Francis Arguin Photo: Jean-François Caron |
Du 2 au 4 novembre avait lieu l'événement Art nomade. Occupant le bâtiment 1912 de la Pulperie, les artistes participants se sont donné corps et âme – dans certains cas, ce n'était pas qu'une expression. Je retiens, parmi les performances auxquelles j'ai assisté, je retiens celle de Francis Arguin (Québec). Par des stratégies souvent fort simples, il a réussi à créer des images fortes. Il semble aussi s'être mérité la sympathie du public, sans doute par le côté ludique et les quelques pointes d'humour qui ont fait s'esclaffer la galerie.
Francis Arguin |
Paul Hurley Photo: Jean-François Caron |
Mention spéciale également à la force d'évocation de l'action de Paul Hurley (Pays de Galles). Travaillant depuis longtemps autour de l'idée de la métamorphose de l'homme en animal, il s'est littéralement transformé en sauterelle sous nos yeux pour ravager un champ de laitue.
Paul Hurley |
Noizefer CWU Photo: Jean-François Caron |
Évidemment, on ne pouvait pas passer à côté de l'immanquable cliché de l'art excrémentiel – je pense à la vénération de la merde du duo Noizefer CWU (Montréal). Je croyais sincèrement que la performance avait passé le stade anal, que ses artistes avaient fini depuis belle lurette de jouer dans leur caca. Eh oui, même un art marginal comme l'art performatif sombre à l'occasion dans les clichés les plus abjectes.
Noizefer CWU |
Heureusement, le succès de l'événement ne dépend pas de la pertinence de tous les artistes invités… La satisfaction des différents spectateurs qui s'étaient rendus sur place en même temps que moi ne ment pas: Art nomade était un succès.
Je n'étais malheureusement pas présent lors des autres soirées de performance. Toutefois, comme la performance est souvent une source d'inspiration intéressante pour les photographes, je vous propose un survol de la fin de semaine en photos. Appelons ça un photo-reportage rendu possible grâce à l'aimable collaboration de Valérie Lavoie, mandatée par les organisateurs pour garder des traces photographiques des moments forts de l'événement.
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
Photo: Valérie Lavoie |
L’événement Art Nomade fut en effet un succès total. Et ce, grâce au travail remarquable des deux organisateurs Francis O’Shaughnessy et Étienne Boulanger supportés par des bénévoles dévoués et de nombreux partenaires.
Le commentaire de Jean-François Caron est amusant, voire rigolo et un peu naïf, mais nécessite quelques corrections face à quelques imprécisions dignes des clichés journalistiques qui, en plus de confondre les informations de base, se refusent l’effort d’une écoute attentive, se font prendre par les aspects sensationnels et s’y limitent.
J’agirai donc en glossateur au sujet de la performance de Noïzefer CWU, qui proviennent de Sherbrooke et non de Montréal, et des commentaires de M. Caron.
En fait, ce qui me frappe d’emblée, c’est la structure et les valeurs cachées au creux des commentaires de M. Caron qui, finalement, représentent exactement le thème de la performance de Noïzefer : le combat, les déchirements et les oscillations entre le primitif et l’évolué. Ou plus précisément, le rejet, l’organisation et l’isolement, de certains activités organiques primitives au nom d’une pudeur culturelle. C’est exactement ce que fait M. Caron en décrivant, avec un détachement culturel et civilisé, la performance de Noïzefer qui, au fond, parle de ses propres réflexes culturels, marques d’une aliénation remarquable : à savoir l’incapacité à détecter la mécanique de les dits réflexes culturels (est-ce de moi? est-ce de mon apprentissage en société? est-ce une mécanique de ma culture?).
Je m’explique. On se doit d’abord de mentionner que le thème de l’événement était le primitif. En fait, il faut aussi comprendre que la performance en question ne se limitait pas à une affaire d’immondices. Quelle évidence. Sauf si on se limite au sensationnel. En plus, les immondices en question étaient en fait un mélange d’un liquide rouge, de viande et de selles. Et pire : les selles n’étaient pas spécialement visibles pour l’audience. Plusieurs personnes de l’audience ne savaient pas exactement de quoi il était question. L’action conservait une part de mystère. Et il n’était pas question de déranger pour déranger : les performeurs manipulaient avec dédain cette matière, ils ne jouaient pas avec, il ne la donnait pas en spectacle. En quelques mots, la performance sonore impliquait le combat entre nature (plus ou moins primitive) et culture. Combat qui était, dans le cas de Noïzefer CWU, évoqué par la construction d’un jardin (fontaine, paysage sonore synthétique [eau, oiseaux et vent] et statuaire, le jardin à l’image de la construction d’une culture par l’organisation de la nature) avec des éléments et des rebus modernes (subwoofers, tuyauterie, haut-parleurs de sonorisation, circuits électroniques, lampe chauffante, etc.). Il faut aussi rappeler au journaliste que la fontaine sonore était un élément central de la performance. Les performeurs ont fabriqué une fontaine en branchant trois subwoofers sur trois tuyaux. Le son des subwoofers activant finalement le mouvement des flaques d’immondices aux bouts des tuyaux. La fontaine devenant ainsi opérationnelle. Cette construction évoquait en fait l’élaboration d’une culture et le la structuration progressive et social du corps, du primitif, de l’organique organisé par la culture. Et on ne peut accuser Noïzefer de pas avoir été clair, le début de la performance impliquait la lecture d’un texte, par une voix modifiée par resynthèse des formants vocaux, qui, dès les premiers instants, posait le thème de la performance : «le jardin, un fin jeu d’équilibre entre nature et culture». C’est ainsi que les immondices, en jouant un rôle symbolique significatif, n’occupait pas toute la mise en place offerte par Noïzefer.
Mais bon, la pensée n’est pas donné à tous. Et reconnaître la mécanique de sa propre aliénation sociale ou culturelle non plus. Dépasser l’image pour tenter d’y construire – parce qu’on doit bien le construire comme auditeur actif – des degrés supérieurs, fut visiblement un effort trop grand pour M. Caron. C’est donc bien amicalement ( ; ) ) , et simplement, que je propose ces commentaires désireux de créer une réponse de la part de M. Caron qui saura surement me corriger à la lumière de ses vastes connaissances.
Pour supporter le tout, au sujet des immondices et de leur importance comme objet de révolte individuelle contre l’organisation, contre le pouvoir souverain ou diffus ou même l’hégémonie culturelle, j’invite M. Caron à faire ses devoirs et à lire Pouvoir Psychiatrique (cours au Collège de France) de Michel Foucault ou Antonin Artaud (par le biais de Douglas Kahn [dans «Noise Water Meat – An history of sound art» sur MIT Press]) qui nous parle de la défécation comme unique activité de révolte possible, comme métaphore. De telles références historiques ne sont pas naïves. Notamment celle de Michel Foucault qui guide les travaux plus récents de Noïzefer.
Le commentaire de M. Caron me fait penser aux commentaires des journalistes de Flash qui avaient confondu une des performances du RIAP à Québec avec le nouvel établissement d’un record Guiness … ou au commentaire cliché : « la nudité en performance, c’est un cliché! » … aussi bien dire que le corps humain est devenu cliché! J’ai fort hate de pouvoir apprécier comment le commentaire de M. Caron sera défendu … si défense ou réaction seront proposée!
Amicalement vôtre,
Philippe-Aubert Gauthier
Veuillez pardonner les quelques fautes qui surgissent sous ma plume impulsive!