Rap local : Vaï, repartir à zéro
Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.
Entrevue //
Absent du radar depuis plus d’une décennie, le rappeur et producteur montréalais Vaï revient avec Couleurs, un troisième album aux textes assez sombres.
Onze ans séparent ce troisième album de Ma raison. Qu’est-ce qui explique une si longue pause?
En fait, après la tournée de promotion pour Ma Raison en France, je devais livrer un autre album back to back. En revenant à Montréal, j’ai essayé de me poser pour écrire de nouvelles chansons, mais pour des raisons que j’ignore, je n’étais pas aussi inspiré que d’habitude. Je préférais attendre que ça me vienne naturellement, donc j’ai choisi de prendre une petite pause. Et en fin de compte, cette petite pause s’est transformée en longue pause. J’ai découvert beaucoup de choses sur moi au niveau spirituel, je me suis marié, j’ai eu un enfant, j’ai ouvert un restaurant (Vaï Burger)… Peu à peu, mon monde changeait, mes priorités aussi. Puis, l’an dernier, je voyais mon fils grandir et j’ai eu cette flamme qui m’est revenue d’un coup. Je me suis senti inspiré et j’ai eu envie d’écrire sur le cheminement que j’ai vécu dans les 10 dernières années.
Et comment as-tu abordé cette soudaine vague d’inspiration? J’ai l’impression que, malgré ce que le nom de l’album laisse sous-entendre (Couleurs), les textes demeurent assez sombres…
C’est vrai. J’ai eu énormément de questions existentielles durant cette période. Et je crois que c’est un passage obligé dans la vie de tout le monde. Sur la pièce-titre, je parle des différentes étapes de la vie, en les comparant à des couleurs. Au final, je remarque qu’il y a beaucoup de gris, de paroles sombres. Mais c’est l’état d’esprit dans lequel j’étais. Toutes les choses ne sont pas nécessairement roses.
[youtube]JmfeWp_ZUTw[/youtube]
Sur Leila, tu vas même jusqu’à dire : «Il fait si noir dehors / Ça n’en vaut pas la peine» Te considères-tu comme une personne fataliste?
C’était effectivement l’état dans lequel j’étais à ce moment, mais malgré tout, il y a toujours des touches d’espoir ici et là. Au niveau personnel, j’ai vécu des déceptions, des trahisons, donc j’ai dû me replonger dans ces épisodes pour pouvoir écrire l’album. Par rapport à cette chanson plus précisément, j’ai voulu mélanger l’histoire de Bonnie & Clyde, qui m’a beaucoup touchée, à la mienne. Et le titre Leila veut dire «la nuit» en français, donc c’est certain que ça donne une pièce un peu plus dark.
Au niveau de la production, toutefois, tu te permets une trame un peu plus lumineuse. Qu’est-ce qui t’a inspiré?
J’aime beaucoup tout ce qui est musique latine, tout ce qui inclut de la guitare sèche. J’ai toujours été comme ça, mais je ne l’avais jamais mis autant de l’avant que maintenant. Peut-être que j’étais gêné, car auparavant, le hip-hop avait des codes un peu plus stricts. Fallait jamais trop tomber dans le mélodieux. Mais cette fois, j’avais envie de composer et d’assumer mes influences de chanson française, de R&B, de jazz, de musique latine et cubaine.
Depuis une décennie, la scène hip-hop québécoise a énormément changé. Est-ce que tu te sens un peu déboussolé?
Je n’ai jamais rien pris pour acquis et encore moins cette fois. En 10 ans, je n’ai jamais vraiment été détaché de la musique non plus. J’ai écouté tout ce qu’il se faisait, j’ai suivi cette nouvelle vibe, cette nouvelle génération. Les gens de mon âge trouvent souvent que le rap, c’était mieux avant, mais moi je ne suis pas de ce monde-là. Au contraire, je trouve que la musique évolue bien sur certains aspects, notamment en ce qui a trait à l’utilisation de l’Auto-Tune. Je trouve que ça amène une touche mélodieuse intéressante, beaucoup plus accrocheuse. Ensuite, je remarque qu’il y a beaucoup moins de textes qu’avant dans le rap et, sincèrement, je trouve que ça amène des punch lines plus efficaces. Il n’y a plus de remplissages de couplets. Tout est plus concis, précis. Ce que j’essaie de faire, c’est donc de mélanger les générations. Sur cet album, je me suis vraiment abandonné. En reprenant la musique après tant d’années, je devais pouvoir m’amuser et faire ce que j’avais envie de faire.
La nouvelle de la semaine //
Après avoir annoncé la venue de certains des artistes les plus en vue du hip-hop québécois (notamment Tizzo, FouKi, Koriass, LaF et White-B), le tout nouveau festival/lab numérique LVL UP a dévoilé une grosse tête d’affiche : Ms Lauryn Hill, qui sera de passage à la Place Bell le 21 septembre. De plus, l’événement lavallois a aussi annoncé quelques spectacles gratuits qui auront lieu aux alentours de l’amphithéâtre, dans un tout nouvel espace urbain aménagé spécialement pour l’occasion. On pourra notamment y voir Rymz, High Klassified et le duo RapMommies. Cette première édition aura lieu du 19 au 22 septembre.
[youtube]rmC-FVB3R7o[/youtube]
Le projet de la semaine //
L’autoproclamé maître du hardcore funk Reptile Rampant regroupe quelques-unes de ses meilleures compositions en carrière sur Unexpected Joints, une beat tape instrumentale à la facture old school épurée et frappante.
[youtube]eoz8MIMDdjo[/youtube]
La chanson de la semaine //
La productrice électronique montréalaise Ryan Playground sort de sa zone de confort et propose une relecture folk mélancolique de la chanson Good Thing du duo hip-hop/R&B Heartstreets. L’un des très beaux remix de l’année jusqu’à maintenant.
Mention à l’efficace incursion dancehall Zoo de DawaMafia et à l’importante collaboration Un jour de Taktika et Imposs, qui livre un prodigieux couplet.
[youtube]BC0_tqBWW-o[/youtube]
[youtube]sZjp22fw68M[/youtube]
L’instru de la semaine //
Originaire de Québec, le beatmaker Sachem impressionne sur l’haletante New Era, éminente pièce de son nouveau projet instrumental Wakko Vol. 3.
Le clip de la semaine //
Le réalisateur Laurent E. Malo entre dans l’intimité du studio maison de Ryan Playground et Heartstreets dans ce clip lo-fi sans prétention.
[youtube]FVlX1AmI1-A[/youtube]
Les spectacles à voir //
SP et TiKid à Terrebonne 20 Juillet 20ans 514-50 Dans mon réseau
Le duo Sans Pression poursuit sa tournée visant à célébrer les 20 ans de son premier album phare.
Le 20 juillet (20h45)
Transit Bistro-Bar (Terrebonne)
Mentalité Moune Morne édition 20e anniversaire – Lancement
Le trio Muzion revient sur une scène pour une prestation en lien avec la réédition de son album Mentalité Moune Morne… (Ils n’ont pas compris) paru en juin 1999.
Le 25 juillet à 17h30
Ausgang Plaza (Montréal)
Consultez cet événement dans notre calendrier
10e édition du Festif! de Baie-St-Paul
La programmation hip-hop du Festif! est très intéressante cette année avec Naya Ali, FouKi, Dead Obies, Heartstreets, Robert Nelson et Zach Zoya.
Du 18 au 22 juillet
Plusieurs endroits à Baie-Saint-Paul
Consultez la programmation complète de ce festival dans notre calendrier
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