J'ai vécu une expérience assez extraordinaire, hier soir. C'était avant de me lancer peinard dans la furie des éléments, avant de traverser la lande jeannoise devenue impossible à reconnaître sous l'assaut pluvial particulièrement violent qui a transformé la chaussée en torrents imprévisibles.
À mon arrivée au Fantastique café, la librairie-buvette sise rue Principale à Saint-Henri-de-Taillon, la soirée était tiède et sèche et promettait d'être plutôt calme. Et pourtant, il s'est produit quelque chose. Yvon Paré et Danielle Dubé, particulièremnt avenants, attendaient sur le seuil béant que l'on se joigne à leur compagnie. Un café servi, puis un autre, et la tranquille cuisine tapissée des livres d'une multitude de maisons d'éditions indépendantes s'est transformée en véritable assemblée, grouillante et verbeuse. Contre toute attente, on fit salle comble, au coeur de Saint-Henri-de-Taillon.
Le thème de la causerie, prétexte pour cette rencontre fructueuse, était "Écrire seul ou avec l'autre". Ce à quoi Danielle s'est empressée de répondre "On écrit toujours seul." Mince fil directeur, qui n'a pourtant jamais complètement été éclipsé, mais qu'on a étiré dans tous les sens pour convenir que si on écrit seul, la rencontre de l'autre est nécessaire, au coeur de l'expérience, pour susciter l'acte d'écrire.
De là ont surgi moult préoccupations tenaillant non seulement les deux invités, mais aussi les personnages attroupés devant eux… La fracture entre les générations. L'urgence d'écrire sa propre vie, sans se préoccuper d'une quelconque publication, simplement pour laisser une trace de soi aux enfants qui nous prolongent. La distanciation de plus en plus effective, conséquence des nouveaux médias de communication…
Maintenant, on ne fait plus qu'écrire seuls. On vit seuls. Isolés les uns des autres.
Oui, j'ai vécu une expérience assez extraordinaire, hier soir, auprès des gens de Saint-Henri-de-Taillon. Une assemblée de cuisine qui avait une atmosphère d'antan. Quand la mémoire des gens était collective, alimentée à même le flot des paroles croisées de l'un et de l'autre. Quand les conteurs ou les violonneux n'avaient pas besoin d'affiches, de publicité, de prix d'entrée pour se commettre. Que de gens rassemblés pour le plaisir d'être ensemble.
Voilà. C'était chouette. Merci à tous ceux qui ont partagé ce moment avec moi.