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Momification et féminisation


Marilou : Elle a dû demander l'aide d'une spectatrice pour terminer la conception de sa "robe".
 
 
Son corps ficelé comme un boudin a naturellement adopté une gestuelle très féminine.

Lors de l'événement performatif L'art action des femmes organisé dans le cadre du Symposium interantional en arts contemporains de Baie-Saint-Paul, l'une des performances a retenu mon attention. Voici ce que j'ai grifonné dans mon calepin à mon retour…

Avec Marilou Desbiens, le corps de la femme est contraint. Allons-y d'une description succincte de la performance de Marilou…
1. L'artiste arrive, vêtue d'une robe noire simple, portant à la main une valise qu'elle dépose par terre et qu'elle ouvre. Elle en sort du duct tape, dont elle s'entourent les jambes, et se momifie peu à peu le corps, coupant au fur et à mesure sa robe qui disparait en lambeaux, jusqu'au moment où l'artiste ne revêt plus que du duct tape.
2. La deuxième partie est plus relationnelle que spectaculaire. L'artiste choisit trois personnes de l'auditoire improvisé en humant leur parfum. Elle leur impose des masques d'hôpital.
3. Devant chaque protagoniste, à l'aide d'une perceuse électrique, elle perce un trou qui deviendra une matrice où elle pourra cracher un liquide jaune à travers un entonnoir qui lui pend sous le visage.

 
C'est en humant des gens de l'assistance qu'elle a choisi ceux qui seraient contraints de participer à la performance.

La féminité est vécue comme ce qui embrasse, mais de trop près, comme ce qui étouffe, engorge, réduit l'action. C'est à travers le métissage des genres – masculin et féminin, représentés par des symboles forts; la véritable robe et les outils, puis la robe conçue à partir de ruban adhésif (duct tape) qui devient une conjonction entre les genres.
Après qu'elle se soit enserré les cuisses, ceinturé les hanches et étouffé la poitrine avec le ruban adhésif, son corps est contraint à adopter l'attitude et la démarche de ces femmes très féminines portant tailleur et soulier à talon haut: déhanchement douloureux, gestes calculés et délicats.
Mais la femme ainsi contrainte, malgré sa gestuelle typiquement féminine, choisit des actes

 
Accroupie tant bien que mal, elle a craché un liquide jaune dans une matrice forcée, au pied des participants.

qui rappelle l'homme. Quelque chose comme une reprise de contrôle, peu à peu, du féminin sur le masculin, malgré la contrainte.
La force de la performance de Marilou aura été d'ouvrir à plusieurs réflexions – et interrogations. À la fois simple, beau, intelligent et frappant. Franchement, j'ai beaucoup apprécié.