Black Power
Les idées noires de la page blanche à Black
C'est parfois un cauchemar de voir ce qui est publié dans les pages d'autres journaux. Et le plus désemparant, c'est cette triste impression que, si je m'insurge, on mettra ça sur le dos d'un concurrence agressive déployée sans retenue. Mais cette fois, c'est vraiment trop. Il n'est pas question que je me taise.
À toutes les semaines, dans le Progrès-Dimanche, on publie une nouvelle "page blanche à Black". Quand Roger Blackburn parle de ses souvenirs de pêche ou de son intérêt pour les fesses des femmes chevauchant leur vélo, ça passe toujours. On se dit que ça prend de tout pour salir une page blanche. Mais dans l'édition du 29 octobre, ce pauvre Black y est allé d'une grossière et surtout dangereuse bourde.
Voici mot pour mot le texte de Black:
À quand l'euthanasie?
Je constate, dans mon entourage, que de plus en plus de gens sont inquiets de vieillir dans la maladie. Ils souhaitent trouver une façon de mettre fin à leurs jours quand ils n'auront plus de dignité.
Si, un jour, je suis incontinent, si je ne reconnais plus mes enfants, si on est obligé de me faire manger et que j'égrène mes jours avec d'autres vieux en chaise roulante et qu'on déplace ma chaise, d'une fenêtre à l'autre, pour changer le mal de place, je veux qu'on m'euthanasie, je veux qu'on m'enlève la vie, je veux qu'on me libère de cette prison indigne de l'Homme, je veux qu'on soulage mes enfants et la société de ce fardeau que je serai devenu.
Plusieurs personnes m'ont fait ce commentaire, récemment: "Black, ta mère est chanceuse d'être partie comme ça, sans souffrir, sans être malade, sans attendre la mort dans une chaise roulante. Ça fait quatre ans que mon père attend la mort dans une chaise roulante. On prie tous les soirs pour qu'il meure", m'a raconté un ami.D'autres m'ont raconté à quel point la maladie d'Alzheimer avait détruit leurs parents qu'ils ne reconnaissent plus et qui dépendent du personnel médical et des bénévoles pour vivre. Il s ne pourraient survivre longtemps sans l'acharnement thérapeutique.
Au nom de quelle morale permettons-nous à des hommes et des femmes de vivre alors qu'ils souhaiteraient mourir? J'espère que les tribunaux, que les gouvernements et que la société permettront l'euthanasie quand je serai dans ce genre de situation. Je prendrais alors des dispositions avec des hommes de loi pour mettre fin à mes jours quand ça ne sera plus vivable.
À quand, un débat sur l'euthanasie?
Un discours comme celui-là est dangereux.
Un discours comme celui-là prouve que l'ignorance la plus crasse – ou l'incompétence la plus douteuse, vous choisissez – mène au fascisme et à l'utilitarisme le plus ignoble.
"À quand, un débat sur l'euthanasie?", demande le chroniqueur de la page blanche… Quand les gens comprendront ce que c'est, l'euthanasie. Parce que trop de pseudo-scribes cherchant à verser dans le sensationnalisme le plus abjecte diluent la signification du terme euthanasie, le rendant ainsi plus facile à accepter.
Il est primordial que la population soit justement informée sur le sujet et Roger Blackburn devrait s'empresser de corriger sa bourde. L'euthanasie tient du meurtre, pas du sucide assisté – comme il semble le croire. On euthanasie un chat, un chien, lui donnant la mort pour lui éviter des souffrances à venir. Les Nazis ont euthanasié des juifs, des vieillards, des handicapés – qui pour eux n'avaient plus de dignité – dans un massacre qui a replié l'histoire. Prôner l'euthanasie pour les vieillards incontinents qui ne reconnaissent plus leurs enfants, pour ceux qui sont en chaise roulante, qui souffrent d'Alzheimer, dire que tous ces gens ont perdu leur dignité et les présenter comme un fardeau pour la société, c'est non seulement dangereux, mais inacceptable.
Il faut tuer dans l'oeuf ce genre de discours qui, avec le vieillissement de la population, pourrait devenir plus présent. Je me souviens d'une entrevue que m'a accordée Larry Tremblay, auteur de "La Hache", l'un des trois récits de son recueil intitulé Piercing (éditions Gallimard, 2006). Pendant notre entretien, il a soutenu que tous les génocides avaient commencé par une dédramatisation de la haine, par des propos tenus entre autres par les médias et contre lesquels les gens ne se sont pas insurgés, ce qu'il dénonce évidemment dans son récit.
Il affirmait alors : "Le génocide, c'est une chose qui a été écrite, planifiée, organisée, médiatisée, pensée, technocratisée avant d'être mise en branle. C'est donc un phénomène de civilisation, et c'est ce qui m'a fait peur. Parce que les génocides sont voulus par l'homme et planifiés. Ils ont tous été écrits. Au Rwanda, avant que tout cela n'éclate, en 1994, il y a eu plein de gens qui, à la radio, à la télévision, dans les journaux, incitaient au crime haineux."
