Rap local : Taktika, prise de conscience
Musique

Rap local : Taktika, prise de conscience

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Tout juste sorti d’une longue série de spectacles visant à célébrer son 20e anniversaire de carrière, le duo Taktika propose Tant que j’respire, un sixième album de matériel original et un septième en carrière. Entrevue avec T-Mo.

Encore plus que sur Résilient, on sent dans Tant que j’respire une urgence de dire, de dénoncer, de pointer du doigt les maux de la société. Considérez-vous cet album comme votre plus engagé?

Ouais, mais d’une manière plus positive que sur Résilient. La résilience, c’était l’idée de raconter les points négatifs pour finalement voir les points positifs, tandis que là, Tant que j’respire, c’est de se poser la question sur pourquoi on continue de se battre. Je le vois de manière plus lumineuse dans ce qu’on aborde, que ce soit l’amitié, la famille, la justice ou la conscience sociale. Tout ça part du fait qu’on approche de la fin de la trentaine et qu’on se demande l’héritage qu’on va laisser à la game. Après sept albums, on en a dit des choses et, contre toutes attentes, on est encore là et on réussit à tirer notre épingle du jeu.

En ouverture, sur Il ne restera que des cendres, vous évoquez «le chant des guerriers, des laissés-pour-compte». Quel message cherchez-vous à leur transmettre?

Quand on regarde ce qui a fait le succès de Taktika à travers le temps, on voit que c’est notre capacité à raconter des choses dont les autres rappeurs parlent pas, que ce soit de maladie, de toxicomanie ou de prévention du suicide. De ce fait, les gens nous voient pas seulement comme des artistes, mais parfois aussi comme des modèles, des confidents. Beaucoup viennent nous voir backstage pour nous raconter leur vie, nous dire qu’on les a aidés à traverser une mauvaise passe. Même que, dernièrement, il y en a un à La Baie qui est venu nous voir  pour nous dire qu’il avait perdu sa femme et ses enfants, et qu’il était tombé dans la dope. Il venait nous demander des conseils pour s’en sortir… Le chant des guerriers, c’est ça. C’est cette idée de pas abandonner, de se battre et de continuer. Et les laissés-pour-compte, c’est ceux qui souffrent en silence, souvent isolés des autres. Je pense que le fait que ces gens-là se tournent vers nous pour trouver des solutions, ça en dit long sur notre société. Ça veut dire que l’aide n’est pas facile à  aller chercher. Et, à notre avis, ce message de conscientisation là est trop important pour qu’on arrête de le brandir.

À la toute fin, sur Ma plume saigne, vous dites que vous avez le poids du monde sur les épaules et que vous ne savez pas par où commencer pour changer les choses. Bref, malgré le fait que vous voulez constamment incarner l’espoir d’un monde meilleur, vous avez parfois des épisodes de découragement?

C’est le genre de chanson qu’on écrit quand tout va mal, quand tu t’arrêtes deux secondes pour regarder ce qui se passe autour de toi. Pour vrai, ceux qui ont actuellement un constat positif du monde, j’aimerais ça leur parler! On vit pas sur la même planète… D’une certaine façon, la toune, c’est le [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=gXRqEXd99D4″]Où est-ce qu’on s’en va?[/youtube] 2019, car en fin de compte, on se pose les mêmes questions qu’on se posait il y a 15 ans. Et tout ce qu’on a trouvé pour essayer d’améliorer le climat social, c’est de cracher ce qu’on pense sur le mic. On est peut-être pas des gars de solution, mais on a cette force-là de parler de notre expérience personnelle. Le constat est pas si rose que ça, mais on trouve ça important que les gens réfléchissent à ce qu’ils veulent construire socialement plutôt qu’ils vivent au jour le jour en se crissant des autres.

Il y beaucoup de collaborateurs sur l’album, notamment Souldia, Imposs, Dramatik, Rymz, Sarahmée et la bande du 83. Qu’est-ce qui a motivé vos choix?

Chaque collaborateur a été choisir afin de renforcer le message ou l’univers d’une chanson. Par exemple, on trouvait ça logique d’inviter nos enfants sur Dream Big, car c’est une chanson qui parle de leur génération. Dramatik sur Walking Dead, c’était aussi logique, car la toune rend hommage aux racines du rap. Sur Oublié, on voulait des artistes de partout au Québec qui ont beaucoup de vécu et qui incarnent chacun à leur façon l’espoir d’un jour meilleur.

Vous venez de terminer la tournée de votre 20e anniversaire, qui s‘est finalement échelonnée sur trois ans. Quel bilan en tirez-vous?

