Blacklist de White-B, un deuxième projet solo plus accessible et homogène que son prédécesseur Confession risquée.
La chanson de la semaine //
Pour souligner la sortie de la version européenne de son plus récent album, l’intense et très franc Mille soleils, Rymz invite Karim Ouellet sur Marchand de sable, chanson lumineuse structurée avec originalité.
[youtube]rmC-FVB3R7o[/youtube]
Au passage, coup de chapeau à Jo Compadre (alias J.O The Corrupted) qui signe un retour prometteur avec My Entity.
[youtube]fNlS9MOH-VE[/youtube]
L’instru de la semaine //
Le producteur montréalais Lowpocus mélange funk et phonk sur Grippin Wood.
Le clip de la semaine //
Un ex æquo cette semaine : [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=rmC-FVB3R7o »]Marchand de sable[/youtube] de 16Pads (pour Rymz et Karim Ouellet) et Cheetah de Xavier Cantin-Lemieux (pour Ragers). À l’image de la pièce pour le moins frénétique du quatuor, ce dernier clip frappe par son côté à la fois incisif et juvénile.
[youtube]YKQPTtemLGg[/youtube]
Les spectacles à voir //
Le duo Eman & Vlooper donnera le coup d’envoi aux spectacles d’Aire commune.
Le 24 mai à 17h
Aire commune (Montréal)
Souldia sera accompagné par JTReal, LeMind et Plante Carnivore pour le premier show de la série de spectacles estivaux SAiNTRAPEZ. En espérant que le sol du Local 41, malmené lors de Santa Teresa le week-end dernier, tienne le coup.
Le 24 mai à 21h
Local 41 (Sainte-Thérèse)
Le festival de danse urbaine Jack of All Trades (JOAT) s’unit aux événements légendaires Artbeat MTL pour une soirée de beatmaking devant public, qui regroupera notamment DJ Manifest, Lowpocus, Shash’U et The Kount.
Le 24 mai à 22h
Ausgang Plaza (Montréal)
Alaclair Ensemble est de retour dans sa ville d’origine pour un spectacle avec LaF, ses collègues de Disques 7ieme Ciel.
Le 25 mai à 21h
Le D’Auteuil (Québec)
L’Amalgame organise un show pour financer la production de son prochain clip. Kirouac & Kodakludo et La Fourmilière seront notamment de la partie.
Le 28 mai à 20h
Ausgang Plaza (Montréal)
[youtube]dLf0vX7kvws[/youtube]