Bigflo & Oli : rap engagé moderne
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Bigflo & Oli : rap engagé moderne

Depuis près de quatre ans, le duo rap Bigflo & Oli fait sensation en France. Multipliant les singles et les clips à succès, les deux frères toulousains donnent maintenant un sprint final à leur tournée, avant de se permettre une pause bien méritée. Entrevue avec le cadet Olivio Ordonez. 

Vous êtes actifs depuis 2005, alors que vous n’étiez que des enfants/adolescents, mais vous avez vraiment pris votre envol il y a quatre ans, à la sortie de votre premier album La Cour des grands. En lisant vos entrevues, on a l’impression que tout s’est fait naturellement, logiquement, sans grandes défaites, mais est-ce la réalité? Avez-vous eu des doutes à un certain moment?

Pas vraiment, car on n’a pas laissé la place aux doutes. On a toujours cru dur comme fer à notre potentiel, et on s’est toujours donné les moyens d’atteindre nos objectifs. En effet, on a eu la chance d’avoir un succès progressif, et je crois que c’est la raison qui fait qu’on vit bien avec tout ce qui nous arrive. On peut garder les pieds sur Terre, garder un regard sain. Ça aurait été plus compliqué si on avait vendu des dizaines et des dizaines de milliers de disques dès nos débuts. 

D’ailleurs, tu étais assez jeune en 2015. Tu avais 19 ans, je crois? As-tu eu le vertige quand tout a commencé a marcher très fort?

À l’époque, j’étais tellement pris dans l’action que je n’ai même pas réalisé ce qui m’arrivait. Donc figure-toi que c’est plutôt en ce moment qu’on réalise tout ce qu’on a fait et qu’on a un certain vertige. On a récemment annoncé qu’on prendrait une pause à partir de février, et ça va justement nous servir à prendre du recul.

Une pause pour des raisons de fatigue? 

Notamment. Au-delà du physique, c’est le mental qui est surmené. Ce n’est pas tout le monde qui le réalise, mais nous, on compose nos morceaux, on réalise ou coréalise nos clips… Toutes les idées et les concepts, ils sortent de notre tête, ce qui vient avec une quantité monstrueuse de boulot. On a donc cette volonté de retrouver une vie plus normale afin de ne pas lasser les gens. On a tellement été sur toutes les tribunes dernièrement qu’on a besoin de sortir de notre confort.

Cet épuisement mental, c’est un peu le revers de cette «vie de rêve» dont vous parlez sur votre dernier album?

Oui, il y a des côtés plus difficiles dans ce qu’on vit. À chaque étape, on a eu la chance d’avoir une période d’adaptation, mais là, c’était un peu trop. Tout compte fait, ça fait quasiment quatre ans que nous ne sommes pas restés plus d’une semaine dans un même endroit. En tant qu’êtres humains, on ressent le besoin de redevenir des hommes plutôt que juste des artistes. Et, en plus, tout ça va nous donner de l’inspiration. Sinon, on finirait par raconter toujours les mêmes trucs. On parlerait de nos spectacles, de nos salles remplies, de notre argent… Bref, de trucs qui n’intéressent pas nécessairement les gens.

Ce qui vous démarque du reste de la scène rap française, c’est qu’on peut difficilement vous mettre dans une case. Certains vont dire que vous faites du rap conscient, mais la réalité est que vous touchez aussi à des trucs plus pop et que vous abordez parfois des sujets plus légers, festifs. Est-ce que vous ressentez le besoin de vous faire accepter par tout le monde? Est-ce que Bigflo & Oli cherche à faire l’unanimité?

Même si c’est impossible de faire l’unanimité, il y avait clairement cette envie-là au début, ce côté décomplexé d’aller où l’on veut, de nous sentir nous-mêmes dans n’importe quel contexte. Ça fait probablement partie de nos envies d’aller conquérir chaque univers possibles, mais il n’y a jamais eu de calculs dans tout ça. Je crois que ça peut avoir dérouté les gens au début de nous voir collaborer avec des gens de plein d’univers différents, mais avec les années, ils ont vu qu’on restait toujours les mêmes Bigflo & Oli. Ils ont compris notre démarche.

Êtes-vous également comme ça dans la vie de tous les jours? À l’école, par exemple, étiez-vous du genre à fréquenter toutes les bandes?

Assez intéressant comme analyse. On ne nous a jamais posé ce genre de question… Mais, ouais, on a toujours été dans ce truc fédérateur. Ça vient forcément de notre éducation. On allait au conservatoire, un milieu assez aisé, mais le soir, on rentrait à la maison dans une famille modeste et on trainait avec les voisins. On allait dans des soirées très rap et, le lendemain, notre père nous emmenait jouer de la guitare et des percus avec plein d’immigrés latinos. Nous avons été élevés dans l’ouverture, et c’est probablement ça, notre secret.

C’est probablement aussi ce qui explique vos textes souvent très nuancés. Il n’y a jamais rien de tout blanc ou de tout noir avec vous.

Oui, car on n’a jamais eu la prétention de dire la vérité ni de donner des leçons. On a tellement dit de notre génération qu’elle était désabusée. On a tellement essayé de nous montrer comment marcher, de nous enfoncer des réponses que, maintenant, on préfère soulever des questions. Je crois que c’est un peu ce qui définit l’engagement moderne. L’engagement lourd et moraliste avec le poing levé, c’est un peu démodé…

En fait, c’est une forme d’engagement très associée à la génération X, qu’incarne en partie la scène de rap française des années 1990…

Oui! Maintenant, je sais que ça fait rire des personnes quand on dit de nous qu’on est des rappeurs engagés, car c’est vrai, on ne l’est pas comme le sont Assassin et Kery James, par exemple. Mais, quand tu regardes plus largement notre portrait, tu n’a pas le choix de constater que notre famille, nos origines, nos histoires, nos messages, ils constituent une forme d’engagement social. Les temps ont changé tout simplement.

En terminant, très peu de rappeurs francophones ont eu la chance de jouer au Centre Bell. Même des artistes de la trempe d’IAM ou d’Oxmo Puccino se contentent de plus petites salles. Comment vous expliquez-vous cet engouement?

Je crois qu’on récolte tout simplement le fruit du taf qu’on a fait. Depuis nos débuts ou presque, on a toujours pensé à venir ici. On prenait parfois l’avion pour jouer dans une salle de 100 places. On a construit une belle relation avec les Québécois. Après les Club Soda, la mini-tournée dans la province et le MTelus, qui s’est rempli à peine deux heures après le début de la vente des billets, le Centre Bell était la suite logique. C’est un pari un peu fou, mais qui est fait sans regret. Les ventes vont super bien, et c’est pas loin d’être carrément full.

Bigflo & Oli
Le 1er novembre
au Centre Bell
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