Une gang de poulets congelés à la soirée hip-hop de l’Igloofest
Loud, White-B et Charlie Shulz avaient le privilège de se produire à la toute première soirée exclusivement hip-hop de l’histoire de l’Igloofest, jeudi, au Quai Jacques-Cartier. Retour ludique en mots et en images sur ce programme triple survolté.
On arrive dans la masse à temps pour la fin du DJ set de Charlie Shulz, nouvelle recrue de Joy Ride Records (même étiquette que Loud). Habillé comme un rockeur de type motocycliste, il galvanise la foule en invitant Kevin Na$h à se joindre à lui. Le rappeur montréalais au flow vigoureux s’exécute avec dynamisme.
En guise de conclusion, le jeune producteur envoie la bombe A Milli de Lil Wayne et enjoint les festivaliers à virer complètement coucou sur Chasse à l’homme de Niska, chanson qui le fait bondir de sa tanière vitrée de DJ vers le devant de la scène, le temps de quelques sautillements bien appréciés.
Quelques minutes après la sortie de scène de ce prodige du beatmaking, on entend surgir un rythme outrageusement banal d’EDM ringard, doublé de grinçants et insistants «PUT YOUR HANDS UP IN THE AIR».
«Êtes-vous prêts pour White-B?» nous demande un DJ pour le moins pétulant, qui semble avoir des affinités musicale avec le grand Daniel Desnoyers. C’est toujours le fun d’être à l’Igloofest, mais de se sentir comme au Topshot de Lachute en 2007.
Après avoir crié «WHITE-B» dix fois de suite, le DJ laisse enfin place au gars nommé au début de cette phrase. Le rappeur montréalais, l’un des plus populaires ces temps-ci, amorce son spectacle avec Chacun son récit et Blacklist, deux de ses très bonnes chansons. Comme la grande majorité des rappeurs de sa génération, il rappe quand il en a envie (soit environ le ¾ du temps) sur une trame instrumentale ou pré-enregistrée. Au moins, à ces moments précis où il rappe, son flow est solide.
Après Everyday, son frangin Random (du collectif 5sang14) s’amène, entraînant avec lui une réaction modérée de la foule. Comme d’habitude, leur chimie au micro est notable.
«Faites du bruit!» lance alors le DJ à répétition. Un homme de nature anonyme se prononce dans la foule : «J’suis tanné que tout le monde disent toujours ‘’Faites du bruit’’. Ils pourraient pas dire des trucs plus originaux… Genre : ‘’Jouer à Jenga’’»
Les autres convives du 5sang14 se pointent eux aussi. Avec ses rimes avisées, Lost vole la vedette. «Si t’as peur de la mort / C’est que ta vie fait peur», lance-t-il, réussissant l’impossible, c’est-à-dire nous faire réfléchir à Igloofest.
De passage dans la zone VIP pour se réchauffer, on se rend compte qu’on entend beaucoup mieux le son ici. «Plus rien ne me fascine / Tous les jours, j’ai l’impression qu’la police écoute mes conversations», rappe White-B, alors qu’on est bien assis, confortable et en toute sécurité, sur ce divan.
«Est-ce qu’il y a des mauvais garçons ici?» demande-t-il, avant de lancer une chanson qui traite de ce sujet. «NON!» répond un rabat-joie de l’espace VIP, nous donnant envie de retourner voir le vrai monde en bas.
Nous arrivons au sein de la plèbe pour la puissante et très accrocheuse PLG, l’une des meilleurs chansons rap québécoises de l’an dernier. Meilleure conclusion possible.
En attendant Loud, nous visitons le site. Rencontré au détour d’un kiosque promotionnel, ce bonhomme de neige nous plonge dans un état de mélancolie précipité.
Les gens qui sortent de cette glissade promotionnelle ne s’attendaient clairement pas à se faire photographier en passant ces rideaux.
«WHAT THE FUCK IS UP?!!» gueule Ajust au micro de son DJ booth, mettant la table pour l’arrivée du roi du rap québécois : Loud.
56K amorce les festivités. «YES!», «SPEED!», «YES SIR!», lance notamment Ajust, assurant comme d’habitude avec exagération son rôle de hype man. «On va commencer ça for real», dit-il juste après la toune, nous apprenant que, dans le fond, c’était pas vraiment commencé. «Il fait frette mais il fait chaud dans votre fucking coeur!»
Touchant.
Avec une voix un peu enrhumée, Loud entonne la fédératrice Nouveaux riches. «Comment ça va mon Loud?», «CHI-CHING» et «C’est vrai Loud!» lance quand bon lui semble Ajust, qui compense habilement l’interaction limitée de Loud avec la foule.
Éberlués par la vue du centre-ville qui se dessine devant eux, les deux alcoolytes amènent le spectacle à un autre niveau avec Hell, What a View et Fallait y aller, enthousiasmant à l’extrême une foule déjà pas pire enthousiaste.
«C’pas le mont Saint-Sauveur icitte estie de tabarnak!» s’exclame Ajust, encore une fois dépassé par le paysage qui s’offre à lui. Après Salles combles et Le pont de la rivière Kwaï, c’est la percutante Pas sortables qui suit. «Mais là, ces gens-là sont tu pas sortables, Loud?» demande Ajust.
«Ben en tout cas, ils sont sortis», répond son complice, avec sa répartie habituelle.
La rythmique irrésistible de Jamais de la vie et la douce mélancolie de Sometimes, All the Time (sans Charlotte Cardin) changent l’ambiance du show, qui repart sur les chapeaux de roue pis pas à peu près avec Off the Grid et On My Life. Nous sommes alors graciés de la présence d’un Lary Kidd complètement survolté.
«Vous allez chanter avec nous autres gang de sacripants!» nous ordonne vous savez qui, avant de nous traiter de «gang de poulets Exceldor congelés».
Médailles s’ensuit, et notre photographe reçoit un ecocup brisé derrière la tête. Bref, ça commence à brasser un petit peu trop.
L’épique Une année record calme les ardeurs. L’exécution de Loud (dont le rhume semble disparu) est précise, louable, parfaite. Malheureusement, ce moment de grâce est suivi par [youtube href= »https://www.youtube.com/watch?v=ukHmEZXUdqQ »]sa relecture méconnue de The Shape of You[/youtube], concluant officieusement ce spectacle sans aucun temps mort.
Sans surprise, un rappel se pointe le bout du nez. «Les vrais pissous peuvent partir», dit Loud. Sans surprise, tout ceci n’était qu’une blague : c’est Ajust qui a dit ça.
L’excellente TTTTT repart la machine bien huilée du duo. «J’aimerais ça qu’il finisse avec 56K», espère une fan qui, décidément, a manqué le début du show. C’est plutôt la glaciale et intense Immortel qui vient conclure officiellement l’événement. «CRISSEZ-MOI EN FEU! CRISSEZ-MOI EN FEU! IMMOLEZ-MOI LIVE! CRISSEZ-MOI EN FEU!!!» fulmine un Ajust hors de lui, avant d’y aller d’un surprenant «Toujours impecc, Montréal!».
Quel personnage quand même.
Avant de quitter le site, on fraternise avec des gens plutôt sympatoches.
«On se croirait à Cancun», dit-il.
Petit répertoire des objets perdus :
Le calme après la tempête.
J’espère que la police lira cet article.
Crédit photos : Hugo Biscotte (sauf là où c’est indiqué)