Rap local : Maybe Watson, mélancolie ambivalente
Musique

Rap local : Maybe Watson, mélancolie ambivalente

Chaque semaine, cette chronique met en lumière l’oeuvre des rappeurs et des producteurs québécois les plus intéressants du moment. Au programme : entrevue, bons coups de la semaine et aperçu des prochains spectacles à voir.

Entrevue //

Avec Enter The Dance, Maybe Watson s’ouvre sur certains épisodes de sa vie sentimentale, sans laisser de côté son humour absurde.

D’abord, la question qui s’impose : pourquoi avoir attendu huit ans pour sortir un deuxième projet solo? Qu’est-ce qui t’a motivé à le faire?

Ça faisait un bout que je ressentais le besoin de faire un disque, mais ça m’a pris du temps à comprendre ce que je voulais faire. Ça a mijoté longtemps dans ma tête. Mais, à un certain moment, fallait que j’arrête d’attendre et que je le fasse. Aussi, j’avais envie de participer à l’arsenal incroyable de projets solos qui sortent cette année. Du côté d’Alaclair Ensemble, y’a déjà Eman, KNLO et Robert Nelson qui ont sorti quelque chose.

Bref, ce sont un peu tes collègues qui t’ont motivé?

Pas nécessairement. J’avais déjà entamé l’album avant que les gars commencent le leur, mais bizarrement, c’est le mien qui est sorti en dernier. Ça a été long… J’ai eu certaines «gossettes».

Des «gossettes»?

C’est le nom de notre compagnie de pub, Gossette! (rires) Non, mais ce que je veux dire, c’est que ça a gossé pour des trucs hors de mon contrôle, des trucs plates qui ont repoussé le projet d’un an. Aussi, j’ai eu une année difficile au plan personnel et, heureusement, d’avoir cet album-là à faire, ça m’a changé les idées. Quand ça va pas bien, c’est important de penser à autre chose. 

En effet, on sent que tu en as gros sur le cœur. Je pense tout particulièrement à la chanson d’intro Ta team

Cette première chanson là, elle est particulière. C’est une chanson d’ambivalence par rapport à la vie, à ce qui va se passer dans l’avenir. C’est très mélancolique, très personnel. Je trouvais ça bon de commencer avec ça, car faut le dire, le Maybe Watson jojo est pas vraiment là sur l’album. Y’a pas de chanson d’amour comme [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=omuFv005vfY »]Suzanne[/youtube], par exemple. J’étais pas dans le new relationship energy, contrairement à mon premier album, qui parlait pas mal de ma copine de l’époque. J’étais fou amoureux d’elle et je voulais lui écrire des chansons. Mais là, c’était pas ça. C’est pas l’antithèse non plus. Je suis entre l’amour et la détresse.

On t’a rarement senti aussi vulnérable en fait. Tu nous confies notamment que si t’es pas en couple, ta vie part en couille…

Ouais, j’ai découvert ça récemment. J’ai un problème de co-dépendance. Quand je suis pas en couple, j’essaie de transférer cette dépendance-là à quelqu’un d’autre et j’ai comme l’impression que je peux pas accomplir mon existence. C’est probablement le modèle de la société qui me met cette pression-là. Genre, j’me demande : «Est-ce que je suis en train de rater ma vie?» Le défi de la nouvelle année, c’est vraiment d’arrêter de remplacer un malheur par un autre bonheur qui peut lui aussi s’en aller. Je dois apprendre à me retrouver seul.

Ce que j’ai trouvé intéressant dans l’album aussi, c’est que, dès que tu tombes un peu trop profond dans tes états d’âme, tu rattrapes le tout avec une ligne plus humoristique. Est-ce que l’humour est ton bouclier?

Ouais, vraiment, car je voulais pas tomber dans le stéréotype de l’album de breakup. En fait, sais-tu quoi?, c’est même pas un album que j’ai écrit dans un breakup… Mais, curieusement, il fitte avec la rupture que j’ai vécue après. Comme si je l’avais pressentie! Pour vrai, c’est un album qui va être tough à faire en show. Il est chargé émotionnellement et complexe techniquement.