C’est drôle de dire que c’est durant cette tournée-là qu’on a fait les plus gros shows de notre vie, que ce soit la scène du Pigeonnier durant le FEQ, la grosse scène des Francos pour le spécial Rapkeb Allstarz ou la scène Ford sur la Place des Arts pour notre gros show. Ça nous donne le message que les gens sont encore là et que, même si le rap est une musique largement écoutée par les jeunes, y’a encore des gens de notre génération qui se déplacent. Ce sera certainement pas les plus motivés à venir nous voir à Saint-Jérôme à deux heures du matin, mais clairement, ils sont au rendez-vous lorsqu’on va dans les festivals. Au-delà de ça, je vois l’accueil du public comme une tape dans le dos. C’est très flatteur. On n’est probablement pas au sommet de notre carrière, mais y’a encore de la place pour Taktika sur la scène rap.

En spectacle le 13 septembre au Café-culturel de la Chasse-galerie (Lavaltrie), le 20 septembre au Lounge Jackalope (Mont-Tremblant) et le 21 septembre au Minotaure (Gatineau).

Calendrier complet de la tournée ici.


La nouvelle de la semaine //

La SOCAN a dévoilé les lauréats de ses prix spéciaux en vue de son gala, qui aura lieu le 22 septembre prochain à la Tohu. Quelques artistes de la scène hip-hop seront ainsi récompensés, à commencer par FouKi et Alaclair Ensemble qui recevront conjointement le Prix musique hip-hop/rap SOCAN. Au fil des des années, cet honneur (autrefois connu comme Prix de musique urbaine) a été remis à Loud, Dead Obies, Loud Lary Ajust et Eman X Vlooper. En plus de souligner le travail du duo de producteurs montréalais Banx & Ranx (dans la catégorie Prix international), le Gala de la SOCAN remettra à Dubmatique un prix Classique de la SOCAN pour sa chanson Soul Pleureur. Ce prix bien spécial est remis aux auteurs et compositeurs d’une chanson parue il y a plus de 20 ans et qui a joué plus de 25 000 fois à la radio.

[youtube]g4fsCfgvthE[/youtube]


Le projet de la semaine //

Toujours aussi créatif, le Montréalais Cotola prouve qu’il maîtrise l’art de la production minimaliste sur Dust 2 Dust, un EP créé en collaboration avec M.A.V., rappeur de Rochester au flow lent et précis qui a des affinités avec celui de Roc Marciano.

Mention aussi à Tant que j’respire de Taktika, probablement son album le plus réfléchi et le plus mûri en carrière.


La chanson de la semaine //

Avec Avalanche, LaF montre que la chimie entre ses trois emcees (Jah Maaz, Mantisse, Bkay) est plus forte que jamais. Bonifiée par la guitare de Clément Langlois-Légaré (alias Pops de Clay and Friends), la production de Bnjmn.lloyd et BLVDR brille par sa facture épurée et organique.


L’instru de la semaine //

Actif depuis l’an dernier, le beatmaker rouyn-norandien Mr. Santé présente un collage lo-fi délié et réussi.


Le clip de la semaine //

Philippe Chagnon signe une réalisation contemplative pour Avalanche de LaF. En ressort un clip original aux images soignées et méditatives.

[youtube]_W04mZefVIo[/youtube]

Mention aussi au beau travail de Samuel Beaulieu-Champagne sur Piscine de Jay Sea.

[youtube]636F4SpgK3E[/youtube]


Les spectacles à voir //

Spectacle de la rentrée 2019

Présenté sur le campus de l’Université de Montréal, le spectacle de la rentrée de la FAÉCUM fait une bonne place au rap québécois cette année. Le duo Kirouac & Kodakludo et le sextuor LaF ouvriront cette soirée, qui culminera avec Lydia Képinski et un invité mystère, dévoilé jeudi matin.

Place Laurentienne (Montréal), 12 septembre (18h)

4531 Tour

Deux jours après le spectacle de la FAÉCUM, Kirouac & Kodakludo seront à Saint-Hyacinthe pour un programme double aux côtés de Vendou.

Le Zaricot (Saint-Hyacinthe), 14 septembre (21h)

▲⁂▲Catboot & Vincent Biliwald // Lancement Double▲⁂▲

Catboot présentera les chansons du Roi Catherine : 2e du nom, son nouvel EP aux teintes hip-house, tandis que Vincent Biliwald nous offrira l’envoûtant mélange de rap et de R&B de son album Frugal, paru le mois dernier.

Quai des brumes (Montréal), 12 septembre (20h)