Faisons le pari, un instant, que l'horizon s'efface. Que le monde ne soit plus borné à notre regard. Qu'il n'y ait plus de frontière entre ciel et terre. Qu'il n'y ait plus de perte de vue possible. Aucune limite.
C'est un peu ce que nous propose Peter Krausz avec (Sans) Horizon. Peinture, photo et installation, tous les moyens sont bons pour situer l'homme dans son rapport au temps et à la perception qu'il a de la nature.
Pour certains, l'horizon n'est pas une limite puisqu'il s'ouvre à mesure que le regardeur avance. Il est un bout du monde perpétuellement en mouvement, le trait diaphane entre ce qui est vu et ce qui ne l'est pas. Mais l'horizon, comme toute frontière, se présente aussi comme un passage obligé entre les étapes d'un cycle: entre la vie et la mort, entre la mémoire et l'oubli, entre les saisons.
Être sans horizon, c'est aussi ne pas avoir de lendemain. C'est un regard froid qui ne sait plus fuir, qui n'arrive plus à se jeter au loin, endeuillé. Dans l'oeuvre photographique Suite roumaine, c'est l'homme qui regarde la mort en face comme s'il s'agissait d'une caméra.
S'il n'y a pas d'avenir, alors il n'y a pas de temps: la mémoire se fige dans l'instant. Or, n'étant nous-mêmes que de passage, nous n'échappons ni au temps, ni à ses ravages. C'est donc aussi du rapport de l'être à la mémoire dont il est question. Les saisons et les souvenirs sont classés comme de vieux livres dans des bibliothèques avec Landscape and Memory. Enfin, avec Le Chant de la terre 1 et 2, le paysage est morcelé, puis réinventé. Et seules ligatures entre le paysage et le deuil: 63 parcelles d'un ciel de plomb toujours sans horizon.