«Complexe techniquement», comment? En termes de flow? 

Ouais! Pour vrai, il est vraiment ailleurs, c’t’album-là. C’est plus exploratoire. Je pense quand même qu’il va plaire aux gens, car il fitte avec l’ère du temps.

As-tu ressenti une certaine pression à cet égard?

J’étais pas inquiet qu’il allait être aussi bon, sinon meilleur. Je l’aime bien, mon premier album, mais j’étais encore un kid dans mon développement artistique. C’était très embryonnaire, mon affaire. Là, y’a peut-être pas de chanson aussi emblématique que [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=w3PXnlL-d2k »]Les Gentils[/youtube], mais en général, l’album me plait plus. C’est moins du toune par toune, ça s’enchaîne mieux. Y’a des gros jams pour les partys aussi, notamment Pablo Meza avec Joe Rocca. Si tu veux écouter du beat pour viber, c’est cool, mais si t’as aussi envie d’écouter les textes, tu vas être heureux. Y’a de quoi qui se dit. On n’est pas dans l’apologie du seroquel. J’insère un peu de lyricisme dans ce rap jeu.

[youtube]KgOhx-ZAmjI[/youtube]

En tant que jeune vétéran de la scène, on sent effectivement que tu as voulu faire le pont entre la vieille et la nouvelle école. Musicalement, c’est un peu la même chose : on passe de quelque chose de très actuel comme Money Spend Me à quelque chose de très 90s comme Koga’s Trap. Quels rôles avaient Claude Bégin et Fruits dans tout ça?

Claude, c’est le finesseur, le gars qui pimp les tounes, tandis que Fruits, c’est un génie, un ingénieur connecté avec les tendances, la mode rap du moment présent. Il a amené beaucoup de gros vibes, et Claude, lui, a amené les tounes à un autre niveau.

Ils ont travaillé ensemble ou chacun de leur côté?

Ensemble. L’album est presque juste composé de coproductions. Au départ, je voulais que Claude produise tous les beats, mais il était très occupé, et j’avais besoin de quelqu’un pour starter la patente. C’est là que j’ai rencontré Fruits dans un DJ set au Blind Pig. On a connecté, car il collectionne les cartes Pokemon comme moi. Je lui ai demandé de produce mon album, et il a accepté. Ensuite, lorsqu’il a rencontré Claude, y’a eu des flammèches. Ils ont bromancé en tabarnak!

D’ailleurs, les références à Pokemon sont très nombreuses tout au long de l’album. D’où te vient cette passion?

Je connais ça depuis les jeux Gameboy du milieu des années 1990, mais j’étais jamais vraiment entré dans la vague avant 2016. C’est cette année-là que ça a poppé avec le jeu Pokemon Go. C’est très présent dans ma vie, mon univers. Y’a plein de jeux de mots et de comparaisons à faire avec ça et, justement, je trouvais que c’était un terrain original, car encore inexploité dans le rap… Mais, pour être franc, j’en parle surtout, car ça fait tripper mes amis!

Et j’imagine que, tout comme le rap, les Pokemon t’ont aidé à passer à travers tes récents moments difficiles?

Of course! Les Pokemon sont loyaux. Ils seront toujours là pour moi.

Lancement à Québec – L’Anti, 31 octobre (21h)

Lancement à Montréal (durant M pour Montréal) – Club Soda, 23 novembre (22h)


La nouvelle de la semaine //

La 41e édition du Gala de l’ADISQ marquera l’histoire du rap québécois. Pour la première fois de son histoire, le gala mettait de l’avant des artistes clés du mouvement hip-hop (Koriass, Loud, FouKi, Sarahmée et Souldia) en ouverture de cérémonie (à voir ci-dessous). On peut parler d’un événement presque aussi important que ce spectacle d’ouverture maintenant classique des Francos 2016, qui avait réuni Brown, Alaclair Ensemble, Loud Lary Ajust et Dead Obies sur la Place des Festivals. On doit aussi souligner l’importante place que le rap d’ici a prise durant l’ensemble des galas. Disques 7ieme Ciel a mis la main sur les Félix de la maison de disques et de l’entreprise de production de disques de l’année, tandis que Loud a été sacré interprète masculin de l’année (une première pour un rappeur d’ici) et qu’Alaclair Ensemble a raflé les honneurs dans la catégorie très prisée de l’album rap ainsi que dans celle du vidéoclip. Enfin, mention au plus récent album de Koriass, salué pour sa pochette et sa prise de son lors du gala de l’industrie.

