BloguesPartiellement Martel

Marcher sur des yeux

 
Inétressant de voir à quel point les musiciens faisaient partie du spectacle.

Je crois que je vais me faire tirer des oeufs, ce matin. Je dois être le seul de la salle à ne pas avoir apprécié à sa "juste valeur" le spectacle de danse offert par Le collectif Traces. Il faut croire que je suis moins ouvert au niveau de la danse que de la musique.
Je dois être un puriste. C'est ça. Maman, pardonne-moi.
Il me semble que la danse devrait être en elle-même un langage, sans nul besoin d'accessoires. Et s'il y a accessoires, qu'ils soient respectés. Qu'au lieu d'être distrayants, ils soient limitatifs. J'aurais voulu mieux sentir la fragilité de l'oeuf – et de l'oeil, peut-être. qu'il ne soit pas qu'un symbole, mais une contrainte. Qu'il participe vraiment à la danse.
Les gens aiment bien se rattacher à ce qui est "symbolique". Parce que ça leur parle, ça leur dit quelque chose. Mais hier, de voir les deux danseuses habillées et sacs de poubelles, les yeux couverts par des oeillères, ça m'a semblé un peu gros comme message. Au sein de la programmation d'un festival qui met à l'avant-scène une musique cherchant à se défaire des clichés musicaux et du carcan du déjà fait, tentant d'exploiter l'inexploitable, je trouvais que ça jurait.
Dans ma tête, c'est comme si on avait choisi la plus belle aquarelle de Mme Chose, vous savez, ce superbe paysage, et qu'on l'avait placée entre deux oeuvres d'Anselm Kieffer au Musée d'Art Contemporain.
Bon, voilà déjà que je m'emballe.

Ce que j'ai aimé. L'un des moments forts offerts par les danseuse – parce qu'il y en a eu – c'est lorsqu'elles ont utilisé d'immenses éventails, devenus des queues de paons pour l'occasion. Cette fois le traitement de l'objet était excellent. Lors du jeu de la parade, leurs gestes étaient limités, dirigés par l'objet. Voilà qui était réussi.
Aussi, la perméabilisation de la danse et de la musique. Ça c'était vraiment chouette. Je parle des costumes qui bruissent, alors que chaque mouvement contribue à la musique. Je parle aussi du contact physique entre les danseuses et les musiciens avancés sur la scène. Je parle du fait que le corps des danseuses devenait partition pour les musiciens, autant que la musique était un support pour la danse. Je parle enfin du geste musical devenu plus théâtral, chorégraphié, alors que les musiciens devenaient des corps mouvant dans l'espace, prenant position.
En fait, j'ai fini par me rendre compte que j'avais trop tendance à porter attention aux danseuses, et pas assez aux musiciens, qui s'excluaient de mon champ de vision. J'étais peut-être assis trop près de la scène (tout ça pour une photo…). Une fois que j'en ai eu pris conscience, je me suis laissé un peu plus embarquer.
L'ensemble était donc intéressant, mais c'est plutôt du côté des musiciens que se trouvait l'exploit. À mi-chemin entre le duo et le duel. Je pense à ce combat de tiges fouettant l'air. Je pense à l'eau. Je pense à leurs chants de gorge. Je pense à ces instruments un peu fous…