(lire l'entretien avec Larry Tremblay)
Je réitère mon avertissement. Ouvrir la porte à l'euthanasie pour "soulager la société de ce fardeau" que seraient les vieillards et les impotents est un discours dangereux. Qu'un média de la région laisse un journaliste soutenir des propos aussi maladroits m'aura étonné au plus haut point. Qu'on se comprenne, je n'ai rien contre le suicide assisté. Je ne suis pas là pour juger de ce que les gens font de leur propre vie. Mais il faut refuser l'euthanasie qui n'est rien de moins qu'un meurtre, c'est-à-dire qui survient sans le consentement de la personne concernée.
Disons qu'on passe plus facilement par-dessus les erreurs d'orthographe ou de grammaire qui ponctuent les pages de certains journaux. Mais confondre suicide assisté et euthanasie est une erreur inacceptable, surtout pour celui qui voudrait initier un débat. Un journaliste qui s'avance sur un sujet aussi délicat doit savoir de quoi il parle. Question d'éthique.
Que personne ne soit sorti dans la rue me déçoit et me fait peur. À moins que ce soit simplement parce que personne ne lit la page blanche à Black… Malheureusement, mon titre ne me permet pas d'ignorer ce que mes collègues écrivent. Et j'ai bien peur que des gens aient lu, acquiescé pour le fond, et ne voient désormais aucune différence, à l'avenir, entre deux ces deux termes foncièrement distincts que sont le suicide assisté et l'euthanasie.
Black m’a toujours impressionné par l’insignifiance de ses billets. Ici, ce n’est pas l’homme que je juge mais bien ses textes. Combien de fois ai-je laissé sortir de ma bouche grimaçante un soupir alors que je terminais un de ses fameux billets?
Mais jusqu’ici, comme vous l’avez si bien dit, pas de quoi fouetter un chat. Il faut savoir que je ne compte pas parmi les lecteurs assidus du P.-D. et c’est souvent parce que je n’ai rien d’autre à lire que je le lis. Désolé mais c’est comme ça.
Ça explique un peu pourquoi je ne suis pas présentement dans la rue en train de brandir une pancarte pour m’insurger contre les propos de Black. Il faut croire que j’avais des trucs plus intéressants à lire. Et y a aussi le fait que je ne suis pas trop le genre à me regrouper avec plein de gens pour manifester, je préfère motiver les troupes en écrivant. Comme vous l’avez fait lors de ce billet et oui, il fallait le faire.
Parce que ce matin alors que j’avais quelques minutes à tuer , j’ai jeté un petit coup d’oeil au P.-D. et force m’est de constater que j’ai complètement ignoré ce billet absolument débile sur l’euthanasie. Donc merci de l’avoir noté.
Je pense que je vais lui écrire directement et si je mets des gants blancs, il se pourrait que j’aie à les nettoyer après ma rédaction. Ce gars-là aurait dû lire une ou deux nouvelles de Richard Matheson afin de comprendre que sa vision est particulièrement utopique et dénuée de tout jugement.
Car si l’on adopte un mode de pensée Blackien, il faudra aussi euthanasier les schizophrènes (une vie à entendre des voix, ce n’est pas une vie), les aveugles (ça se peut-tu! une vie même pas vue), les surdoués (trop d’intelligence, ça peut devenir lourd à porter), etc…
Dans son texte, Black me fait penser à un gars qui, au lieu de sortir par la porte principale comme tout le monde, utilise une sortie d’urgence juste pour sauver vingt pas, en se foutant bien de l’alarme qui va se mettre à sonner et faire paniquer tout le
Avez-vous remarquez que M. Blackburn parle toujours de SA vision de la vie, de SES tourments, de SA famille, de SES loisirs ? Il n’a jamais eu l’intention, d’après moi, d’être un guide ou même d’être admiré pour ses propos. Il écrit ce qu’il pense, à vous d’apprécier ou non. De lui associer des mots comme génocide et meurtre, c’est de l’over-reaction (lire: péter une coche pour pas grand chose).
Je me souviens que lorsque j’habitais Chicoutimi, je lisais toujours ses chroniques qui me faisaient sourire, je le voyais comme un personnage parmi tant d’autres dans ma région. La dernière fois dont je me rappelle avoir lu un de ses papiers il parlait d’un serin qu’il avait et qui sifflait sans arrêt, c’était drôle et divertissant (ça fait environ 7 ans !).
Pour ma part, c’était plutôt la femme frustrée (A.Rainville, je crois) qui m’énervait. Elle écrivait immanquablement à chaque été des choses du genre: les femmes qui se déshabillent pour sortir leurs jupes courtes et leurs cami à bretelle spaguetti me donnent de l’urticaire ou encore, certaines personnes mangent en marchant dans la rue, c’est dégueulasse… Un autre personnage avec des opinions bien à elle.
Salut le monde de Ch’cout!