Polo & Pan : Enfants du monde
Musique

Polo & Pan : Enfants du monde

Les frontières musicales sont inexistantes pour Polo & Pan. Et, depuis la sortie de Caravelle en 2017, les frontières géographiques n’ont plus vraiment d’importance non plus. Nouveaux chouchous de l’électro français, les deux producteurs, DJs et compositeurs profitent d’un beau succès à travers le monde. Entretien avec Alexandre Grynszpan alias Peter Pan.

Vous revenez au Québec pour une deuxième fois cette année. On a vu votre DJ set en janvier dernier durant Igloofest, et là, vous nous revenez avec une formule live un peu plus poussée. Comment avez-vous bâti ce spectacle?

Ça a été un challenge. À l’origine, nous sommes des producteurs de musique et nous adorons être en studio. La performance, c’est moins notre truc. Il a donc fallu qu’on s’ouvre au monde et qu’on transforme l’album. Comme on a beaucoup de morceaux très différents, on a dû trouver une solution pour rendre tout ça cohérent. Et, finalement, on a trouvé! Comme notre musique est narrative, on a choisi de raconter une histoire avec une introduction, une montée en puissance, des respirations…

On peut donc s’attendre à une histoire avec un fil narratif?

On doit davantage parler d’une immersion narrative que d’un fil narratif. Ce n’est pas une histoire concrète, mais bien une histoire imagée avec des chapitres, des ambiances, des éclairages.

Gardez-vous exactement la même formule à chaque spectacle?

On a une construction précise, mais qui peut varier selon la salle, le public, l’heure à laquelle on joue… En septembre, on a fait une tournée de trois semaines aux États-Unis et dans l’ouest du Canada et, chaque après-midi, on planchait sur une amélioration en fonction du spectacle du soir. C’est super de pouvoir enchaîner les concerts comme on le fait. Ça nous permet de voir ce qu’on peut transformer, modifier, améliorer.

Ça fait quelques fois que vous venez nous voir. Comment trouvez-vous l’ambiance ici?

Oui, c’est notre quatrième ou cinquième fois ici. On constate que le public québécois est très bienveillant, très respectueux et, en même temps, très physique. Ce qui est bien, c’est que nous aussi, on a notre spectacle à regarder. On aime voir les gens vivre, réagir.

Vous avez eu des expériences moins plaisantes avec des publics irrespectueux?

De spectacle en spectacle, les gens n’ont pas la même façon d’exprimer leur attitude. Même quand elle est positive, cette attitude peut être agressive. On a déjà eu droit à des ambiances assez folles, parfois même trop folles. À notre sens, il y a quand même une pudeur qui doit se créer dans la salle pour que ça fonctionne. Et, il ne faut pas que les gens soient trop désintéressés non plus. Il faut un équilibre.

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Depuis la sortie de Caravelle 2017, vous bénéficiez d’un succès croissant. Chaque mois, vous semblez gagner en estime et en popularité. Bien sûr, vous avez quelques singles pop qui ont permis cette évolution, mais au-delà de ça, votre album n’est pas si accessible que ça. On y retrouve des influences très métissées, et votre démarche y est assez exploratoire. Êtes-vous étonnés d’avoir touché autant de gens avec cette proposition?

Oui, on est surpris parce qu’on n’a pas conçu notre musique dans le seul but de réussir. On a fait notre musique dans notre laboratoire afin de répondre à nos fantasmes musicaux. Tout ça s’est fait presque sans aucune concession. On n’a pas vraiment pensé à placer des singles, à parfaire notre image, à développer notre promo. À la place, on a laissé l’album vivre chez les gens et on a grandi de façon assez linéaire avec eux. C’est un processus de bouche-à-oreille aussi naturel que le pollen.

Ce qui est d’autant plus surprenant de votre popularité, c’est que, contrairement à la norme dans le vaste monde de la musique électronique, vous avez un rythme de publication assez lent. Depuis 2017, vous n’avez fait paraître qu’une version deluxe de Caravelle et quelques chansons, collaborations ou remixes.

En fait, on ne cesse jamais de travailler. On produit tout le temps de la musique, autant dans les trains que les avions, mais dès qu’on a quelque chose de prêt, ça ne veut pas dire qu’on va le mettre sur internet. On a plein de choses à proposer, mais ça ne nous intéresse pas de sortir plein de singles et d’entrer dans les tops. On préfère construire un album et sortir les choses une fois qu’elles sont bien affinées. C’est comme un bon verre de vin ou un bon fromage : on laisse le temps à notre musique d’exister et de vieillir. Ça fait maintenant plus de deux ans que Caravelle est sorti, c’est vrai, mais on se rend compte qu’il y a encore plein de territoires qui demandent à ce qu’on vienne raconter notre histoire chez eux. On peut donc en déduire que notre technique, elle fonctionne.

D’ailleurs, cette «histoire» de Caravelle dont vous parlez, comment a-t-elle pris forme?

«Caravelle», c’est un mot hybride, qui fait autant référence à un avion, qu’à un bateau ou une voiture. Dans tous les cas, l’idée est de découvrir le monde. On dit de nous qu’on fait de la musique électronique, et c’est vrai qu’on adore ce genre. Mais, à la base, la musique électronique, c’est surtout un squelette pour nous, une excuse qui nous permet d’aller puiser dans tous les genres qui nous intéressent. C’est la cohérence qu’on a trouvée pour pouvoir s’approprier autant de la cumbia que de la bossa ou de la chanson française.

Cet amalgame de genres dont vous faites l’apologie, est-ce une façon de se positionner par rapport au métissage de nos sociétés? Peut-on le considérer comme une forme d’appropriation culturelle?

Y’a pas d’intellectualisation nécessaire, car les choses se sont faites naturellement. Notre musique n’est que le fruit de beaucoup d’écoutes et d’inspirations. Et tous ces genres auxquels on fait référence, on n’a pas envie de se les approprier. On veut davantage leur rendre hommage. C’est davantage l’apologie de la diversité culturelle que son aseptisation. Le but, c’est surtout de créer des rendez-vous improbables. Le fameux 1+1=3 qui existe dans toute la biodiversité, il s’applique aussi dans la musique. Le fait d’entrechoquer deux cultures, ça a le pouvoir de créer une nouvelle entité.

Quels «rendez-vous improbables» désirez-vous explorer prochainement?

On est vraiment à fond là-dedans en ce moment, et tout ce qu’on peut dire, c’est que le processus de création est encore aussi naturel. Quand cette histoire sera prête, on va vous la raconter. Mais ce qui est certain, c’est que tous nos voyages et toutes nos rencontres nous ont inspirés.

Parmi toutes ces rencontres musicales, lesquelles vous ont le plus marqués?

Nos premières parties sont nos plus grands coups de cœur. Je pense notamment à Lewis OfMan et Pongo. Mais, en général, on s’efforce de ne pas trop écouter de musique afin de créer quelque chose de vraiment personnel.

Polo & Pan – Caravelle World Tour

Le 2 novembre
au MTelus (Montréal)
Consultez cet événement dans notre calendrier

Le 3 novembre
à l’Impérial Bell (Québec)
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