La misogynie 2.0 dénoncée par un collectif féministe
Un texte collectif visant à dénoncer les dangers du militantisme féministe sur Internet circule sur certaines plateformes web et les médias sociaux.
Un texte collectif visant à dénoncer la misogynie 2.0 circule actuellement sur plusieurs sites webs et blogues, notamment sur Ton Petit Look. Celui-ci, signé par de nombreuses personnalités féministes issues du web québécois, vise à dénoncer la violence virtuelle systématique que doivent confronter les militantes féministes dans leur quotidien sur le web.
« Le cybersexisme est omniprésent dans les conversations en ligne. Il imprègne les fils de commentaires sur les réseaux sociaux et sur les blogues, partout où les femmes prennent la parole dans l’espace public virtuel. Il prend diverses formes : paternalisme, infantilisation, mansplaining, surveillance, attaques personnelles, slut-shaming, fat-shaming, diffusion publique de données personnelles, attaque à l’intégrité physique, menaces de viol et de mort, etc. Cette violence misogyne prend une consonance particulière quand elle s’exerce avec des accents racistes, islamophobes, xénophobes, transphobes ou lesbophobes. »
Ce constat écrit est apparu simultanément sur les sites webs de Ton Petit Look, Je suis Indestructible, Je suis Féministe et Mauvaise Herbe, entre autres. Il a été signé par de nombreuses personnalités influentes du milieu des médias québécois, dont Aurélie Lanctot (Ricochet), Cathy Wong (présidente du Conseil des Montréalaises), Widia Larivière, Josiane et Carolane Stratis (TPL), Tanya St-Jean, Roxanne Guérin, Catherine Gendreau (Je suis Indestructible), Toula Drimonis (CJAD, Ricochet), Véronique Grenier (Urbania, La Presse) Léa Clermont-Dion et Dalila Awada.
Ces deux dernières signataires reflètent d’ailleurs très bien, dans leur quotidien, les risques discursifs encourus lors de dénonciations féministes ou de prises de paroles militantes. Le documentaire Beauté Fatale de Léa Clermont-Dion a suscité un lot incroyable de réponses négatives (et positives aussi) allant jusqu’à dénoncer sa propre beauté comme facteur qui la rendrait illégitime dans un débat sur les standards de beauté de l’industrie de la mode. Dalila Awada, une féministe qui porte fièrement le voile, a été sujet de nombre d’attaques en règles de personnalités publiques importantes, en plus d’avoir été accusée de faire partie d’associations islamistes radicales.
Le cas le plus probant, récemment, ne revient pas nécessairement au Québec. Aux États-Unis, la vlogueuse féministe Anita Sarkeesian a dû annuler une conférence qu’elle était supposée donner dans une université à cause de menaces de violence à son égard. Celle-ci critique la misogynie inhérente à l’industrie du jeu vidéo, et son discours déplait. Tandis qu’elle le fait en toute rigueur discursive, elle a droit à des menaces de viol et de mort sur une base régulière à cause de son militantisme, une situation virtuelle qui est souvent répétée sur les médias sociaux au Québec. Dans cette lettre ouverte, les signataires font d’ailleurs appel à une nouvelle législation pour permettre de punir davantage cette intimidation.
« Rappelons également que le Code criminel canadien contient des dispositions relatives aux discours haineux reposant sur des motifs liés à la race, l’origine ethnique, l’orientation sexuelle, l’appartenance religieuse, mais aucune sur la discrimination sur le genre. Il n’y a pas d’outil pour contrer la propagande haineuse à caractère sexiste, notamment sur Internet. Il est temps que les femmes disposent d’outils légaux pour se défendre et que des modifications soient apportées à la Loi. »
Pour lire le texte intégral, c’est par ici!
Crédit illustration: Catherine Lefrançois
J’imagine que vous avez loupé cette partie-là, qui s’adressait, entre autres, à vous, et à votre fabuleuse gestion du sexisme latent au sein-même de votre équipe:
« Aussi, il nous appert que les comités éditoriaux des médias sur les plateformes numériques jouent un rôle crucial dans la lutte contre le cybersexisme. Nous les interpellons aujourd’hui en soulignant leur responsabilité sociale dans la création d’un environnement sain pour le débat. Nous suggérons l’adoption de politiques concernant les contenus publiés et une pratique adéquate de la modération favorisant le dialogue entre collaboratrice et lectorat. La cyberviolence est un phénomène grave, qui, combiné au sexisme, nuit à la diversité éditoriale. »
Vous allez peut-être pas le croire, mais on a lu le texte comme, au complet, forrealz.
N’importe quoi. Le Voir est, de loin, le milieu de travail le plus sain auquel j’ai eu la chance d’appartenir dans ma courte carrière de journaliste qui s’adonne (tiens, tiens!) aussi à être ouvertement féministe.
Catherine Genest : Quel dommage que votre conception du féminisme n’inclue pas la solidarité avec les femmes, surtout quand elles s’efforcent de mettre au jour les violences qu’elles subissent. En fait, comme les antiféministes (voir Blais) et les femmes de droite (voir Dworkin), vous vous empressez de vous rallier aux dominants. Dans cette quête de validation masculine et hiérarchique, vous n’hésitez pas à disqualifier, assez grossièrement d’ailleurs, un commentaire interpelant nommément le journal Voir, une publication notoirement désertée par plusieurs féministes, blogueuses comme lectrices. Pourquoi grossièrement ? Évidemment, à cause de votre méprisant « N’importe quoi ! », mais surtout parce que (je vais y aller sous forme de questions, ça passe toujours mieux que les affirmations à l’emporte-pièce), se pourrait-il que le fait que vous n’ayez pas connu de milieu plus « sain » que l’équipe de rédaction du Voir « dans votre courte carrière » 1- ne signifie pas forcément que c’est un milieu sain, ie exempt de sexisme ? 2- que ce ne soit pas le cas pour d’autres femmes/féministes ?
Quand à vous, Joseph El Fassi, vous avez manqué une excellente occasion de revenir sur les enjeux associés à la démission de son ancienne collègue et romancière Marie-Christine Lemieux-Couture, qui compte, comme moi, vous l’aurez remarqué, parmi les co-signataires du texte collectif « Misogynie 2.0 : harcèlement et violence en ligne ». Je pourrais aussi mentionner le départ d’autres féministes, comme l’économiste Ianik Marcil et l’avocate Véronique Robert, mais j’étais une fidèle lectrice des « Essais de néantologie appliquée » de MCLC, et ce, malgré mon aversion pour une publication – une circulaire culturelle disait Falardeau ? – qui offre sa tribune à des « pitbulls misogynes ».
Bonne réflexion.
Sandrine Ricci
NB : Je fais référence à ces articles, notamment.
http://journalmetro.com/opinions/prochaine-station/550407/bienvenue-dans-mon-boys-club/
https://www.ababord.org/Croise-pitbull-misogyne