[facebook]455860015135641[/facebook]


Le projet de la semaine //

Sans surprise, c’est Maybe Watson qui s’illustre cette semaine avec Enter The Dance, un album aux textes codés et souvent énigmatiques, dont jaillit parfois une certaine profondeur émotionnelle. Présentant certaines de ses chansons les plus intimes en carrière (Ta team, Life Goals), le rappeur montréalais se fait plus vulnérable que jamais en se confiant sur des épisodes amoureux de sa vie, mais s’assure toutefois de garder un ton relativement jovial qui empêche son oeuvre de verser dans le trop-plein de mélancolie. Comme d’habitude, le rappeur repousse les limites du franglais avec un flow aventureux, voire intuitif, et un langage niché qui, à défaut d’être accessible à tous, sera apprécié par certains irréductibles de son oeuvre. À la réalisation, Fruits et Claude Bégin font preuve d’une chimie évidente, embryonnaire et, surtout, très prometteuse.

Mention aussi au Montréalais Willygram et à Pièce de théâtre, un premier EP aux chaleureuses teintes de neo-soul et de funk.


La chanson de la semaine //

Trois chansons très différentes se démarquent.

D’abord, DawaMafia continue sur sa belle lancée avec G-Code, excellente pièce menée par les flows décontractés et posés des deux rappeurs.

[youtube]D5YGz_uah7Y[/youtube]

Ensuite, le duo THe LYONZ envoie la percutante Fall, premier extrait aux lueurs jazzy de la réédition de son projet 2nd U (Part 1), prévu pour le 20 décembre.

[youtube]QuMAkf_8eGc[/youtube]

Enfin, le duo SOMMM, formé d’Ariane Moffatt et D M R S (pseudonyme du multi-instrumentiste Etienne Dupuis-Cloutier), se joint à LaF sur Essence, chanson rap vaporeuse aux influences R&B et électro-pop.


L’instru de la semaine //

Formé de l’Écossais Hudson Mohawke et du Québécois Lunice, le duo TNGHT revient en force avec Dollaz, bombe électro-trap minimaliste à l’esthétique brute et frontale. TNGHT II, deuxième EP du tandem (son premier en sept ans), paraîtra le 12 novembre prochain sous Warp/Lucky Me.

[youtube]XagzSNnr1h0[/youtube]

Mention au producteur montréalais DRTWRK, qui cosigne la musique de cette incroyable/improbable chanson de Kanye West avec Clipse et le saxophoniste Kenny G.


Le clip de la semaine //

Pablo Escobar Tuduri signe un clip hilarant et spectaculaire pour Drumz, collaboration saisissante entre Les Louanges et Maky Lavender.

[youtube]N4a_WGFibc8[/youtube]


Les spectacles à voir //

Mike Shabb & Kevin Na$h à Konek Édition Halloween

Le Konek Festival, événement trifluvien, invite Mike Shabb et Kevin Na$h pour un party d’Halloween.

300 rue Chapleau (Trois-Rivières), 1er novembre (21h)

Prohibition Présente : Les Anticipateurs ★

Les Anticipateurs reviennent à Montréal pour un spectacle présentant notamment les pièces de leur plus récent album Temple de la renommée.

Club Soda (Montréal), 1er novembre (20h)

Robert Nelson, LaF et KNLO

Robert Nelson, LaF et KNLO, trois artistes ayant récemment sorti un album sous Disques 7ieme Ciel, s’allient pour un spectacle à Gatineau.

Minotaure (Gatineau), 2 novembre (20h)

[youtube]kvzHuXA9FSY[/youtube]