Gulaine Rivard et Yves Larouche Photo: Jean Briand |
Hier soir, c'était la RE-Première du Festin, présentée par la Rubrique à la salle Pierrette-Gaudreault. Je ne pouvais pas m'y rendre – une entrevue m'aura retenu à Chicoutimi au même moment. (Il faut croire que j'ai regretté un peu parce que j'ai fini ma soirée en piochant ma comptabilité devant Le Festin nu, de Cronenberg, je ne sais plus sur quelle chaîne. Faut dire qu'il était tard un peu…)
Toutefois, Joël Martel, qui pige pour le Voir Saguenay/Alma depuis quelque temps, s'est rendu sur place. Je lui avais demandé de m'écrire deux ou trois lignes pour faire un retour sur son expérience, et voilà qu'il s'est élancé…
Au menu : des comédiens en feu, une mise en scène très habile et enfin, une histoire délicieuse.
De prime abord, Le festin nous est présenté comme une comédie et effectivement, en usant des rouages classiques du genre, provoque l'effet voulu. Mais au-delà du sourire perpétuel et des nombreux éclats de rire qui sont suscités par le texte de Sylvie Bouchard, celui-ci regorge de brillantes réflexions à propos d'un thème autant tabou dans la comédie que dans la vie : la mort.
Il faut savoir que la mise en scène de Éric Chalifour contribue grandement à donner beaucoup de vie à toutes ces histoires de mort. En fait, rien ne semble avoir été laissé au hasard. Les éclairages ainsi que la bande sonore sont d'une très grande efficacité et le tout est parfaitement synchronisé – ici, l'inoubliable chorégraphie médiévale en est l'ultime exemple- avec le jeu des comédiens.
Et parlons-en de ces comédiens! En premier lieu, soulignons le jeu très efficace et hyper-charismatique de Benoît Lagrandeur dans le rôle du candide Mathurin. Transcendant les moindres déceptions ou surprises qui attendront l'équipée, le pauvre aubergiste mettra maintes fois son coeur à dure épreuve – ainsi que la rate des spectateurs.
Guylaine Rivard réalise un doublé très réussi. Incarnant la femme plutôt moche de Mathurin d'un côté, et une Mort vamp à la tenue très suggestive de l'autre côté, la comédienne livre deux excellentes interprétations de registres très différents.
Avec un nombre de répliques beaucoup moins garni que ses compagnons de routes, Sara Moisan parvient à prendre sa place au soleil et ce, de façon plutôt inhabituelle au théâtre. En effet, les nombreux bogues affligeant son personnage de Ysengrin obligent la comédienne à effectuer un réel tour de force en matière d'immobilité spectaculaire!
Le moine, campé par Christian Ouellet, provoque de multiples fous rires tout en évitant de tomber dans le cabotinage. Le religieux pouvant passer d'un état de pénitence absolue à une phase de démence et ce, dans l'instant de le dire, l'interprétation de celui-ci requiert un plein contrôle du jeu dont Ouellet est, de toute évidence, doté. Quelle phrase.
L'intrigant personnage du Noble, joué par Éric Laprise, est tout à fait charmant. En fait, c'est à son interprète que l'on doit une bonne partie des mérites. C'est que Laprise réussit à faire l'impossible, soit de rendre attachant un individu complètement méprisable.
Enfin, Yves Larouche risque fort bien d'égayer le coeur des spectateurs en donnant vie au personnage de Raoul. Ivrogne notoire et supposément vétéran de la guerre, Raoul va se révéler comme étant le plus lucide de l'équipée. Il est à noter que le caractère très burlesque du personnage est savamment équilibré par le jeu parfaitement dosé de Larouche.
On peut donc dire que La Rubrique a visé dans le mille avec Le festin. Ça n'a pas juste l'air bon, c'est savoureux.
Joël Martel
Je pense qu'il a aimé sa soirée…