Ligue Rock : sueur et tremblements
Le rock était en vie jeudi dernier au coin de Saint-Denis et Mont-Royal. En guise d’ouverture pour sa neuvième édition, la Ligue Rock présentait tout un programme dans l’antre du triangle des bermudes, c’est-à-dire dans ce foutoir regroupant la Rockette, le Quai des brumes et l’Esco. Résumé en mots et en images de nos péripéties.
À 18h03, on entre à la Rockette. Une première aussi hâtive dans ce bar reconnu pour pogner son peak à partir de deux heures du matin.
La première pinte du jeudi se laisse déguster au son du folk sympathique de Dany Nicolas, auteur-compositeur-interprète montréalais qui «joue de la guitare avec la polyvalence d’un bricoleur ingénieux».
Pour éviter qu’on enchaine les consommations alcoolisées sans penser à manger, les organisateurs de la Ligue Rock nous proposent de délicieux sandwichs au smoked meat véganes avec de la salade de chou à la texture incroyablement craquante. Comme quoi on peut à la fois être santé et ROCK.
La faune rock de la métropole se déploie graduellement. En plus de Maxime Lemire, bête de scène de Dance Laury Dance, qui nous sert nos bières au bar, on aperçoit Vincent Peake (Groovy Aardvark, Grimskunk) parler à absolument tout le monde autour de lui. Le typique ratio dix gars pour une fille est également en vigueur.
Louis-Philippe Gingras nous propose un set de 20/25 minutes bien avenant, essentiellement centré autour des chansons de son album folk/calpyso célébrant l’apocalypse, Tropicale Apocalypse. La présence de la trompette, en avant-plan des arrangements, amène une originalité et une fraîcheur à l’expérience, au même titre que les interventions franches et directes de Gingras. «J’ai deja joué des tounes ici pis je m’en rappelle fuck all», nous apprend-il, quelques minutes avant de lire des passages du best-seller Monsieur Rêve sur la rythmique entraînante de son hit Apocalypso.
Vers 19h08, on décide de s’en aller diagonalement plus bas, à l’Esco, pour le spectacle de Floating Widget, l’un des nombreux projets de Vincent Peake. Visiblement teintées par le stoner rock de Kyuss et Queens of the Stone Age, les chansons du groupe montréalais sont pesantes, bruyantes et prenantes.
Le son impeccable et les beuglements bien calibrés de Peake contribuent évidemment au succès de cette courte prestation, même si le principal intéressé ne semble pas satisfait à 100% de sa performance. «J’ai de la misère avec ma voix car j’ai parlé à tout le monde icitte», admet-il, avant que sa strap de basse «décrisse le camp».
On y voit que du feu, surtout lors des puissantes Pit de sable et Vanishing Point, toutes deux tirées du premier album Praises to the Riff Monolith, paru il y a 16 ans. «Vous êtes vraiment, mais vraiment fins», nous lance Peake, ému, vers la fin du show.
Assurément fins, mais jamais autant souriants que ce batteur.
Dans un style stoner encore plus fort et assourdissant, on retrouve Lake Saint-John Power & Paper Cie vers 20:36, soit quatre minutes avant ce que cet horaire mensonger nous avait stipulé.
Décidément, il y a des traditions rock qui se perdent…
Le groupe montréalo-jeannois, dont le nom fait référence à une compagnie qui avait implanté une scierie et une usine à papier à Dolbeau dans les années 1920, joue avec une lourdeur et un savoir-faire assez épatants. Dans l’assistance, Peake me confie que l’un des membres du trio s’est couché à sept heures du matin : «Je lui ai dit que ça allait être le meilleur show de sa vie.»
Parole de rockeur.
Après avoir pris un shot de fort, Adam Gilbert (basse, voix) lance un message assez direct aux programmateurs possiblement présents dans l’assistance. «Vous savez ce qui vous reste à faire… Bookez-nous gang de calices!»
Difficile de ne pas prendre en considération le message d’un homme à la tignasse aussi pétulante.
Le blitz effréné des spectacles qui s’enchaînent aux demi-heures s’amorce à 21h30 avec Oodooo (ex-Vulvets) au Quai des brumes. Appuyé par l’autrice-compositrice-interprète Marie Claudel à la guitare, le groupe offre un rock 60s aux influences surf et garage, pas très éloigné de l’esthétique tarantinesque des années 1990 et 2000.
«On dirait un riff de Alfa Rococo», mentionne un hurluberlu dans l’assistance au milieu de la prestation.
De quoi possiblement décontenancer Marie Claudel, qui se mérite le prix de la deuxième strap défaite de la soirée.
Constat de mi-soirée : une moitié de sandwich au smoked meat végane et sept bouchées de salade de chou, ça ne sustente pas au-delà de trois heures. Histoire de ne pas crouler sous les vapeurs de l’alcool avec le ventre vide, nous osons sortir du triangle des Bermudes pour se munir d’une poutine au Fameux.
Voici donc à quoi ressemble le début du show de Fuck Toute :
«Il y a un mosh pit de trois personnes», nous informe notre photographe qui, elle, avait pris soin de souper comme du monde. Nous partons donc à la course pour attraper la fin du show.
En entrant, on remarque que l’ambiance a changé depuis la fin du 7 à 9 stoner rock : il fait beaucoup plus chaud, 82% des gens sont vêtus d’un chandail noir et ça sent l’alcool à plein nez. En bonus, y’a Bernard Adamus dans le fond du bar qui a l’air bien fatigué.
Sur scène, Fuck Toute parle de décomposition sur fond de musique hurlante, un alliage de punk, de hardcore et de grindcore.
Probablement un hommage à Bernard.
On sort du sous-sol de l’Esco pour voir IDALG au Quai. Le groupe montréalais, qui dit ne pas avoir joué depuis un an, baisse la tension d’un cran avec un psych rock aux influences 60s (Velvet Underground principalement). Malgré certaines chansons qui s’étirent un peu trop (faut dire que n’importe quoi semble s’étirer comparativement aux chansons d’à peine deux minutes de Fuck Toute), on passe un bon moment avec les six talentueux musiciens, dont un joueur de tambourine particulièrement solide, Philippe Beauséjour.
Après un ou plusieurs shots de Sour Puss (une demande de la chanteuse et claviériste Yuki Berthiaume), le groupe nous offre sa reprise de Comme j’ai toujours envie d’aimer de Marc Hamilton. Un doux moment.
Bref, tout le contraire de ce qu’on s’apprête à revivre en redescendant dans l’abysse de la noirceur pour BARF, qu’on attrape en milieu de prestation, vers 23h30. «Allez Montréal, faites du bruit tabarnak!» lance l’illustre Marc Vaillancourt, chanteur emblématique du groupe trash metal québécois.
Avec ses airs de James Hetfield (période pré-coupe de cheveux/désintox) et son énergie tumultueuse, il nous prouve qu’il a toujours autant de charisme et de pouvoir pour rallier la foule après plus de 30 ans de métier.
Les spectateurs vivent de beaux moments.
On a tellement pogné de quoi à l’Esco qu’on en a oublié de remonter au Quai pour voir le clou de la soirée : Dunes. On se sent tellement mal d’avoir manqué la prestation de cet octuor desert blues, qui comprend notamment Jesse Mac Cormack, qu’on vous partage le lien de son plus récent projet, paru sans trop faire de bruit le 31 décembre dernier.
La 9e édition de la Ligue Rock se poursuit jusqu’au 21 mars, conjointement à Montréal, Alma, Saint-Hyacinthe, Gatineau et Shawinigan. Programmation complète.
Crédit photos (sauf où c’est indiqué) : Betsy-May Smith